Une tribune pour les luttes

L’implication française dans le dernier génocide du XXème siècle

La Nuit rwandaise n°3

revue annuelle, 7 avril 2009 (L’Esprit frappeur).

Article mis en ligne le mardi 7 avril 2009

La Nuit rwandaise n°3, éditions Ibuka/Esprit frappeur, 484 pages, 10 euros.

Aujourd’hui 7 avril est le jour de commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda. Pour la troisième année sort la revue La Nuit rwandaise, consacrée à l’implication de la France dans le dernier génocide du XXe siècle.

« Chaque année, pour l’anniversaire du génocide, La Nuit rwandaise se propose de faire le point des connaissances et débats sur la participation de l’armée française, sous la direction de François Mitterrand et la cellule africaine de l’Elysée, à la formation, l’équipement, et même l’encadrement de ceux qui procéderont à ce crime ».

Depuis quinze ans, si les preuves de culpabilité se sont accumulées, aucun homme politique français n’a été poursuivi par la justice, et les négationnistes continuent de répandre les propos les plus mensongers. « Les révisionnistes du génocide des Tutsi se baladent sous souci. Ils organisent des conférences, en Europe comme au Canada. Ils ont la parole comme si les nazis avaient le droit d’expliquer la Shoah », écrit Yolande Mukagasana, rescapée du génocide, dans un article qui ouvre ce numéro.

Enquêtes, récits, témoignages, interviews. Les 29 textes du numéro, cette année encore, laissent le lecteur sonné. Que citer ?

* Les Carnets de Cécile Grenier, une jeune femme qui a passé six mois au Rwanda à recueillir les récits décrivant les faits et gestes des soldats français pendant la boucherie. On y apprend que les Français à l’époque étaient surnommés « Interahamwe(1) blancs »

* Vénuste Kahimaye, rescapé du génocide et ancien collaborateur du centre culturel français de Kigali, s’indigne de la descente de la DCRI (Direction central du renseignement intérieur) en décembre dernier chez deux collaborateurs de la revue ayant mis en ligne une note « secret défense » sur le déroulement de l’opération Amaryliss - pourtant largement diffusée depuis une année. Son article est surtout un décryptage accablant des télégrammes diplomatiques (TD) échangés à l’époque.

* Bruno Gouteux et son interview de Martin Marshner, ancien cadre du Crédit National (aujourd’hui Natexis), qui explique comment « l’argent de [ses] clients à servi au financement du génocide par la France ».

* Un gros dossier traite de l’¦uvre de Pierre Péan, l’homme qui persiste à longueur d’ouvrages à exposer la thèse du double génocide, expliquant que les Tutsis seraient responsables de leur propre extermination. Il a été poursuivi en justice il y a quelques mois par SOS Racisme pour ses propos sur la « race » tutsi, « l’une des plus menteuses qui soit sous le soleil ».



Sommaire de la revue La Nuit rwandaise

Yolande Mukagasana
La nuit rwandaise et la problématique de la Diaspora

Il y a eu les cent jours du génocide, et avant, et après. Yolande Mukagasana se souvient de la nuit rwandaise. Depuis 1959. Elle se souvient aussi de 1990, d’un certain 1er octobre – et surtout de cette nuit du 4 au 5 octobre, le véritable point de départ de ce qu’il faudrait appeler la nuit française. Cette nuit qui n’en finit pas. Aujourd’hui, dans la diaspora, les rescapés côtoient leurs bourreaux qui sont libres de revendiquer le crime, à ciel ouvert. La nuit rwandaise continue.

Cécile Grenier
Carnets : Six mois d’enquête jusqu’au cœur du génocide français

Ubucya bukira buheza ikinyoma. (Le jour qui passe met fin au mensonge). Proverbe rwandais.

On doit à Cécile Grenier le scénario du livre de bandes dessinées, Rwanda 1994, dont deux tomes sont parus, en 2005 et en 2008, chez Albin Michel. Extrêmement documentés, ces deux livres sont le résultat de plusieurs années de recherches dont six mois d’enquête au Rwanda, au long desquels auront été recueillis de nombreux témoignages de rescapés comme de bourreaux. Revenue en 2003, Cécile Grenier aura été curieusement la première à rendre compte de l’abondance des récits qui font état de la présence militaire française avant, pendant et après le génocide – « tout le long », selon le mot du général Dallaire. Ses carnets, dont nous publions ici des extraits, donnent un aperçu du matériel accablant qu’elle a rapporté de ce « voyage au bout de la nuit ».

Vénuste Kayimahe
La peur des fantômes

Relisant des documents consultés par la Mission d’information parlementaire, en 1998, Vénuste Kayimahe agite ces « fantômes » que constituent ces preuves de la connivence des français avec ce régime qui préparait le génocide des Tutsi. Il met en lumière toutes les manœuvres de camouflage des autorités françaises pour cacher ce crime qui vont jusqu’à des menaces à l’égard d’honnêtes citoyens qui publient des documents frappés du secret défense. Il y décèle des signes d’affolement.


Interview de Bernard Kayumba, survivant de Bisesero. Par Jacques Morel.
« L’Opération Turquoise avait pour objectif de sauver l’armée gouvernementale, pas les Tutsi. »

Bernard Kayumba, maire du district de Karongi, est rescapé des massacres de la paroisse de Mubuga (15 avril 1994) et de Bisesero (7 avril-1er juillet). Ancien séminariste, âgé de 25 ans en 1994, son témoignage sur les massacres de Bisesero a été recueilli par African Rights.1 Il est une des six parties civiles rwandaises dans la plainte déposée le 16 février 2005 contre l’armée française pour “complicité de génocide” au Tribunal des armées de Paris. Il a été interviewé à Kigali, le 27 juillet 2007. Il s’exprime en français.

Jacques Morel
Des commandos d’élite français, prisonniers du FPR !

Après Bisesero où les officiers français, ayant voulu considérer que les malheureux survivants tutsi étaient des rebelles infiltrés, sont pris en flagrant délit de complicité avec les tueurs hutu, le commandement de Turquoise, obligé d’admettre – et se gardant de l’ébruiter – qu’il n’y avait pas d’offensive du FPR vers Kibuye, réalise soudain que celui-ci est en train d’investir Butare. Il déclenche une opération vers cette ville. Comme d’habitude, l’objectif déclaré aux médias est de sauver des orphelins, des prêtres et des chères sœurs. L’objectif réel est de contenir l’offensive du FPR pour maintenir à Butare l’armée gouvernementale, l’administration et, bien sûr, les milices, donc d’inclure la région de Butare dans la zone Turquoise. Il est aussi de reconnaître la route vers Gitarama et Kigali. Mais les troupes d’élite françaises vont avoir une mauvaise surprise. Une dizaine de soldats du 1er RPIMa tombent dans une embuscade et sont faits prisonniers par l’APR. Ils seront libérés après une négociation où les objectifs – non avoués – de Turquoise devront être rabaissés. Les troupes du FPR sont en train d’investir Butare et Kigali mais Ruhengeri, Gisenyi devront être aussi abandonnées et l’opération Turquoise confinée dans un réduit au sud-ouest.

Dossier Péan : Pierre Péan, le grand déstabilisateur

Pierre Péan ! Ah, Pierre Péan ! L’inénarrable Péan… Sa carrière commence avec les diamants de Giscard [voir à ce sujet l’article de Bruno Boudiguet]. À ce titre, il aura été, dès ses débuts, rien de moins que le « tombeur » d’un président. On comprend que le président suivant, François Mitterrand, bénéficiaire de cette splendide opération de désinformation moderne, lui en ait été reconnaissant. Pierre Péan était journaliste, il deviendra écrivain.

Bruno Boudiguet
Les diamants de Giscard

La meilleure façon de comprendre Pierre Péan, c’est d’examiner son œuvre. Remontant aux origines de sa carrière de « déstabilisateur », on rencontre la très fameuse affaire des diamants de Giscard d’Estaing, une « affaire » qui a indiscutablement coûté sa réélection à ce dernier. Bruno Boudiguet a exploré cette passionnante page d’histoire. Loin du Rwanda ? Non moins éclairant pour comprendre comment un « journaliste » peut remplir une fonction complexe – au delà de la désinformation.

Benjamin Chevillard
“Tintin” au Gabon : Retour sur Affaires africaines

Le mercredi 19 octobre 1983 paraît Affaires africaines. Il s’agit d’un livre de 279 pages auxquelles s’ajoutent 54 pages de documents et une chronologie. Bien que son titre ne le laisse pas clairement entendre, l’enquête se focalise sur le Gabon, et sur les relations du sommet de l’État gabonais avec l’exécutif français et certains de ses réseaux politico-affairistes. Son auteur s’appelle Pierre Péan1. Il a 45 ans. Il est journaliste ; proche du parti socialiste2 et pige pour Le Canard Enchaîné, Le Nouvel Économiste, Libération, L’Express et Le Monde. Affaires africaines est son sixième ouvrage et sa seconde parution chez celui qui deviendra son éditeur attitré : Claude Durand, des éditions Fayard. Péan rencontre ainsi son premier vrai succès de librairie, avec des ventes dépassant les 100 000 exemplaires. C’est sa consécration en tant qu’essayiste.

Serge Farnel
Autopsie de Noires fureurs, blancs menteurs

Le livre de Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs, est particulièrement scandaleux. Insultant envers ceux qu’il appelle les « blancs menteurs » – ainsi qu’il qualifie les « droit-de-l’hommistes » qui se préoccupent de vérité et de justice –, il l’est également envers les Tutsi dans leur ensemble – ce pourquoi il a été poursuivi pour diffamation raciale devant la 17ème chambre correctionelle de Paris [voir les articles au sujet de ce procès]. De manière générale, il tente d’asseoir les thèses négationnistes, ne reculant devant aucun moyen, sans complexes.

Serge Farnel
Le monde selon P.

Dans l’ouvrage Le monde selon K., sorti aux éditions Fayard en janvier 2009, Péan consacre deux chapitres aux tribulations de Kouchner au Rwanda. Soixante dix pages au cours desquelles il se contente de recycler les vieilles ficelles qu’il utilisa, trois ans plus tôt, aux fins de bâtir un précédent ouvrage sur le Rwanda que l’auteur a pris soin d’analyser méthodiquement dans le chapitre : Autopsie de Noires fureurs, Blancs menteurs de la présente revue.

Jeanine Munyeshuli Barbé
Concerto pour flûte de Péan : Variations sur un thème de Faurisson

« Ce à quoi je pense de plus en plus souvent, désormais, c’est à tous les moyens que les génocidaires ont mis en place pour parvenir à leurs fins – c’est-à-dire la nôtre »
Esther Mujawayo, rescapée du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994

Serge Farnel
La jurisprudence Péan

Serge Farnel a assisté aux trois journées du « procès Péan » au Palais de Justice de Paris, où l’on aura discuté de savoir si les Tutsi sont des menteurs… Le procureur demandera condamnation, mais le jugement prononcera finalement la relaxe. Ainsi, une telle affirmation ne serait pas considérée comme « raciste » par la justice française (sous réserve du verdict à venir de la Cour d’appel)… Ainsi, la défense de Pierre Péan aura pu reprendre à son compte – et étaler – tous les poncifs racistes-génocidaires rwandais, sans que la Cour ne s’en émeuve. Et nombre d’anciens ministres ou d’officiers supérieurs seront venus apporter leur soutien à la thèse du journaliste. Ainsi, plus de quatorze ans après le crime, la « complicité de génocide » dont sont accusées les autorités françaises n’avait pas pris une ride.

Serge Farnel
Le tribunal et les quatorze Péans

Le 23 septembre 2008, Pierre Péan comparaissait à la barre de la 17ème chambre correctionnelle du Palais de Justice de Paris, suite à la plainte déposée, deux ans plus tôt, par l’association SOS Racisme. Les charges contenues dans la plainte : diffamation raciale et incitation à la discrimination raciale, ce, pour des écrits tirés de son ouvrage Noires fureurs, blancs menteurs1 et jugés diffamatoires à l’encontre des Tutsi. Parmi les phrases extraites de l’ouvrage de Péan et produites dans la plainte de l’association française, certaines sont des citations d’autres sources, que, selon les plaignants, l’auteur aurait reprises à son compte. Exemple : « Dès leur plus tendre enfance, les jeunes Tutsi étaient initiés à la réserve, au mensonge, à la violence et à la médisance », ainsi que cette autre citation, qui considère la « race » des Tutsi comme étant « l’une des plus menteuses qui soit sous le soleil ».

Bruno Boudiguet-Michel Sitbon
L’anesthésie, ou l’effet Péan

Dans le contexte de « l’affaire Péan-Kouchner », les débats se sont singulièrement dégradés. La contradiction serait entre, d’un côté, la négation des responsabilités françaises, avec Kouchner, et, de l’autre, le négationnisme pur et simple, avec Péan. Même en lisant la presse de gauche, on oscille aujourd’hui entre ces deux pôles, coincé dans cette subtile entreprise de mystification. D’année en année, la conscience recule. Plus on en sait, moins on veut savoir… C’est curieux, mais c’est comme ça. Ainsi, le crime s’installe, dans le malaise, mais de plus en plus profondément assumé. Plus personne n’ignore, quinze ans après, que la France s’est trouvée lourdement compromise dans le dernier génocide du XXème siècle. Mais l’idée dominante, qui s’est imposée avec force, voudrait que les torts soient « partagés » – suggérant qu’en conséquence, il n’y ait plus de responsabilités à rechercher. C’est l’anésthésie générale des consciences.

Serge Farnel
Les conditions de la rétractation du principal témoin du juge Bruguière

Début novembre 2008, Rose Kabuye, directrice du protocole présidentiel rwandais, était arrêtée à Francfort, en vertu d’un mandat d’arrêt prononcé par le juge Bruguière avant de prendre sa retraite. Deux jours plus tard, une radio de Kigali, Contact FM, parvenait à interviewer Abdul Ruzibiza, le principal témoin du juge Bruguière, et obtenait de lui une rétractation complète des accusations sur lesquelles se fondait… le mandat d’arrêt contre Rose Kabuye. Qu’en est-il toutefois des circonstances précises de la rétractation d’Abdul Ruzibiza ? Le 25 novembre 2008, Serge Farnel s’entretenait avec le directeur de la radio rwandaise Contact FM, à l’occasion de son passage dans la capitale française.

Vénuste Kayimahe
Procès à Rose… procès à Kouchner !

Rose Kabuye a été arrêtée en vertu d’un mandat d’arrêt qui ne vaut pas grand chose. L’ordonnance Bruguière a déjà pu être critiquée ici [cf. LNR n°1] pour ses nombreuses faiblesses. Vénuste Kayimahe parle lui de « fautes lourdes », et s’insurge de ce qu’on ait osé procéder à l’arrestation sur ces bases plus que douteuses de Rose Kabuye, une femme que les rescapés voient comme une héroïne, pour avoir pris une part très active dans l’arrêt du génocide. « La voir jugée par la France, une puissance qui a une responsabilité irréfutable dans leurs souffrances et l’extermination des leurs est considéré comme une cynique inversion des rôles et la pire des iniquités. »

Vénuste Kayimahe
Surprise dans les Grands Lacs

Il y a peu, on ne pouvait pas donner cher de l’avenir des relations congolo-rwandaises. Beaucoup de ressortissants des deux pays et bon nombre d’observateurs avertis de la région n’auraient osé parier un kopeck pour une quelconque amélioration. Mais l’histoire s’emballe souvent de manière soudaine dans cette partie de l’Afrique. Heureusement cette fois-ci, cela a été dans un sens positif.

Benjamin Sehene
Le procès d’Agathe H.

Agathe Habyarimana, la veuve du Président assassiné, a déposé une demande de droit d’asile en France. Après un premier refus, en 2004, celle-ci a été examinée en appel par la Commission de Recours des Réfugiés, en 2007. Benjamin Sehene, l’auteur du Piège ethnique (Dagorno) et du Feu sous la soutane (Esprit frappeur), a assisté à cette audience instructive. Où l’on voit que la justice française n’est jamais aussi perspicace vis-à-vis des génocidaires que lorsqu’il s’agit de leur refuser l’asile...

Génocide Made In France
Hubert Védrine vs Génocide made in France : « un bien curieux procès »

Retour sur le procès intenté par Hubert Védrine contre deux militants du collectif Génocide made in France.

Jacques Morel
Le Tutsi, ennemi de la France

La France s’est opposée à l’incursion armée du FPR en arguant qu’il s’agissait d’une agression venant de l’extérieur contre un régime légal reconnu par la communauté des nations. Cependant dans de nombreux documents non rendus publics, le qualificatif tutsi est associé au FPR dès 1990. Le FPR étant l’ennemi de la France1, puisqu’elle soutient une armée en lutte contre lui, le Tutsi, assimilé au FPR, est par conséquent l’ennemi de la France et ceci dès le début des affrontements entre le FPR et les FAR. Tous les responsables politiques français réduisent ainsi les combats au Rwanda à un affrontement entre « l’armée tutsie » et « l’armée hutue », transformant un conflit politique en conflit ethnique ou racial dans lequel les Tutsi de l’intérieur se retrouvent impliqués malgré eux, en tant que Tutsi. Cette assimilation du Tutsi à l’ennemi va être faite par les militaires français sur le terrain, au Rwanda.

Jacques Morel
Quand la France au Burundi soutient le gouvernement tutsi qui massacre les Hutu

Du Burundi, les Français ne se souviennent que du scandale du Carrefour du développement qui a permis de développer la caisse du ministre de la Coopération, Christian Nucci, ainsi que la lutte droite-gauche autour du vrai-faux passeport délivré par Charles Pasqua à Yves Chalier. Sinon, ils se disent que le Burundi est à l’envers du Rwanda, c’est à dire que ce sont les Tutsi qui y tuent les Hutu. Le livre de Jean-Pierre Chrétien et de François Dupaquier « Burundi 1972.

Au bord des génocides » nous fait découvrir que depuis Jacques Foccart, la France sait utiliser les massacres dits interethniques au profit de l’extension de son pré-carré, sous couvert d’une coopération culturelle avec envoi de professeurs et, en prime, de quelques militaires, anciens des guerres coloniales, de quelques hélicoptères Alouette et suffisamment de munitions. Des dizaines de milliers de jeunes hutu se sont ainsi faits massacrer par de gentilles alouettes qui faisaient cui-cui avec des mitrailleuses, au nom de la défense de la langue française, de la lutte anticolonialiste – car il s’agissait de chasser les Belges – et du progressisme. La France antitutsi ? Allons donc, regardez au Burundi !

Serge Farnel
La peau de chagrin de la France du génocide

Le 5 janvier 2009, la nouvelle police politique française, dite DCRI, convoquait notre collaborateur Serge Farnel, s’inquiétant d’un document que celui-ci avait publié un an plus tôt, par l’intermédiaire de l’Agence rwandaise d’information (ARI), un document classé « confidentiel défense ». Quelques jours plus tard, à Strasbourg, la même DCRI s’intéressait à un autre collaborateur de La Nuit rwandaise, Emmanuel Cattier, en charge du site de la Commission d’enquête citoyenne, site sur lequel ce document était « en ligne ». Lui était alors formellement demandé d’effacer ce document du site où il était consultable depuis une année... Ce document consistait en une note du général Poncet, responsable de l’opération Amaryllis, dans laquelle celui-ci faisait état du « souci permanent de ne pas montrer aux médias des soldats français n’intervenant pas pour faire cesser des massacres dont ils étaient les témoins proches ». En réaction à cette curieuse tentative de censure – et d’intimidation –, nombre de sites diffusent désormais ce document, dont, bien sûr, celui de La Nuit rwandaise.

Emmanuel Cattier
Le « chiffon de papier », du premier accord d’Arusha à la rébellion des autorités de la France au Rwanda

Les accords de cessez-le-feu entre le gouvernement rwandais et le FPR, depuis celui signé le 29 mars 1991, stipulait le départ des torupes françaises du Rwanda et l’interdiction aux bélligérants de s’approvisionner en armes. La France n’a pas respecté ces clauses au prétexte que ses troupes n’étaient là que pour assurer la sécurité de ses ressortissants et ne participaient pas au conflit. Elle n’a évacué ses troupes qu’à l’arrivée de la MINUAR en décembre 1993 et elle n’a pas cessé ses livraisonos d’armes. François Mitterrand en particulier s’est opposé à plusieurs reprises à l’évacuation des troupes françaises alors qu’elle était proposée par le chef d’état-major des armées et le gouvernement socialiste de l’époque. Il apparaît donc que loin d’avoir appuyé ces accords de paix, la France les a violés.

Cet aspect de la complicité de la France avec ceux qui allaient perpétré le génocide n’avait été mis à jour jusqu’ici, ce qui fait tout l’intérêt du texte suivant d’Emmanuel Cattier dont nous publions ici l’essentiel.

Bruno Gouteux
Entretien avec Martin Marschner

« L’argent de mes clients a aussi servi au financement du génocide par la France »
En 1991, Martin Marschner est directeur commercial des OPCVM1# (Organisme de Placement Collectif de Valeurs Mobilières) auprès d’une grande banque française, le Crédit National2#, qu’il quittera en avril 1991 pour devenir « apporteur d’affaire » à Rochefort Finances. Jusqu’au mois de septembre 1994, il collectera ainsi plus de 207 milliards de francs de placement pour Rochefort Finances auprès de grands « institutionnels » et entreprises publiques, parmi lesquels la RATP, la SNCF, CEA, la SEITA, Air France, la Banque de France…

Michel Sitbon
À propos de l’attentat contre Juvénal Habyarimana

Ce ne fut pas une mince surprise que d’apprendre, grâce aux articles de la journaliste belge Colette Braeckman, dès le mois de juin 1994, que les auteurs de l’attentat où avait disparu les présidents du Rwanda et du Burundi pourraient avoir été des soldats français. Ainsi, non seulement la France avait appuyé le régime ethniste avant le génocide, non seulement l’armée génocidaire était une créature française, mais, de plus, l’attentat qui déclencha le génocide aurait été mis en œuvre par les services français.

Jeanine Munyeshuli Barbé
Le génocide des Bagogwe

Note de lecture : Le massacre des Bagogwe, un prélude au génocide des Tutsi, Rwanda (1990 - 1993), Diogène Bideri, l’Harmattan, 2009

Le génocide des Bagogwe est le plus souvent mentionné comme anecdotique. Grâce au livre de Diogène Bideri, on en prend la mesure. On comprend qu’en fait le génocide avait pleinement commencé dès 1990, dès le début de l’intervention française. Faut-il rappeler que le camp de Bigogwe, principal camp d’entraînement français au Rwanda, est au cœur de la zone génocidaire ? « L’extermination de ce groupe humain marginal a été le coup d’essai du génocide : c’était, en 1991, un “test en grandeur réelle”, une mise au point des méthodes qui seront utilisées en 1994 », écrivait Jean-Paul Gouteux.

Alain Gauthier
Quinzième commémoration du génocide : le point sur les affaires judiciaires en France

Faire le point, chaque année, sur les affaires judiciaires en France, à propos du génocide des Tutsi perpétré au Rwanda en 1994, c’est courir le risque de se répéter. Les lenteurs de la justice, voire son inertie, nous laissent entrevoir un combat long et difficile. Et pourtant, la situation n’est pas tout à fait semblable à celle de l’année dernière. En conclusion, Alain Gauthier, président du CPCR (Comité des parties civiles pour le Rwanda), peut néanmoins dénoncer encore une fois « l’évidente inertie » de la justice française.

Yves Cossic
Au nom de la loi et du Saint-Esprit

Serge Farnel
Hommage à Jean Carbonare

Jean Carbonare n’est plus. Celui a incarné la conscience française au Rwanda – cette conscience qui aura tant fait défaut. Il est l’homme qui, devant des millions de téléspectateurs, aura dénoncé non seulement la préparation génocide des Tutsi, mais aussi « notre pays, qui supporte militairement et financièrement ce système ». « Nous sommes responsables », disait le président de l’association Survie. « On peut changer cette situation – si on veut. » Il y a un an, Serge Farnel le rencontrait, pour la Nuit rwandaise. Il découvrait alors celui qui « faute d’être parvenu à mobiliser l’opinion » avant, était retourné au Rwanda, après, pour fabriquer des briques pour les maisons destinées à accueillir les veuves du génocide. À paraître en fin d’année, aux éditions Golias, un ouvrage de l’auteur de cet article sur le parcours de Jean Carbonare.

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