Une tribune pour les luttes

Terre d’errance

La situation des réfugiés du nord de la France : treize migrants érythréens, et une bénévole de l’association Terre d’errance ont été arrêtés

Soutien à Monique, arrêtée pour aide aux étrangers : Délinquante aujourd’hui, Juste demain

Article mis en ligne le samedi 28 février 2009

28/02/2009

Émotion, ce soir à la salle paroissiale de Norrent-Fontes. Élus, responsables d’association, porte-parole
de collectifs... et particuliers étaient venus en nombre soutenir Monique Pouille, membre de Terre
d’Errance.

Cette bénévole de 59 ans, mère au foyer, et femme généreuse, a été arrêtée il y a trois jours
par la police avec treize migrants érythréens et enfermée pendant huit heures au centre de rétention
administrative de Coquelle. Depuis plusieurs années, elle apporte son aide et un peu de nourriture aux
migrants et recharge chez elle leur portable. C’est ce qui lui a valu son arrestation.

Tour à tour, les maires de Norrent-Fontes, Lillers, Isbergues, des communes voisines, la députée
européenne Hélène Flautre... se sont succédé.
Ils ont assuré la bénévole de leur soutien (« Vous défendez
les droits de l’homme, vous devriez être protégée pour réaliser cette action. Or, c’est le contraire qui
se produit ! C’est la marque d’un régime répressif... »).
Ils se sont indignés de la chasse aux
étrangers, de la guerre aux migrants menée par l’Europe, des coûts insensés qu’elle occasionne et ont
signé un manifeste dans lequel ils demandent une nouvelle politique de l’immigration.


Tout bénévole est en danger

Arrêter une mère de famille de 59 ans, aussi inoffensive que Monique, est à l’évidence un message. L’État
rappelle que l’aide aux personnes en situation irrégulière est un délit. Il signifie par là que tout
bénévole, quel qu’il soit, est en danger. Pas facile, dès lors, de continuer à donner son temps, de
consacrer une partie de son argent aux étrangers, et de ne pas se laisser décourager avec ce couperet au
dessus de la tête ! Les lourdes amendes et l’éventuelle peine de prison sont désormais palpables.
Alors,
quel choix pour les bénévoles ? À Calais, ils sont harcelés depuis des années, paient des amendes
exorbitantes et pourtant ils poursuivent leur lutte pour que soient respectés des humains. L’abbé
Boutoille, porte-parole de l’association C’Sur, a expliqué qu’il ne fallait pas se laisser impressionner
par le discours de l’État et a conseillé de prendre à chaque fois des décisions collectives.

À
Norrent-Fontes, les membres de l’association Terre d’Errance, devenus peut-être plus conscients des
dangers, n’ont pas l’intention de baisser les bras... « Nous n’avons pas honte d’aider les migrants qui
passent par Norrent-Fontes. Nous sommes heureux de les rencontrer. Nous ne faisons que répondre aux
carences de l’État... Pourquoi nous répond-il ainsi ? »
Les autres représentants de collectifs dans le
département ont affirmé que le combat continuait.

Étonnant, bouleversant, voire nauséeux ce combat,
quand, quelques jours plus tôt, à Loos-en-Gohelle, Marianna Sloma recevait la distinction de « Juste
parmi les nations ». Cette vieille dame de 86 ans avait aidé des Juifs pendant la seconde guerre
mondiale, en connaissant elle aussi les risques qu’elle encourait...
Jean-Pierre Alaux, chargé d’études au Gisti, groupe d’information et de soutien des immigrés, s’est ému :
« Quand l’Etat interpelle Monique, cet état est délinquant, » s’est-il exclamé. « Nous avons raison
d’aider les Érythréens car les États trichent avec les droits. La Loi de Dublin contraint les exilés à
demander l’asile dans des pays où c’est impossible... » L’homme a expliqué que les migrants avaient trois
ennemis : les États qui ne respectent pas les droits fondamentaux, les polices et les mafias... et qu’ils
craignent autant l’un que l’autre. « Nous sommes tous des Monique, a-t-il asséné, et nous le resterons !
 »

Contact : terrederrance chez free.fr

.http://terreerrance.wordpress.com/...


Monique Pouille a été arrêtée chez elle, sa maison a été perquisitionnée. _ Elle a été
emmenée et enfermée avec les migrants au centre de rétention administrative de Coquelle.
Elle a 59 ans, elle est mère au foyer. Depuis plusieurs années, elle apporte son aide aux
migrants. C’est ce qui lui a valu cette arrestation.

En fin d’après-midi, quelques dizaines de personnes, venues de Steenvoorde, de Calais, de
Boulogne, de Dunkerque et de Norrent-Fontes se sont rassemblées aux abords du centre
pour exprimer leur désarroi, leur colère et soutenir les personnes enfermées.

Monique a été retenue pendant huit heures et libérée en fin d’après-midi. _ À l’heure où
nous écrivons, les migrants sont toujours enfermés à Coquelles.

Les membres de Terre d’errance ne comprennent pas. Ce qui est reproché à Monique.
Ce qui est reproché aux migrants. Ce que veut l’État dans cette histoire. Ce que vont
devenir ces hommes et ces femmes qui ont dû fuir leur pays et qui ici se retrouvent
prisonniers de l’arbitraire et des frontières.

Le gouvernement semble toujours incapable de reconnaître la réalité du drame que vivent
ces réfugiés, celui d’une impossibilité d’aller et d’être où que ce soit, vivant dans le froid,
seuls sous l’incessante menace policière.

Nous n’avons pas honte d’aider les migrants qui passent par Norrent-Fontes. Nous
sommes heureux de les rencontrer. Nous ne faisons que répondre aux carences de l’État.
Pourquoi nous répond-il ainsi ?

La réunion d’information prévue le samedi 28 février à 17 h 30 à Norrent-Fontes est
maintenue. Rendez-vous à la salle paroissiale. Nous répondrons à vos questions, vos
propositions de soutien, vos idées…

Contact : terrederrance chez free.fr

Outre les 13 Erythréens de la jungle de Norrent-Fontes, 3 militants ont, en réalité, été soumis à la question par la PAF de Calais : deux de Terre d’Errance (http://terreerrance.wordpress.com) et un de Boulogne-sur-Mer, militant de C’Sur (Calais)


"Nord Littoral" (France), 25 février 2009

Glara, une heure sur le chemin de l’exil
Une migrante accouche prématurément, son bébé ne survit pas

par Damien Engrand

Fille d’un couple de réfugiés kurdes irakiens installé en bordure de l’A 16, au campement de Grande-Synthe, la petite Glara est née le 17 février à la maternité des Bazennes, à Dunkerque.

Elle n’aura (sur) vécu qu’une petite heure.

Certes, l’accouchement était prématuré. Certes, l’enfant n’était peut-être pas viable, mais les conditions de vie et les difficultés sanitaires rencontrées par ses parents, depuis trois mois sur le territoire français n’ont sans doute rien arrangé.

Informé de ce décès, le Mrap dunkerquois, représenté par Aïssa Zaïbet et Michel Candas, a très vite réagi pour organiser une collecte auprès de particuliers afin d’offrir aux parents de la nouveau-née des funérailles dignes de la tradition musulmane.

La petite Glara repose depuis vendredi au carré musulman du cimetière de Grande-Synthe, où elle a été inhumée devant une vingtaine de personnes.

« La fraternité dunkerquoise s’est très vite fait sentir. Les gens ont été touchés et très émus par le décès de cet enfant. Pour nous, c’est beaucoup d’émotion. On pense avoir agi avec dignité. La famille peut ainsi faire le deuil. La tombe porte un nom et un prénom ainsi qu’une date de naissance et de décès. Si les parents le désirent, plus tard, quand ils seront en Angleterre, ils pourront revenir se recueillir. » Et Aïssa Zaïbet de réclamer davantage d’humanité : « ce décès doit nous interpeller encore plus vivement sur la situation et les conditions de vie des réfugiés sur notre littoral. D’autres femmes présentes sur le Dunkerquois sont également enceintes actuellement. D’un côté, ça prouve le dynamisme de ces réfugiés, tous très jeunes, et cela montre aussi qu’ils ont une vie, que ce n’est pas seulement des clandestins. On pourrait peut-être imaginer une prise en charge médicale pour les femmes enceintes. »

Soutenus par l’association dunkerquoise, les parents de Glara se remettent doucement de l’épreuve. Lundi, la mère était toujours hospitalisée. De l’avis d’Aïssa Zaïbet, « la naissance d’un enfant symbolise l’espérance d’une nouvelle vie ». Cet espoir n’aura duré qu’une heure pour les parents de Glara.


http://bellaciao.org/fr/spip.php?article81216


Témoignage

Elle rechargeait les portables de migrants : garde à vue

de Haydée Sabéran

jeudi 26 février 2009

de Haydée Sabéran

Monique Pouille, 59 ans, épouse d’artisan peintre, parle très vite au téléphone, comme essoufflée par ce qui vient de lui arriver.

Elle a fait neuf heures de garde à vue, hier.

Cette mère au foyer, membre de la paroisse de Norrent-Fontes, près de Béthune, bénévole aux restos du coeur et bénévole de l’association Terre d’errance, organise les dons de nourriture, d’habits pour les migrants sans-abri depuis deux ans et demi.

C’est elle aussi qui recharge les portables de ces errants qui tentent de gagner l’Angleterre en grimpant sur les camions de l’aire de repos de l’autoroute voisine.

Hier, à 7h45 du matin, on sonne à sa porte. La Police de l’air et des frontières.

Pigeonnier

Elle raconte : « Ils m’ont dit "on vient vous chercher pour vous mettre en garde à vue, pour flagrant délit d’aide aux personnes en situation irrégulière" ». Elle ajoute : « Quand j’ai ouvert la porte ils sont tout suite entrés dans le couloir. Je pense qu’ils croyaient trouver des réfugiés chez moi ». Les policiers tombent sur trois portables, en charge sur la table du salon. Ils prennent les portables, fouillent la maison, le garage, la voiture, « et même le pigeonnier de mon mari, il est colombophile ». Ils autorisent Monique Pouille à faire « un petit brin de toilette » avant de partir, « une femme policier m’attendait derrière la porte de la salle de bains ». Elle ressort avec un pull à capuche. « Ils m’ont dit que ça ne serait pas accepté en garde à vue, à cause du cordon. »

Fan-club.

A Coquelles, la garde à vue commence. « Ils ont dit que j’avais eu de la chance de ne pas être menottée ». La police aurait ajouté qu’elle devait « coopérer ». « Ils m’ont dit qu’ils étaient courant de tout. Une femme policier m’a demandé "Alors, ça s’est bien passé le concours de colombophilie de votre mari ?" C’était une conversation que j’avais eu avec des bénévoles de l’association quelques jours plus tôt au téléphone. Je suis tombée des nues ».

Ils posent des questions sur les migrants, un par un. Comment s’appelle-t-il ? Depuis combien de temps est-il là ? « Ils m’ont dit "vous faites ça pour la bonne cause, mais il faut faire attention à ne pas aider les passeurs". Il m’ont dit que je pouvais continuer à recharger les portables, mais pas ceux des passeurs, ceux qui sont bien habillés, et qui sont là depuis longtemps. Moi je ne m’occupe pas de ça ? J’aide les gens sans poser de questions ». Vers 14h30, les policiers lui annoncent que son « fan-club » est dehors. « C’était une cinquantaine de personnes qui étaient venues me soutenir ». Elle est libre vers 17h. Sans charges, ni mise en examen, pour l’instant.

« Bande organisée ».

« Nous l’avons récupérée en larmes » raconte Me Bruno Dubout, avocat de l’association Terre d’errance. « Monique Pouille en garde à vue, c’est une aberration. Elle n’est pas armée pour ça. Elle fait partie de ces gens qui aident les migrants parce qu’ils font de l’humanitaire. Parce qu’ils se disent "On ne peut pas laisser crever les gens au bout de notre jardin" ». Monique Pouille ajoute : « Je suis la seule bénévole qui habite Norrent Fontes. Une garde à vue, ce n’est pas rien. Je me demande comment les gens vont réagir. Ce n’est pas facile à vivre »

A la Police de l’air et des frontières de Coquelles, on indique que la garde à vue a eu lieu dans le cadre d’une commission rogatoire ordonnée par le juge d’instruction Vignau à Béthune, « pour aide au séjour irrégulier en bande organisée ». Au cabinet de l’instruction, on n’a « aucune information à donner à ce sujet ». On risque en théorie jusqu’à 10 ans de prison pour aide au séjour irrégulier en bande organisée.

Dans un communiqué, le curé de la paroisse, le père Delannoy s’indigne : « C’est la politique du chiffre qui prime , M. Besson a demandé qu’on intensifie la lutte contre les réseaux mafieux, qui arrête t-on ? Une simple habitante qui a un cœur d’or et qui n’en peut plus de voir des jeunes qui ont l’âge de ses fils passer devant sa maison bravant le froid. Il est certainement plus facile de rester au chaud dans sa maison bien installé devant son écran que d’agir. Heureusement que dans notre monde il y a encore des Monique. »

Alors, elle continue ? Elle pense que oui. Puis elle ajoute : « Mon mari m’a dit "tu ne fais rien de mal, tu continues" Mais si je suis enfermée, y’a personne qui y va à ma place... ».
http://www.libelille.fr/saberan/2009/02/elle-rechargeai.html

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