Une tribune pour les luttes

Ce mercredi, 15 avril 2009, soit après 49 jours de détention préventive illégale,

Nouhoum Keïta vient d’obtenir la liberté provisoire.

Article mis en ligne le mercredi 15 avril 2009

Il est donc rentré chez lui, sans être inculpé, mais il reste sous contrôle judiciaire car l’instruction du dossier n’est toujours pas complétée. En effet, seuls quelques intermédiaires plus ou moins importants ont été entendus par le juge chargé de l’affaire. Le plaignant (l’homme d’affaires indien qui serait victime de l’escroquerie) reste toujours introuvable.

En l’état actuel des choses, le préjudice causé à Nouhoum Keïta est énorme :

- privé de sa liberté, il n’a pu voir sa famille et ses amis ni poursuivre ses activités professionnelles et ses études complémentaires durant plus d’un moins et demi.

- Afin de le discréditer devant l’opinion publique, une rumeur a été orchestrée par des forces occultes pour faire croire aux populations que Nouhoum Keïta a multiplié les démarches et les plaintes pour brouiller les pistes et non pour faire établir la vérité et laver son honneur

- Enfin, à une dizaine de jours des élections communales, Nouhoum Keïta, qui avait été fortement sollicité par les citoyens de sa Commune (notamment les jeunes), pour se porter candidat, ne peut plus légalement briguer les suffrages des électeurs ni même apporter, de façon notable, sa contribution personnelle à l’animation du débat politique.

Compte tenu de ce constat de la situation, l’on ne peut que demeurer perplexe et se poser de nombreuses questions, en particulier les suivantes :

- Pourquoi tant de lenteur et d’irrégularités, de violations de droits humains fondamentaux de la part des autorités judiciaires maliennes dans une simple affaire civile tout à fait facile à éclaircir techniquement ?

- Tout récemment, le Président de la République du Mali a, sur sa demande, reçu le Secrétaire Général de son parti (SADI), le Dr Oumar Mariko. Il s’est engagé pour faire cesser le scandale et, à la fin de l’entretien, il a remis en mains propres à ce dernier une enveloppe de 40000FCFA en guise d’aide à la famille de Nouhoum Keïta. Etait-ce pour acheter son silence et faire taire sa formation politique, par conséquent, salir leur honorabilité en pleine période électorale ?

- Au vu des faits et si l’on considère le poids décisif que le syndicat des magistrats a pris dans l’affaire, comment s’empêcher de penser à une collusion entre cette corporation, les réseaux mafieux de trafic de tous genres (drogue, or, blanchiment d’argent, papiers…), des hauts responsables de la magistrature et le Parquet, voire les plus hautes autorités politiques ?

En somme, il y a lieu de s’inquiéter pour l’avenir de la démocratie au Mali.

C’est pourquoi, la mobilisation de tous les démocrates et militants des droits de l’Homme doit se poursuivre et s’amplifier, les soutiens se multiplier pour exiger :

- Le traitement régulier, total et complet du dossier

- La réparation des préjudices subis par Nouhoum et sa réhabilitation en cas de non lieu

le 15 avril 2009


Communiqué du 4 avril 2009

Pour la libération immédiate de Nouhoum Keita, journaliste à radio Kayira


Le vrai faux passeport

En juillet 2008, Nouhoum KEITA apprend que sa photo a été utilisée à son insu dans un vrai faux passeport,
document, qui a servi dans une malversation financière. Il dépose une plainte à la police. La confrontation ave la
personne victime de cette malversation (qui serait un opérateur économique indien ayant, depuis lors, disparu dans la
nature), démontre que Nouhoum KEITA n’est nullement impliqué. Dans sa déposition auprès de la police, l’homme
d’affaires indien a même précisé qu’il ne portait pas plainte. Mais, au moment où Nouhoum KEITA se battait pour
diligenter sa plainte contre X déposée devant le Procureur de la République de la commune II, afin de faire toute la
lumière sur cette affaire qui est de nature à salir son honorabilité, un avocat malien qui dit avoir été constitué par
l’opérateur économique indien, plaignant toujours introuvable, est allé porter plainte contre lui pour complicité
d’escroquerie devant le Procureur de la commune V. Sur la base d’un procès verbal truqué par un officier de police,
le juge d’instruction chargé du dossier au niveau du tribunal de la commune V, n’a pas hésité, en absence de toute
preuve irréfutable, à signer un mandat de dépôt.
Nouhoum a été, de ce fait, déféré le 27 septembre 2008 puis relâché
le même jour, ayant bénéficié d’une mise en liberté provisoire.

Le 21 octobre 2008, soit près d’un mois plus tard, mécontent de la lenteur mise par la justice à compléter l’instruction
de son dossier et déterminé à faire manifester la vérité, il a porté plainte contre les faussaires présumés et l’officier de
police qui avait falsifié sa déposition pour "dénonciation calomnieuse et faux témoignage".
Après un autre mois de patience afin de faire progresser le dossier, Nouhoum KEITA a sollicité une audience auprès
du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux du Mali qui l’a reçu le 23 janvier 2009.

C’est au bout d’un troisième mois d’attente infructueuse et doutant de la compétence et de la bonne foi du juge
chargé du dossier que le 25 février 2009, Nouhoum KEITA a annoncé sur l’antenne d’une radio libre de Bamako qu’il
entendait constituer un nouveau dossier et porter plainte contre X.
Le lendemain, à dix heures, il a été arrêté et
déféré à la prison centrale de Bamako, sans autre forme de procédures par le magistrat en charge du dossier.

L’Union nationales de journalistes du Mali (UNAJOM) a immédiatement engagé une procédure de mise en liberté
provisoire. Une demande de mise en liberté provisoire a été signée par le magistrat le 28 février 2009 et remise au
procureur de la République près le tribunal de première instance de la commune V, qui n’a pas réagi jusqu’à présent.


Situation le 2 avril 2009 :

Pas de changement. Sous prétexte que les interventions à l’intérieur du pays et depuis l’étranger empêchent
les juges de travailler en toute indépendance, le syndicat autonome de la magistrature, s’est saisi de l’affaire
Nouhoum KEITA et constitue aujourd’hui le point de blocage. Il doit décider dans les jours à venir de la suite
à donner dans l’affaire. En attendant Nouhoum KEITA est toujours en prison.

Quelques informations complémentaires :

En août 2008 six techniciens et journalistes de la station de Niono du réseau de communication Kayira ont été arrêtés
et condamnés à un mois de prison ferme et 50’000FCFA d’amende, sous le prétexte du non respect d’une mesure de
fermeture, en fait illégale, de cette antenne locale, par le Préfet, en lieu et place des Ministres de la communication et
de l’Administration Territoriale, seuls habilités normalement à prendre une décision.
Il est indiqué de penser que leur arrestation est intervenue suite à la dénonciation sur les ondes de Radio Kayira de
NIONO des malversations, de la corruption et des abus administratifs au sein de la régie de l’Office du Niger.
Cette
régie gère les installations hydrauliques et les 1 millions 200 000 ha de terres le long du fleuve, qui sont destinés (et
en grande partie exploitées) pour la riziculture.
En juillet 2004, l’Office du Niger a résilié les contrats d’exploitation de près de 3500 petits paysans et
cultivateurs en difficulté pour non paiement intégral de leur redevance eau à terme échue. Ces terres ainsi
récupérées, plutôt arrachées de façon inhumaine à des producteurs pauvres et sans autre source de revenus
pour faire vivre leurs familles, ont été officiellement attribuées à des particuliers et à des sociétés étrangères
mais aussi à des fonctionnaires connus sous l’appellation : "les paysans du dimanche" qui les ont occupées,
dans un certain nombre de cas, avec l’appui des forces de l’ordre.

La lettre ouverte adressée le 24 mai 2006 par Nouhoum KEITA au Président Ahmadou Toumani TOURE, suite à la
visite d’Etat du ministre de l’Intérieur de l’époque, l’actuel président français Nicolas Sarkozy, démontre la profonde
discorde face à la politique de privatisation et de soumission au néo-liberalisme appliquée par ce gouvernement et les
raisons des tentions populaires grandissantes au Mali. Cette lettre est encore aujourd’hui dans les esprits.

Les élections municipales qui auront lieu à la fin du mois d’avril 2009 menacent, sur fond de ras - le - bol populaire,
les forces politiques en place. Il n’est donc pas étonnant, que le journaliste Nouhoum KEITA, responsable de la
communication pour le parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance), connu au delà du Mali
pour son franc-parler et ses critiques face au contexte économique et politique actuel, soit soumis à une tentative
d’intimidation.

La durée exceptionnelle du traitement de son dossier et de sa détention préventive, les changements
inexplicables opérés par les autorités judiciaires jettent un discrédit sur elles. La détention prolongée,
pendant laquelle, le magistrat s’efforce d’inculper Nouhoum KEITA est probablement destinée à le discréditer
devant l’opinion publique. Dans tous les cas, l’évolution de l’affaire Nouhoum KEITA, nous pousse à penser qu’il y
a une main politique quelque part qui tire les ficelles. Mais à quelle fin ?

Au regard du droit malien, Nouhoum KEITA
devait bénéficier d’une mise en liberté provisoire. Mais, pourquoi cette opposition du procureur de la République de la
commune V ?

Nouhoum est aujourd’hui pris en otage par la justice de son pays, sensée l’aider à faire la lumière sur cette affaire
dans laquelle, il n’est qu’une victime innocente.

Jusqu’à présent le Mali bénéficiait de la réputation d’un pays qui respecte les principes démocratiques et la liberté
des médias. Mais, à la lumière de certains évènements, nous sommes très inquiets quant à l’évolution des droits de
l’Homme au Mali.
L’emprise croissante d’une politique néo-libérale sur la gestion du pays, a fini par le jeter dans les
bras de la corruption qui gangrène tous les secteurs politiques, sociaux et économiques.

Nous demandons la libération immédiate et sans condition du journaliste Nouhoum KEITA de la Radio Kayira, militant
altermondialiste de tout premier plan et membre influent de SADI, un des principaux partis d’opposition au Mali.

Nous exigeons que la justice malienne lui accorde, comme à tout autre citoyen, une enquête sérieuse et un
traitement respectueux de droits fondamentaux de l’être humain. C’est bien ce que prévoit la Constitution du
Mali et c’est bien ce que Nouhoum KEITA n’a jamais cessé de réclamer.

Pour tout complément d’informations : Prof Many Camara, courriel manycamara chez yahoo.fr

Hannes Lammler Forum Civique Européen, courriel lammler chez forumcivique.org
Pour plus d’informations :
WWW.JOURNARLES.ORG une série de documents concernant l’affaire du vrai faux passeport de Nouhoum KEITA.


_________________________
4 mars 2009


Communiqué de Attac France et de Survie

En sus de ses nombreux autres engagements, Nouhoum est aussi membre (et pas des moindres) du comité de soutien de l’Association Malienne des Expulsés.

Nous apprenons avec surprise et consternation l’incarcération à la prison centrale de Bamako de notre camarade Nouhoum Keita. Il a été interpellé après avoir dénoncé sur l’antenne d’une radio l’existence d’un passeport falsifié à son nom et sa décision de porter plainte contre X (lire ci-dessous un petit résumé).

Journaliste à la radio associative Radio Kayira, membre de la Coalition des alternatives africaines, dette et développement (CAD Mali), militant infatigable pour les droits et la justice sociale, Nouhoum Keita est bien connu de nombre de nos associations (notamment CADTM, Survie, ATTAC...) avec lesquelles il a participé aux forums sociaux, aux manifestations contre les privatisations des services publics, pour l’annulation de la dette, contre les nouveaux accords économiques et commerciaux…

Cette arrestation se situe dans un contexte général de pressions et d’intimidations contre les mouvement sociaux au Mali. Et ce au moment même où la population malienne subit de plein fouet les conséquences des orientations libérales de son gouvernement (privatisation du chemin de fer, de la filière coton, expropriation des paysans de l’Office du Niger…).

La mobilisation sociale s’organise au Mali pour exiger sa libération immédiate avec le soutien de l’Union des journalistes du Mali. Une marche de protestation est d’ailleurs prévue ce jeudi 5 mars. Nous nous associons à ce mouvement et, avec lui, exigeons la libération immédiate de Nouhoum Keita.

A Paris, le 3 mars 2008

Merci de diffuser dans vos réseaux et de témoigner de votre solidarité
Vous pouvez envoyer vos messages de soutien et de protestation à la Coalition africaine Dette et développement (CAD Mali). Mail :jubilecad-mali chez cefib.com Fax : (223) 221 78 55

Contact : zoul / contact chez survie-paris.org / 06.88.93.35.71


Résumé

Il y a 6 mois, ayant appris l’existence d’un faux passeport établi à son nom utilisé dans le cadre d’une malversation financière, Nouhoum Keita est parti s’en plaindre à la police. Entendu par le tribunal, il a été soumis à une confrontation avec la personne victime de cette escroquerie qui a formellement reconnu que Nouhoum n’avait rien à voir dans cette affaire. Le tribunal a alors signé un mandat de dépôt, Nouhoum a été déféré puis relâché le même jour, sur liberté provisoire.

Le 25 février dernier, il annonce sur l’antenne d’une radio libre de Bamako qu’il entend constituer un dossier et porter plainte contre X. A 10 heures, le lendemain, il est arrêté et déféré à la prison centrale de Bamako, sans autre forme de procédures par le magistrat en charge du dossier. L’Union des journalistes a immédiatement engagé une procédure de mise en liberté provisoire. Une demande de mise en liberté provisoire a été signée par le magistrat le 28 février et remise au procureur général qui n’a fait aucune réaction jusqu’à ce moment.

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