Une tribune pour les luttes

Discours de M. Eric Besson à Calais

La stigmatisation des migrants est une mesure facile, mais qui ne protège pas

+ Retour de M. Besson à Calais : attentes et craintes de la CFDA (Coordination française pour le droit d’asile).

Article mis en ligne le vendredi 24 avril 2009

http://www.amnesty.fr/index.php/amn...

Paris, le 24 avril 2009 –

Amnesty International France (AIF) s’inquiète du contenu et surtout du ton du discours du ministre de l’Immigration, M. Eric Besson, prononcé à Calais le 23 avril. (1)

AIF regrette que, dans son discours, le ministre stigmatise les migrants au point d’établir un raccourci déplorable les réduisant aux menaces qu’ils représenteraient : filières, vols, agressions, tuberculose et gale, rixes communautaires. De la même façon, le ministre oublie de mentionner la situation dramatique des pays comme le Soudan, l’Erythrée, l’Irak ou l’Afghanistan que ces réfugiés fuient.

Le ton du discours et les principaux projets annoncés face à la situation décrite font craindre de nouvelles opérations de harcèlement des exilés déjà présents dans le Calaisis, vivant dans des situations précaires et devant souvent se résoudre à séjourner dans des campements insalubres dans la forêt (opérations « coup de poing », renforcement de la police, évacuation systématique des campements, disparition de la « jungle »).

Le ministre s’en prend aussi aux associations qui s’inquiètent du traitement réservé aux exilés en les qualifiant ironiquement de « belles-âmes » et il adresse même de nouvelles menaces aux personnes qui pourraient agir « par passion ». Pourtant, ce sont ces mêmes personnes qui évitent chaque jour que la dignité de ces hommes, femmes, enfants ne soit davantage bafouée.

L’annonce de nouveaux contrôles organisés par la France dans la région, autour des gares de l’Est et du Nord, ou conjointement avec l’Allemagne, l’Italie et d’autres pays en dehors de l’Europe, devrait se traduire par de nouveaux obstacles pour les personnes en quête de protection pour accéder aux procédures d’asile.

Le ministre présente également six actions concrètes, car « la France n’a pas de leçon d’humanité à recevoir ».
__ AIF accueille favorablement l’annonce du déplacement à Calais de l’enregistrement des demandes d’asile, recommandé par la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), dans son rapport de septembre 2008. Mais l’ONG souligne que cela n’attirera sans doute que peu de personnes si, d’une part, l’examen des demandes est toujours prévu pour certains en procédure dite « prioritaire ».(2)
et si, d’autre part, le risque existe encore pour d’autres d’être tout simplement renvoyés sans examen vers un autre Etat membre de l’Union européenne. Le ministre confirme d’ailleurs les renvois vers la Grèce où le taux de reconnaissance du statut était pourtant de 0,05% en 2008 en première instance et où le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recommandait aux autorités le 3 avril dernier de revoir « très, très attentivement » leur système de protection.

Complément d’information

La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), dont Amnesty International France fait partie, a fait de nombreuses recommandations au ministre de l’Immigration par l’envoi en septembre 2008 de son rapport La loi des ’’jungles’’ - La situation des exilés sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord. AIF a précisé certaines de ces recommandations à Eric Besson lors de rencontres avec lui-même le 4 mars puis avec ses conseillers le 4 avril. Les principales recommandations lui ont été confirmées après ces rencontres, notamment par un courrier du 22 avril. Dans son rapport, la CFDA reconnaît que le franchissement irrégulier des frontières est devenu un marché lucratif où prospèrent organisations et individus sans scrupules, tout en précisant que cela est notamment dû au durcissement incessant des contrôles par les Etats de l’accès à leur territoire.

Pour télécharger le rapport :

http://www.amnesty.fr/index.php/agi...

(1) Allocution de M. Besson à Calais, 23 avril 2009 (http://www.immigration.gouv.fr/article.php?id_article=777)

(2) Procédure manquant de garanties ; pas d’assistance ni d’accès à un centre d’accueil, examen accéléré en première instance, pas de recours suspensif en cas de rejet.

Amnesty International France


COMMUNIQUE DE PRESSE

Paris, le 22 avril 2009

Retour de M. Besson à Calais : attentes et craintes de la CFDA

A la veille de la visite de Monsieur Besson à Calais le 23 avril, la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) s’inquiète des récentes opérations de police dans la région et rappelle au ministre la nécessité de protéger les exilés.

Les attentes de la CFDA sont d’autant plus grandes que, lors de sa précédente visite le 27 janvier dernier, le Ministre a annoncé son retour avec des « mesures concrètes » et qu’elle a présenté les recommandations de son rapport, La loi des ’’jungles’’ - La situation des exilés sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord, à ses conseillers le 4 avril (http://cfda.rezo.net/la%20loi%20des%20jungles.htm)

Pour la CFDA, le respect de la dignité de toute personne visée par ces recommandations se traduit au quotidien par un ensemble de droits, civils et politiques, économiques et sociaux. Le statut administratif ne peut et ne doit pas constituer un prétexte pour ne pas respecter le droit des personnes ou ne pas les protéger. Les lieux où les étrangers en situation d’errance sont amenés à vivre ne doivent en aucun cas être régis par des normes d’exception et l’absence de droits.

La CFDA a insisté auprès du ministère pour que les exilés, même démunis de document d’identité ou de titre de séjour ne fassent plus l’objet d’interpellations répétitives ; les violences physiques ou mesures de harcèlement (menottages inutiles, coups, utilisation de gaz lacrymogène, dégradations de leurs biens, perturbations systématiques de leur sommeil, etc.) doivent cesser. En amont, il est du devoir des parquets de contrôler le comportement des forces de police. En aval, dès lors qu’existent des indices de dérives ou d’abus, il est de la mission de la hiérarchie policière et des préfets de s’assurer que des enquêtes administratives soient menées et de celle de la justice de déclencher des enquêtes pénales.

En introduction de son rapport, la CFDA faisait part de son espoir que ce dernier suscite « une prise de conscience de la part des responsables politiques et des pouvoirs publics », tout en craignant que la mise en évidence de la situation n’entraîne « une recrudescence des interpellations d’exilés ou de destructions de campements ».

Les récentes opérations de police à Calais laissent penser que ces craintes se sont réalisées.
Dans son rapport de 2008, la CFDA établit qu’un grand nombre des exilés présents à Calais pourraient, au vu de leur nationalité, obtenir le statut de réfugié en France. Beaucoup cherchent cependant une protection dans d’autres pays, notamment la Grande-Bretagne, pour divers motifs (souhait d’y rejoindre leur famille ou leur communauté, connaissance de la langue…).
Néanmoins, s’ils étaient bien informés sur la procédure d’asile, correctement accueillis et rassurés sur certains aspects que la CFDA a rappelés au ministère, un plus grand nombre demanderait l’asile en France.

La CFDA a ainsi insisté pour que ses recommandations sur l’asile ne soient pas reprises isolément :

1- les exilés doivent disposer d’une information complète et objective sur la procédure d’asile (comme c’est déjà le cas pour l’aide au retour) et sur leurs droits en France ou dans d’autres pays européens, dans les langues qu’ils comprennent. L’accès à cette information doit être facilité, dans les préfectures, les commissariats ou leur lieux de vie ainsi qu’auprès des associations (présence d’agents expérimentés, diffusions de documents dans les lieux fréquentés par les exilés).

2- les personnes qui envisagent de déposer une demande d’asile en France doivent pouvoir le faire à Calais plutôt qu’à 100 km, à Arras ou à Lille ; les lieux d’enregistrement doivent être ainsi rapprochés des lieux fréquentés par les exilés et les personnels administratifs concernés (police, agents de préfecture) doivent avoir une formation spécifique en matière de droit d’asile.

3- les exilés qui souhaitent déposer une demande d’asile en France doivent être protégés contre un renvoi vers un autre Etat membre (beaucoup sont en effet « victimes » du règlement Dublin) et être assurés que leur demande sera examinée par les autorités françaises ; notamment si un transfert vers un autre Etat membre équivaut à un examen moins attentif de leur dossier (taux de reconnaissance proche de zéro en Grèce ou à Malte).

4- les personnes qui souhaitent déposer une demande d’asile en France doivent être assurées que leur demande ne sera pas examinée selon la procédure « prioritaire » leur interdisant toute assistance, l’accès à un hébergement en Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et un recours suspensif en cas de rejet de leur demande.

Compléments d’information

La concentration des étrangers le long du littoral nord-ouest de la France n’est pas un hasard, elle tient à une double spécificité. D’une part, la plupart des exilés présents cherchent à rejoindre une famille ou à trouver enfin une terre hospitalière. D’autre part, la Grande-Bretagne insulaire joue avec les règles de l’Union pour faire de ce fossé une double barrière administrative et policière en refusant d’appartenir à l’« espace Schengen » de libre circulation intra-européenne et en conservant la barrière du règlement Dublin qui permet de renvoyer les demandeurs d’asile, vers l’Etat membre par lequel ils sont rentrés dans l’Union.

Le règlement « Dublin » repose en effet sur le principe que tout demandeur d’asile dans l’Union européenne ait sa demande examinée par un seul Etat membre. Du fait des critères établis pour désigner l’Etat responsable de cet examen, beaucoup de demandeurs en deviennent les « victimes » : l’absence de prise en considération de leurs souhaits, de la présence de leur famille, ou de leurs perspectives d’installation dans le pays de leur choix, ainsi que l’ignorance totale des considérables différences de traitement des demandes entre Etat membre, les font hésiter à demander l’asile en France de peur d’être renvoyés dans un pays où leurs empreintes ont été relevées (règlement Eurodac).

La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les organisations suivantes :

ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Act-Up Paris, Amnesty International - section française, APSR (Association d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France), CAEIR (Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés), CASP (Centre d’action sociale protestant), Cimade (Service oecuménique d’entraide), Comede (Comité médical pour les exilés), Croix Rouge Française,, ELENA, FASTI (Fédération des associations de soutien aux travailleurs immigrés) France Libertés, Forum Réfugiés, FTDA (France Terre d’Asile), GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés), LDH (Ligue des droits de l’homme), MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), Association Primo Levi (soins et soutien aux victimes de la torture et des violences politiques), Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de la Pastorale des Migrants), SSAE (Service social d’aide aux émigrants). La représentation du Haut Commissariat pour les Réfugiés en France est associée aux travaux de la CFDA

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