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Tribune

Chasse aux immigrés : ce sont des "Justes" qu’on enferme !

Par Louis Bartolomei | Magistrat honoraire

Article mis en ligne le mercredi 4 mars 2009

http://www.rue89.com/2009/03/03/cha...

A l’occasion de l’arrestation dans la rue, le 17 février, d’un compagnon d’Emmaüs en situation irrégulière, le responsable de la communauté située à la Pointe Rouge à Marseille a été mis en garde à vue : il avait refusé de communiquer aux forces de l’ordre les noms de ses résidents "ayant une consonance étrangère hors espace Schengen" (sic).

A la suite de cette affaire abracadabrante, une pétition a été mise en ligne. Les signataires y confessent avec fierté qu’ils ont eux-même aidé des personnes fragilisées, sans se préoccuper de leur situation (irrégulier ou non). Surprise : elle a recueilli en cinq jours plus de mille signatures

"Nous aussi...", texte de la pétition

Le 17 février dernier, un compagnon d’Emmaüs en situation irrégulière a été arrêté suite à une intervention des services de police dans les locaux de la communauté de la Pointe Rouge à Marseille.
Une telle arrestation va à l’encontre du principe d’accueil et de secours inconditionnel des personnes démunies quelle que soit leur situation. Après avoir pris connaissance des investigations diligentées par la police au sein de la communauté d’Emmaüs de Marseille, nous, soussignés, reconnaissons avoir nous-mêmes privilégié l’accueil et le secours de personnes, fragilisées ou démunies, rencontrées à l’occasion de notre engagement professionnel, associatif ou militant, sans nous préoccuper au préalable de leur situation au regard de la loi.

Pour ceux qui veulent la signer :

http://placeauxdroits.net/petition2/?petition=16

Pourquoi une réaction aussi prompte et massive ? Quelles sont les motivations des signataires, qui proviennent d’horizons les plus divers ?

Le droit leur donne raison (la décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2004 considère que le délit d’aide au séjour irrégulier "ne saurait concerner les organismes humanitaires d’aide aux étrangers") mais les signataires ne sont pas -sauf exceptions- des juristes. Ces citoyens ont simplement l’intuition que l’aide vitale apportée par les associations telles qu’Emmaüs à des personnes en détresse n’a rien à voir avec le délit "d’aide au séjour irrégulier" commis par les passeurs, les employeurs ou les marchands de sommeil qui exploitent les étrangers en profitant de leur vulnérabilité.

"Touche pas à l’abbé Pierre !"

Ces signataires manifestent une colère simple : "Touche pas à l’abbé Pierre", "Touche pas à Emmaüs ou à ATD quart monde"... ces associations dans lesquelles des bénévoles et quasi bénévoles se dépensent sans compter, au quotidien, pour soulager la souffrance des plus pauvres. Au fait, aurait-on pu assister à une pareille affaire du vivant de l’abbé Pierre, auprès de qui tant de responsables politiques aimaient se faire photographier ?

Ils souhaitent voir la dignité de l’homme replacée au cœur des politiques publiques, en lieu et place des chiffres et des quotas, lesquels ne donnent que l’illusion de l’efficacité – comme le démontre une étude commandée par un grand quotidien national suite à la présentation de son bilan par le ministre de l’immigration.

D’autres signataires regrettent aussi que le principe de la hiérarchie des normes ait été oublié en l’espèce : au-dessus des instructions et des circulaires, il y a toujours l’article 40 du Code de procédure pénale qui confère au procureur de la République la maîtrise des poursuites, ce qui lui permet de conduire la politique pénale au plus près des réels besoins de la population.

Les crédits alloués à la lutte contre l’immigration clandestine se chiffrent à 415 millions d’euros. Une telle somme peut paraître excessive surtout en cette période où les caisses de l’Etat sont vides.


La raison des quotas

A ce sujet, il convient de rappeler que Hamid Belhir – car ce "sans papiers" avait un nom – vivait en France depuis 2001 : il travaillait comme cuisinier, il était déclaré, il était parfaitement intégré ; il méritait d’être régularisé ; et le préfet avait le pouvoir de décider cette régularisation. Hamid Belhir a été sacrifié au nom de la raison des quotas.

Quelles sont les priorités de notre société ? Une expulsion coûte en moyenne aux contribuables 20.970€. Dans le même temps, "vingt agressions crapuleuses sont commises chaque jour dans les rues de Marseille". L’année 2008 a connu une augmentation de 20% des vols de véhicules automobiles sous la menace d’une arme à feu plaçant Marseille au premier rang des agglomérations françaises pour ce type de criminalité. Depuis le début de l’année dix bureaux de poste ont été braqués et le taux d’élucidation pour le mois de janvier n’a pas dépassé les 8% pour la délinquance de proximité, ce qui signifie que plus de 90% de ces faits restent impunis...

Les responsables de la sécurité gagneraient à se souvenir de cette imprécation contre les "guides aveugles qui filtrent le moucheron et avalent les chameaux"...

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