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Jeunesse sans-papiers, jeunesse volée - la loi doit changer : régularisation

L’« inconfort administratif » d’Alae Eddine

Mardi 2 juin à 9 h 30 au Tribunal Administratif, 184 rue Duguesclin Lyon (métro place Guichard) Alae Eddine conteste son dernier OQTF devant le TA.

Article mis en ligne le samedi 30 mai 2009

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J’ai été deux fois au centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry.

La première fois en octobre 2007. A 8h30, la police est venue chez moi, mais j’étais au lycée. Ma tante, chez qui j’habite a ouvert la porte, ils sont rentrés pour m’arrêter. Ils ont dit qu’ils n’étaient pas des policiers, qu’ils étaient des fonctionnaires de la préfecture et qu’ils venaient pour faire avancer mon dossier.

Le lendemain, ils sont revenus, à 7h30. Là, j’étais en train de dormir tranquillement. Ils m’ont réveillé. J’ai vu deux hommes et une femme qui entouraient mon lit. Ils ont redit qu’ils venaient pour faire avancer le dossier. Pour enlever mes inquiétudes, ils ont dit que « Nicolas Sarkozy ne veut pas qu’on expulse des jeunes scolarisés ». Ils m’ont dit d’aller avec eux, qu’on me fera un mot pour aller au lycée à 9 heures.

Je suis allé avec eux à la P.A.F. (Police de l’Air et des Frontières), sans inquiétude. Arrivé là-bas, ils m’ont mis en garde à vue, ont pris mes empreintes. Ils m’ont photographié sous toutes les coutures pour à la fin m’emmener au centre de rétention. Sur la route, le conducteur a reçu un appel et m’a proposé un billet d’avion pour Marrakech. J’ai refusé en répétant ce qu’on m’avait dit le matin : « Sarkozy ne veut pas qu’on expulse des jeunes scolarisés » !

Arrivé au CRA, j’étais à nouveau photographié. On m’a donné une petite carte avec un drap, une brosse à dents et du savon, et direction la cellule n°3 où j’ai trouvé trois maghrébins beaucoup plus âgés que moi (j’ai 18 ans) : on était donc 4 par cellule !

Au CRA, j’ai vu des gens pleurer, crier, se bagarrer entre eux. J’ai vu une femme avec un bébé de seulement quelques mois. Je me suis aperçu que dans le sachet qu’on m’avait donné, il y avait même des pilules pour se calmer.

Le deuxième jour au CRA, ils m’ont proposé un autre billet d’avion, en me disant que si je refusais j’irai en prison. J’ai refusé en disant « Vous n’avez pas le droit de m’expulser car je ne suis pas passé devant le juge et je veux continuer mes études ici ». Enfin, le troisième jour, je suis passé devant le juge des libertés au tribunal et j’ai eu la surprise de retrouver beaucoup de monde de mon entourage, mes copains, les profs du lycée et des gens que je ne connaissais pas.

Le juge m’a libéré avec une assignation à résidence et l’obligation de me présenter chaque jour au commissariat du 8ème. Quatre heures après, la préfecture a fait appel de cette décision. En appel, des professeurs et des élèves étaient là pour m’accompagner. Le juge m’a libéré du CRA et m’a donné trois jours pour quitter la France. Je suis rentré chez moi et suis retourné à l’école. Le lendemain des policiers sont venus chez moi avec un billet pour m’expulser.

La mobilisation des élèves et des profs a continué. La préfecture a dit qu’elle me laissait finir l’année scolaire : je pouvais rester jusqu’au 31 juillet 2008. J’ai réussi mon diplôme de plâtrtrier-plaquiste.

La deuxième fois en CRA !

En juin 2008, je voulais continuer mes études pour faire un BP de plâtrier-plaquiste en alternance. J’ai trouvé une entreprise, le lycée était d’accord. Le patron m’a fait un contrat d’apprentissage d’une durée de deux ans. J’ai amené ce document à la préfecture. La fonctionnaire qui m’a reçu. Après avoir consulté tous mes papiers, il a refusé ma demande de titre de séjour. Il m’a dit que l’acte d’adoption de ma tante qui est française, n’est pas valable parce qu’il est fait au Maroc. Elle m’a conseillé de faire une demande de titre de séjour par courrier, ce que j’ai fait. J’ai reçu l’accusé de réception mais pas de réponse.

Deux mois plus tard, le 20 août, cinq policiers sont revenus chez moi et m’ont emmené en centre de rétention. Je suis resté trois jours, je me suis fait des copains. J’ai encore, cette fois-ci, revu des jeunes gens qu’on enfermait dans une petite pièce devenir fous. Je suis de nouveau passé devant le juge, il m’a de nouveau assigné à résidence.

Depuis août 2008, je ne suis plus enfermé mais je ne suis pas libre. Je n’ai pas pu faire d’apprentissage car, pour ça, il faut des papiers. Je me suis inscrit dans un autre CAP, dans mon lycée, mais ça ne me plaît pas, et puis à quoi bon avoir un autre diplôme si je ne peux pas travailler ? Je ne peux pas vivre chez ma tante, les policiers viennent voir si je suis là... Alors je dors chez les uns et chez les autres.

Samedi 30 mai 2009, je vais être parrainé par Georges Gumpel, un vieux Monsieur juif qui m’aide et par Madame Demontès, une sénatrice. J’espère que j’aurais des papiers. J’ai trouvé un autre patron pour faire un apprentissage. Cette année a été difficile, j’ai souvent déprimé, mais avec le soutien des nombreuses personnes que j’ai rencontré et les amis de Georges, j’espère.

Le mardi 2 juin, je conteste devant le tribunal administratif l’obligation à quitter le territoire que m’a signifié la préfecture. J’espère que le juge comprendra que je veux vivre ici, travailler, rester avec mes amis et ma famille française.

• avec Catherine Tourier pour RESF Rhône •


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http://www.educationsansfrontieres.org/article20148.html

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