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Big et bug brother

Le STIC, sorte de “casier judiciaire bis”, recense induement plus de la moitié des Français. Le taux d’erreurs qu’y a trouvé la CNIL est de 83%.

Article mis en ligne le jeudi 22 janvier 2009


En 2008, la CNIL a constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers

Les gens ont souvent du mal à comprendre en quoi ils seraient concernés par le fichage policier. C’est pourtant simple : le STIC (système de traitement des infractions constatées), sorte de “casier judiciaire bis”, recense plus de la moitié des Français.

Plus 100 000 policiers (sur les 146 116 fonctionnaires du ministère de l’Intérieur) y ont ainsi accès à des données sensibles concernant plus de 28 millions de victimes, et plus de 5,5 millions de personnes mises en cause (“suspects”). Et plus d’un million de salariés peuvent perdre leur travail, ou ne pas être embauchés, s’ils y sont fichés (voir le billet que j’avais récemment écrit à ce sujet : “Futurs fonctionnaires, ou potentiels terroristes ?“).

Le problème se double du fait que ce fichier est truffé d’erreurs (voir “Victimes du STIC“, un excellent article de l’Express), et que des personnes se voient ainsi licenciées parce qu’elles étaient répertoriées comme suspectes -alors qu’elles étaient en réalité les victimes des affaires en question- ou bien encore parce que la décision de non-lieu, de relaxe ou de classement sans suite n’a pas été inscrite dans leur fichier.

Lire la suite de l’article sur :

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2...

Un fichier illégal depuis… 13 ans

Dernier point, qui n’est pas le plus anodin : dans son rapport, la CNIL écrit que le STIC a été créé en 2001. C’est faux. Le STIC a été créé en 1995, mais la CNIL s’y opposa, parce que le ministère de l’Intérieur refusait d’accorder aux personnes fichées un droit d’accès et de rectification (ce que prévoit expressément la loi informatique et libertés). Cela lui avait d’ailleurs valu de remporter un prix Orwell aux Big Brother Awards, en l’an 2000.

Le fichier n’a finalement été légalisé qu’au cours de l’été 2001, juste avant les attentats de septembre, qui ont par ailleurs entraîné le gouvernement d’alors à en élargir l’utilisation, aux fins d’enquêtes de “moralité” & de police administrative visant toute personne postulant (ou travaillant) dans des métiers sensibles, ou réclamant la nationalité française, la légion d’honneur, etc.

Reste que le STIC a donc fonctionné, illégalement, pendant 6 ans. Ceci pouvant peut-être aussi expliquer cela, et ce pour quoi les ministères de l’Intérieur et de la Justice ne respectent toujours pas la loi. Cette précision aurait peut-être permis aux lecteurs du rapport de la CNIL, aux journalistes qui s’en sont fait l’écho, et aux citoyens qui en ont entendu parler, de mieux comprendre la généalogie de cette dérive du fichage policier.

La CNIL a préféré ne pas l’évoquer. Elle préfère probablement ne pas attaquer bille en tête le gouvernement. D’autant que, et aussi étonnant que cela puisse paraître, les fichiers policiers ont le droit de violer la loi : en vertu de la loi informatique et libertés, telle qu’elle a été révisée en 2004, les fichiers policiers disposent d’un délai courant jusqu’en octobre 2010 pour se conformer à la loi, et ont donc le droit d’être “hors la loi” d’ici là.

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