Une tribune pour les luttes

MARSEILLE

Manifestants déférés au tribunal.

L’audience est renvoyée au 22 mai à 14h à la 11è chambre.

Article mis en ligne le dimanche 22 mars 2009

http://boulesteix.blog.lemonde.fr/

21 mars 2009

La plupart des manifestants du jeudi 19 mars ignorent sans doute qu’ils auraient pu facilement passer la nuit en garde à vue, voire être emprisonnés deux mois en attendant un procès pour “rébellion” et “violences”.

Car ceci peut arriver à chacun d’entre nous. Un individu vous bouscule à la fin de la manif, vous vous défendez. Mais il s’agit en fait d’un policier en civil prompt à rendre la rue à la circulation, c’est-à-dire à terminer sa dure journée de labeur. Vous êtes embarqué, jugé dans la foulée par la justice expéditive de Dati et Sarkozy. Si personne ne se mobilise pour vous, vous avez toutes les chances d’être immédiatement condamné à quelques semaines de prison. Dans l’anonymat.

C’est ce qu’il s’est passé à la fin de la manifestation jeudi à Marseille et qui a conduit un enseignant-chercheur et un jeune chômeur à passer la nuit en garde à vue. Ils comparaissaient donc le lendemain vendredi en procédure de comparution immmédiate au tribunal de grande instance de Marseille.

Les collègues de l’enseignant se sont mobilisés et ils étaient nombreux hier à 17 heures devant le tribunal. J’y étais et j’ai assisté à l’audience. C’est instructif.

La présidente interroge les prévenus sur leur identité. D’un côté l’enseignant-chercheur en fin de thèse, bac+8, disposant de nombreux témoignages de moralité, attestant de son caractère habituellement calme et maîtrisé. Elle note cependant un point noir : il a circulé, il y a quelques années, en sens interdit et a été condamné à une amende de 200 euros… De l’autre, un jeune chômeur, la vingtaine, qui n’était pas étudiant et, fait aggravant, ne connaissait pas l’enseignant, mais qui lui a porté secours lors de l’agression. La présidente informe les accusés des actes qui leur sont reprochés. Pour l’enseignant, la “rébellion”. Pour le jeune chômeur, la “violence avec arme par destination”. Et tout cela envers des fonctionnaires dépositaires de l’ordre public. Mazette !
L’enseignant précise qu’il s’est effectivement débattu, mais n’a porté aucun coup. La présidente lui rétorque que “se débattre”, c’est “se rebeller”. Ca commence bien… Quant au jeune, il était porteur d’une arme, une bouteille de bière et aurait esquissé un geste envers le policier. C’est plus grave.

L’avocat demande le report du jugement en une nouvelle audience. En effet, ce n’étaient pas deux individus qui trainaient sous les matraques à la fin de la manifestation, mais une cinquantaine d’un groupe de 200 à 300. La manifestation s’est terminée en début d’après-midi et un pique-nique festif a été improvisé. Les témoins sont donc nombreux. L’avocat souhaite en faire citer quelques uns. “Pas trop”, rétorque la présidente, “nous n’allons pas passer des heures à cette affaire !” L’audience sera donc renvoyée au 22 mai à 14h à la 11è chambre.

Dans deux mois donc. Mais faut-il garder les deux prévenus en prison ? C’est là que l’avocat général intervient. L’enseignant a des témoins de moralité. Et puis, il y a ces centaines de personnes présentes venues le soutenir au tribunal. Avec les universitaires, on ne sait jamais, ça pourrait prendre de l’ampleur… Aussi, après avoir rappelé le droit absolu de manifester, il a indiqué que la police représentait “l’intérêt général”, qu’il fallait lui “obéir” et qu’elle était justement intervenue afin de “garantir la sécurité” alors que la voie publique était rendue à la circulation… Pour l’enseignant, il ne demanderait que le contrôle judiciaire. Mais pour le jeune chômeur porteur d’une bouteille de bière, il demandait le mandat de dépôt “pour éviter l’intimidation des témoins” ! (réprobation étouffée dans la salle).

L’avocat concentra sa défense sur le jeune et gagna, puisqu’à 19h les deux prévenus ressortaient libres du tribunal, sous les acclamations.
Libres… jusqu’au 22 mai.

J’en ai tiré trois réflexions :

1) une telle épreuve peut arriver à tout le monde. Et si vous êtes agressé, vérifiez d’abord que votre agresseur ne sort pas une matraque de sa veste. Il pourrait s’agir d’un policier en civil et vous pourriez être poursuivi pour “rébellion”.

2) nous ne sommes pas tous égaux devant la justice. Si vous êtes jeune, chômeur et ne disposez pas du soutien de toute une communauté, vous avez toutes les chances d’aller au violon.

3) la justice a peu de temps à consacrer à des incidents impliquant la police. A aucun moment la présidente n’a laissé entendre que la police pouvait être mise en cause. C’est la matraque ou la prison.

21 mars 2009

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