Une tribune pour les luttes

Communiqué de Sauvons L’Université du 22 avril 2009

Assez de mensonges d’Etat !

Après le mépris de Nicolas Sarkozy, celui de Valérie Pécresse puis de François Fillon -

Article mis en ligne le jeudi 23 avril 2009

Les faits sont têtus, et il ne suffit pas d’une communication fondée sur le mensonge pour les modifier ; c’est pourtant ce que tentent Valérie Pécresse et François Fillon ces jours-ci, pour habiller d’effets de manche ce qui n’est rien d’autre qu’un passage en force et une véritable provocation.
Non, le mouvement des universitaires n’est pas minoritaire.
Non, le décret sur le statut des enseignants-chercheurs ne leur confère pas davantage de liberté ;
non, la « mastérisation » ne permet pas d’élever le niveau de recrutement des enseignants ;
non, les moyens accordés aux universités ne sont pas, dans la plupart des cas, en augmentation.

Valérie Pécresse a envoyé le vendredi 17 avril une lettre à la CPU qui laisse pantois tout lecteur quelque peu informé. Son intervention au Talk du Figaro mardi 21 avril est du même acabit, de même que l’intervention de François Fillon sur France Inter le matin du mercredi 22 avril.

Dans quel univers vivent-ils donc, où les mots n’ont plus le sens qu’on croyait pouvoir raisonnablement leur donner ? Le « profond respect » que Monsieur Fillon professe pour les enseignants-chercheurs n’est pas loin des « preuves d’amour » que Madame Pécresse prétend leur donner encore et toujours.
Un tel « respect » qui considère que les enseignants-chercheurs sont incapables de comprendre le texte d’un décret qui les concerne s’appelle du mépris Mais ce n’est pas sur le terrain des sentiments que nous les attendons : c’est sur celui des faits. Or, ces faits sont têtus :
1/ la concertation dont se prévaut la ministre est une mascarade ;
2/ l’ensemble de l’argumentation gouvernementale relève du pur et simple mensonge.
Cela fait 11 semaines que cela dure. Ça suffit !

2 représentants des syndicats sur 35 ont approuvé le nouveau décret sur les statuts

Valérie Pécresse nous a elle-même obligés à déclencher le plus long mouvement social de l’université française depuis des décennies (près de trois mois de grève bientôt pour nombre de collègues et d’universités). Son autosatisfaction prêterait à sourire si les problèmes n’étaient extrêmement sérieux.
De plan de communication en « concertations » (consistant à laisser parler ses interlocuteurs sans tenir compte de ce qu’ils disent), Madame la Ministre s’est en fait montrée incapable d’instaurer le moindre dialogue avec la grande majorité de la communauté universitaire. La disparition complète de la soi-disant mission de médiation confiée à Mme Bazy-Malaurie, pourtant annoncée avec tambours et trompettes début février, l’indiquait déjà.

Le projet de décret relatif au statut des enseignants-chercheurs n’est en rien « parfaitement conforme aux aspirations des universitaires » comme l’affirmait encore, sans plaisanter, François Fillon ce matin.

Faut-il rappeler que plusieurs dizaines de Conseils d’administration et de conseils scientifiques d’universités françaises ont voté des motions demandant le retrait de ce projet en l’état ?
Faut-il rappeler une fois encore les déclarations sans ambiguïtés de l’ensemble des sociétés savantes allant dans le même sens ?
Faut-il rappeler que les syndicats de l’enseignement supérieur ont refusé massivement le projet ? Ainsi, dans les deux organisations paritaires CTPU et CSFPE, Valérie Pécresse n’a recueilli que de maigres fruits « de la réécriture de ce décret en concertation avec les organisations syndicales » (Talk Figaro, 21 avril 2009) : elle n’a trouvé que 2 représentants syndicaux sur les 35 que comptent les deux instances pour approuver son projet de décret [1].

Il n’y a eu en réalité qu’une concertation choisie, avec des interlocuteurs qui étaient susceptibles d’accepter in fine les projets ministériels. Mme Pécresse le sait. Nous le savons. Qu’elle cesse de mentir. Sur ce point comme sur les autres.


L’accumulation de mensonges ne fait pas une vérité

L’image trompeuse que le gouvernement veut donner à l’opinion est la suivante : un mouvement serait né parce qu’un projet de décret aurait été « mal compris » (F. Fillon sur France Inter) – par des gens dont le métier est pourtant précisément de bien comprendre des phénomènes complexes. Depuis, ce « décret a été réécrit intégralement ». Il « préserve totalement la liberté des enseignants-chercheurs » et ferait du métier d’enseignant-chercheur « un métier revalorisé », y compris financièrement puisque « les salaires de début de carrière augmenteront jusqu’à 25% » (rappelons que cette revalorisation est totalement indépendante de la modification du statut des enseignants-chercheurs : elle fait d’ailleurs l’objet d’un décret distinct, adopté ce matin en Conseil des Ministres). Il serait donc « parfaitement conforme aux aspirations des universitaires », ce que la « CPU a d’ailleurs confirmé » au chef du gouvernement pas plus tard qu’hier. Aujourd’hui, le « mouvement est très minoritaire » - même si François Fillon reconnaît plus d’une vingtaine d’universités affectées par le mouvement, ce qui est un progrès par rapport aux propos de sa ministre qui il y a un mois n’en avouait qu’une douzaine… - et donnerait lieu à des débordements inacceptables. Mais où sont donc ces nombreux « débordements » ? Il y en a eu certes ici et là mais ce qui est surtout étonnant, c’est qu’un mouvement si long et si mal compris de ses interlocuteurs ministériels n’ait pas donné lieu à de plus nombreux dérapages. Une fois de plus, il faut le constater : le sens des responsabilités et la sérénité ont été de notre côté beaucoup plus que de celui de nos adversaires. Enfin, pour F. Fillon, « il est [donc] temps que ce mouvement s’arrête. »

De telles affirmations constituent une injure à une communauté qui est particulièrement bien placée pour savoir qu’il ne suffit pas d’affirmer des faits pour que ceux-ci soient établis. Les « résultats » que Valérie Pécresse et François Fillon se targuent de façon grotesque d’avoir obtenus sont pourtant loin de nous « rassurer » : les prétendues « concessions » gouvernementales n’ont en rien altéré la logique des réformes en cours. La remise en cause radicale du statut des enseignants-chercheurs mettra fin à leur indépendance et à leur égalité (voir à ce sujet l’analyse du collectif des juristes Défense de l’Université ), le nouveau statut est inacceptable sans fixation d’une référence chiffrée précise à un maximum d’heures d’enseignement et sans remise en cause de toute modulation de service à la hausse. En outre, ce décret n’est pas la seule raison de notre colère. La destruction de la formation disciplinaire et professionnelle des futurs collègues du premier et du second degré est toujours à l’ordre du jour (elle n’est que repoussée, et encore partiellement, d’un an), avec à la clé, une précarisation de masse dans l’ensemble de l’enseignement public.

La série de mensonges accumulés par le gouvernement met gravement en jeu l’autorité de la parole de l’État, et l’attitude du gouvernement sur ces dossiers dénote un autoritarisme forcené bien contraire à la prétendue « autonomie » dont bénéficieraient les universités. Ainsi, Mme Pécresse fait passer au Conseil d’Etat puis au Conseil des Ministres le décret statutaire en pleine période de vacances universitaires (craint-elle à ce point la réaction d’une « minorité » d’universitaires ?). Elle fait fi des prérogatives de l’AERES pour confier directement aux services du ministère l’évaluation des quelques maquettes « métiers de l’enseignement », suite au refus par l’AERES d’évaluer la campagne actuelle . Elle ignore l’assemblée plénière de la CPU qui a pourtant reconnu le caractère inapplicable de la mastérisation en l’état et exigé une prise de position urgente du gouvernement concernant la préparation aux concours pour 2009-2010. Autrement dit : quand même des instances inféodées au gouvernement sont saisies de doute, on les contourne.

En simplifiant les choses jusqu’à la caricature et au mensonge, en faisant mine subitement de s’intéresser aux étudiants les plus fragiles socialement alors même qu’une proposition de loi vise à instituer un prêt étudiant qui irait de pair avec une augmentation considérable des droits d’inscription, en annonçant de façon aussi tonitruante qu’irréaliste que le ministère « vérifiera que les cours ont été rattrapés », le gouvernement fait également preuve d’un populisme irresponsable.

Dès lors, parfaitement conscients des enjeux pour l’université française et ses étudiants, nous pensons donc au contraire que le temps n’est pas venu de « reprendre une activité normale ». La coupe est désormais plus que pleine. Le mouvement du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est ni mal comprenant, ni minoritaire, ni près de s’arrêter : nous le prouverons dans les jours qui viennent.
22 avril 2009
Notes

[1] - au CTPU du 24 mars 2009 : Favorable au texte : 17 (soit 15 administration, 2 AutonomeSup) ; Abstention : 5 (UNSA, SGEN) ; Ont quitté la réunion : 8 (SNESUP, FO)

* au Conseil supérieur de la Fonction Publique d’État (CSFPE) du 9 avril 2009 : Pour l’adoption : 20 (administration) ; Contre : 11 (CGT, FO, Solidaires, FSU) ; Abstentions : 9 (CFDT, CFTC, CGC, UNSA)


Communiqué de SLU du 20 avril 2009

Toute honte bue : Valérie Pécresse et l’évaluation autoritaire —

Depuis deux ans Madame Valérie Pécresse ne cesse de louer le lien nécessaire entre l’« autonomie » des universités, l’évaluation « indépendante » des diplômes, des équipes ou des établissements par l’agence nationale d’évaluation AERES (Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur) et la « débureaucratisation » du système français d’enseignement supérieur. Il y a trois jours, dans sa réponse aux présidents d’université, elle soulignait de même les prétendues avancées sur tous les dossiers controversés qui sont aujourd’hui au cœur du plus long mouvement social qu’ait jamais connu l’université française. Elle insistait alors pour « rassurer » la communauté universitaire, notamment quant à sa propre capacité d’écoute et de négociation. Il n’aura pas fallu très longtemps pour que tout le monde puisse comprendre quelle crédibilité accorder aux propos tantôt lénifiants et tantôt mensongers de la Ministre.

Aujourd’hui, lundi 20 avril, au CNESER (une de ces – de plus en plus rares – instances consultatives collégiales et paritaires, mêlant membres nommés et membres élus, au grand dam de la Ministre), Madame Pécresse a fait annoncer, toute honte bue, que les rares maquettes de master « métiers de l’enseignement » remontées au ministère (au nombre de dix-sept – dont au moins huit relevant, semble-t-il, de l’enseignement catholique – sur un total de près d’une centaine possibles) seraient directement évaluées par la DGES (Direction générale de l’enseignement supérieur), c’est-à-dire par un service dépendant directement de la Ministre, un des hauts lieux de cette bureaucratie gouvernementale décrite souvent, à grands renforts d’effets de manche, comme opaque et irresponsable, une de ces instances que les agences nationales comme l’AERES devaient justement priver de leurs prérogatives abusives...

Alors que l’AERES a, elle, pris acte du refus massif de la communauté universitaire de mettre en place les nouveaux masters d’enseignement et de l’impossibilité, dans de telles conditions, d’envisager une carte nationale des formations dotée d’un minimum de cohérence, elle est désavouée. Quand l’agence nationale « indépendante » refuse (communiqué de l’AERES du 10 avril), au prix d’un tardif mais louable accès de rationalité scientifique et pédagogique, d’évaluer les nouveaux masters d’enseignement, on la dépossède donc de ses prérogatives pour les transférer à une autre instance plus compréhensive à l’égard des objectifs et des calendriers ministériels.

Et peu importe dès lors que tout le monde soit d’accord (enseignants-chercheurs, formateurs d’IUFM, présidents d’université, directeurs d’IUFM, pédagogues, sociétés savantes, syndicats, jurys de concours) pour dire que la seule solution raisonnable serait de ne rien mettre en place de nouveau à la prochaine rentrée universitaire dans ce domaine et d’entamer enfin des négociations sérieuses avec tous les acteurs de la formation des enseignants pour élaborer une « mastérisation » qui ne détruise pas la qualité de la formation et ne soit pas fondée sur des économies budgétaires. Tout se passe comme si les ministres concernés et le gouvernement avaient des priorités et des calendriers, personnels et collectifs, n’ayant désormais pas grand chose à voir avec le traitement des dossiers dont ils ont la charge ni avec l’intérêt des élèves de l’enseignement primaire et secondaire ou avec la qualité de la formation des jeunes collègues du premier et du second degré. L’épisode en dit long sur la sincérité du discours gouvernemental concernant l’autonomie universitaire et l’indépendance des évaluations. Il en dit aussi long hélas sur le choix d’attiser un conflit déjà brûlant en multipliant les provocations. Pourquoi ? La question vaudrait d’être posée à la Ministre...

Une fois encore, une fois de trop, le gouvernement veut, de façon irresponsable, et pour des motifs purement politiciens, passer en force sur cette question. Nous saurons collectivement, de la maternelle à l’université, lui apporter la réponse qui convient. Nous ne laisserons pas détruire sans rien faire la formation des enseignants ni aujourd’hui, ni demain, ni l’an prochain : il faudra bien qu’il finisse par le comprendre !

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Éducation/Enseignement Supérieur c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 590