“Août avant l’explosion” de Avi Mograbi, Israël / France 2003. Durée 1h12.
Avi Mograbi déteste le mois d’août. Il symbolise à ses yeux tout ce qu’il y a de plus insupportable en Israël. Au fil des 31 jours de ce mois quelconque, il sillonne les rues avec sa caméra et nous livre ses réflexions
intérieures par le biais de scènes fictives, dans lesquelles il joue à la fois son propre rôle, celui de sa femme et celui du producteur d’un film qu’il prépare sur le massacre de musulmans par un colon israélien dans
une mosquée à Hébron.

“Z32” de Avi Mograbi, Israël / France 2009. Durée 1h21.
Un ex-soldat israélien a participé à une mission de représailles dans laquelle deux policiers palestiniens ont été tués. Il cherche à obtenir le pardon pour ce qu’il a fait. Sa petite amie ne pense pas que ce soit si simple, elle soulève des questions qu’il n’est pas encore capable d’affronter. Le soldat témoigne volontairement devant la caméra tant que son identité n’est pas dévoilée. Le cinéaste, tout en cherchant la solution adéquate pour préserver l’identité du soldat, interroge sa propre conduite politique et artistique.

D’Israël, on croit tout savoir ou presque : la violence d’un pays en guerre, la situation des Palestiniens, des protagonistes figés dans des positions retranchées... Depuis 1997, date de son premier long métrage
documentaire, Avi Mograbi, citoyen israélien, scrute, interroge inlassablement, obstinément les lignes de tensions, les forces et les contradictions qui traversent cette société. Hors de toute facilité, loin
du récit univoque ou du pathos, il élabore de film en film une oeuvre sans concession, parfois polémique, mais toujours singulière. Souvent caustique, jouant du burlesque ou du grotesque, il n’hésite pas à
“faire” l’acteur et à brouiller les frontières entre fiction
et documentaire.
Ainsi Août (Avant l’explosion), tel un sismographe, restitue l’état de tension extrême qui sourd de la société, en cet été 2002. Société dont Mograbi, lucidement, ne cherche pas à s’extraire ; violence dont
il ne cherche pas à s’absoudre, s’impliquant directement, par le lieu de tournage (récurrence de son domicile) ou par les monologues face à la caméra.
Procédé qu’il reprend et transforme dans son dernier film Z32, construit autour du récit d’un soldat israélien impliqué dans une expédition punitive, où s’entremêlent des registres multiples sinon incompatibles, allant du scoop à la comédie musicale. Mograbi y poursuit sa plongée dans les arcanes de la violence à l’oeuvre, ses implications éthiques et politiques,
explorant d’un même geste les représentations médiatiques comme son propre film dans sa forme même.

Nicolas Feodoroff