Une tribune pour les luttes

Guadeloupe : les acquis du mouvement

Ce qu’on a déjà gagné concrètement

"... quand le peuple est uni, déterminé autour d’un projet collectif et légitime, il redevient maître de son destin et réalise ce qu’on lui vendait comme impossible."

Article mis en ligne le samedi 14 mars 2009

http://chien-creole.blogspot.com/2009/03/les-acquis-du-mouvement.html

Mercredi 11 mars 2009

Mercredi 04 mars 2009 restera une grande date dans l’histoire internationale des luttes des travailleurs. Il serait amusant de reprendre les déclarations pleines d’ironie prononcées au début du conflit social en Guadeloupe, concernant la plateforme de revendications du LKP. "Fantaisiste", "surréaliste", "irréalisable", etc. ; on a tout entendu dans la bouche de gens plein d’assurance, ne cachant pas un certain mépris pour cette agitation populaire, envers les pauvres diables n’ayant par la capacité d’analyse qu’eux ont et qui allaient se faire manipuler par un collectif ne cherchant qu’à destabiliser la Guadeloupe tout en sachant très bien que les revendications n’aurait aucune chance d’aboutir.

Combien de fois ai-je lu ou entendu ce laïus décliné à toutes les sauces ? Aux tenants de l’inertie, du cynisme et du fatalisme assumé, si prompts à justifier, au nom du "principe de réalité" qu’on balance des milliards aux banques ou en cadeaux fiscaux aux plus riches mais qui brandissent l’épouvantail du populisme sitôt que certains ont l’impudence de parler de justice sociale pour le plus grand nombre, je dis ceci : l’étendue des victoires arrachées de haute lutte est plus parlante que n’importe quel discours ou argument qu’on pourrait vous opposer. Je laisse donc parler les premiers résultats, points acquis figurant dans l’accord du 4 mars en plus de l’accord Bino prévoyant 200 euros d’augmentation pour les bas-salaires :

50€ seulement par lycéen et par an pour des cantines scolaires qui proposeront désormais plus de 50% de produits issus de l’agriculture locale, 300 euros de primes exceptionnelles versés au plus bas-revenu avant juin 2009 ; 3 millions d’aide pour les personnes âgées et les adultes handicapés, 200 euros d’augmentation pour les bourses des étudiants, baisse de la taxe d’habitation de 9% et de 7% pour le foncier bâti ; baisse considérable des prix sur 100 familles de produits de 1ère nécessité, baisse du prix des frais bancaires, baisse déjà opérée de 43 centimes du prix de l’essence, baisse significative du prix de l’eau, la baisse de 20% du prix des transports en commun, etc. Seule augmentation prévue, celle du nombre d’inspecteurs et contrôleurs de la concurrence et de la répression des fraudes pour veiller au bon respect des points obtenus par la mobilisation générale.

Mais contrairement à ce que prétendent la plupart des médias nationaux, ce mouvement n’est pas qu’un mouvement contre la vie chère et un bon nombre de mesures phares ont également été remportées dans des domaines très variés comme : la réorientation partielle de la défiscalisation vers le logement social, la construction de 3000 logements sociaux, le recrutement d’enseignants restés sur liste complémentaire, de gros efforts en terme de formation professionnelle, la reconstruction du CHU, vétuste, le versement de 13 millions d’euros pour diminuer dans le domaine agricole, le coût des matières premières entrant dans la fabrication de produits locaux, une aide de 700 000 € pour aider les pêcheurs, la préservation d’au moins 50 000 hectares de surface agricole incompressible, une aide au secteur hôtelier en crise, notamment pour la rénovation ; le double fléchage en français et en créole dans les bâtiments publics, plus de programmes en créole et de création d’œuvres de culture guadeloupéenne sur RFO, etc.

"Ce n’est pas la rue qui gouverne" assénait Raffarin en son temps... Quel gouvernant peut se prévaloir de résultats pareils ? L’accord qui a été signé en Guadeloupe le 04 mars montre que quand le peuple est uni, déterminé autour d’un projet collectif et légitime, il redevient maître de son destin et réalise ce qu’on lui vendait comme impossible. Le LKP a réinventé le goût de l’utopie, de l’espoir, il a redonné du sens à l’action politique, il a montré au monde comment redresser la tête plutôt que d’écouter ces gens gris qui dans la classe politique, les médias, le patronat, ne nous enseignent qu’à courber l’échine, en disant merci qui plus est.

On nous a dit que les méthodes du LKP étaient inacceptables. Oui on a contraint des patrons à baisser leur volet, ô l’ odieux crime que celui d’entraver la course aux profits ! J’aimerais que ceux qui nous rabâchent depuis un mois et demi les oreilles pour nous dire que s’ils approuvent l’essentiel des revendications du LKP, ils en rejetent les méthodes, que ceux-là nous expliquent, en dehors du rapport de force social, comment la majorité peut se faire entendre. Quelle autre méthode aurait pu permettre ce résultat ? Par les élections ? On a élu un type qui nous promettait le pouvoir d’achat et si ce n’était par la mobilisation du peuple, ces promesses seraient restées bien vaines en Guadeloupe. Sarkozy nous y à fait rêver, le LKP l’a fait !

En voyant que politiquement et économiquement, les travailleurs sont en train de donner une leçon de ce qu’est véritablement la démocratie (pas celle qui consiste à déposer un buletin dans une urne pour avoir le choix entre un Sarkozy ou une Ségolène Royal et à rentrer chez soi jusqu’aux prochaines élections, mais le fait de changer les choses par le peuple et pour le peuple), les élites de tous poils s’effrayent. Remise en cause des rouages bien huilés de la démocratie représentative ; le peuple qui prétend avoir droit au chapitre, réclame sa part des richesses de ce pays, et veut, subversion suprême, imposer sa volonté à ceux qui dominent nos vies et ne sont qu’une poignée ; risque de propagation aux autres départements d’outre-mer, à l’hexagone, à l’europe, et c’est tout un système capitaliste déjà bien affaibli qui vacille sur sa base depuis que la petite Guadeloupe a tapé du poing sur la table et a dit "ça suffit !".

Alors on essaye de changer de terrain car on sait que sur celui-là, on va se ramasser. On accuse le LKP, Domota, de racisme. Est-ce que celui, dans les années 80, qui dénonçait que le pouvoir était exclusivement blanc en Afrique du Sud, se voyait taxer de racisme anti-blanc ? Bien sûr et fort heureusement la Guadeloupe n’est pas l’Afrique du Sud mais c’est être aveugle ou d’une mauvaise foi sans borne de prétendre que les rapports sociaux ne sont pas encore conditionnés ici et aujourd’hui par des considérations raciales. héritées du colonialisme. Si réclamer plus de diversité en dénonçant la suprématie d’une couleur sur une autre est du racisme, alors il va sérieusement falloir que je revois ma définition de ce qu’est le racisme.

Il reste encore beaucoup de combats à mener, sur la question des discrimination notamment, des négociations continuent sur des points qu’on a estimé moins urgents et de nombreux patrons du MEDEF n’ont toujours pas signé l’accord Jacques Bino sur l’augmentation de 200 euros des bas-salaires.Poursuivons la mobilisation mais n’oublions pas non plus que la première révolution à mener est celle des consciences : nous pouvons changer nos propres comportements, par rapport à la consommation, par exemple. Evitons de retourner, autant que possible, chez les profiteurs ! Soyons cohérents, soyons conséquents !

FRédéric Gircour (trikess2002 chez yahoo.fr)

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