Une tribune pour les luttes

Michael Moore et la politique du gouvernement étasunien contre Cuba

Fidel Castro mort de rire

par Michael Moore, écrivain et cinéaste

Article mis en ligne le mardi 25 mai 2004

Vous êtes vous demandé pourquoi Fidel Castro est au pouvoir depuis si longtemps ? Personne, à part le roi de Jordanie, n’a duré aussi longtemps au sommet. Cet homme-là a vu passer huit présidents des Etats-Unis, 10
Jeux olympiques, et le retour de la comète Halley. Et quoi que fasse le gouvernement des Etats-Unis pour le détrôner, il a plus de vies que (la chanteuse) Cher a de "come-back" dans le show-biz.

C’est pas que nos dirigeants américains n’aient pas fait de leur mieux.

Depuis que Castro a libéré son pays du régime corrompu de Batista soutenu par les Etats-Unis et la Mafia, Washington a tenté une large variété de méthodes pour l’éjecter de son siège. On trouve des tentatives
d’assassinat financés avec l’argent de nos impôts, des invasions, des blocus, des embargos, des menaces de destruction nucléaire, le chaos interne, la guerre biologique (la CIA a balancé la fièvre porcine sur le
pays en 1971, obligeant les Cubains à détruire 500.000 porcs).

Et, quelque chose qui me paraît étrange, il y a même une base navale des Etats-Unis sur l’île de Cuba ! Imaginez, qu’après avoir battu les Anglais pendant notre révolution, nous les ayons laissé garder quelques milliers d’hommes et une poignée de navires de guerre dans la Baie de New York.
Bizarre.

Le Président Kennedy, qui appliquait le plan du Président Eisenhower d’envahir Cuba par la Baie des Cochons, donna des ordres à la CIA pour assassiner Castro, en essayant tout, du stylo-plume rempli d’encre
empoisonnée jusqu’au cigare explosif. (Non, je ne suis pas allé chercher mes infos à Hollywood ; c’est tout marqué dans le rapport du Comité Church du Congrès des Etats-Unis, 1975.)

Bien entendu, rien n’a marché. Castro est devenu plus fort et les Etats-Unis ont continué à devenir fous. Cuba était perçu comme "celui qui nous avait échappé". C’en est devenu embarrassant pour nous. Voilà que
nous avions dans la poche chaque nation de notre hémisphère, sauf ces maudits Cubains. Ca faisait vilain. Comme quand toute la famille sort pour dîner et que la seule mauvaise graine, le petit Billy, refuse de s’asseoir tranquillement et d’obéir. Tout le monde autour observe les parents en se demandant comment ils vont s’y prendre... L’image qu’ils donnent de n’avoir aucune discipline ou de contrôle est la pire des humiliations.
Alors ils se mettent à gifler little Billy, mais sans résultat : il n’est pas près de manger ses petits pois.

C’est cet air ridicule que nous avons aux yeux du reste du monde. Comme si nous étions devenus fous à cause de ce petit pays à 180 km de nos côtes.
Une fois pris le contrôle et nationalisées toutes les entreprises étatsuniennes et virée la Mafia de La Havane, Castro aurait aussi bien pu aller s’asseoir sur la faille de San Andreas, parce que la colère divine
d’Oncle Sam s’est abattu sur lui, et elle ne s’est pas calmée depuis 37 ans. Et pourtant Castro a survécu.
Pour ce seul exploit, et malgré tous ses défauts (une répression politique, des discours de quatre heures, un
taux d’alphabétisation de 100%), on est bien obligé d’admirer ce type.

Alors pourquoi continuons-nous à nous battre contre ce résidu de Guerre froide ? La réponse se trouve dans une ville appelée Miami. Là-bas, une bande d’exilés cubains cinglés ont pris le contrôle de la politique étrangère des Etats-Unis vis-à-vis de cette toute petite île-nation. Ces Cubains, dont beaucoup étaient des supporters de Batista et vivaient très bien pendant que le bandit dirigeait le pays, semblent ne pas avoir pris
une seule nuit de sommeil depuis qu’ils ont ramassé leurs affaires et qu’ils sont partis en direction de la Floride.

Et depuis 1960, ils insistent pour nous entraîner dans leur folie.
Pourquoi est-ce qu’à chaque événement tragique qui s’abat sur notre pays - Assassinat de Kennedy, Watergate, Iran-Contra, drogue - la liste est longue - on trouve toujours ces exilés cubains dans les parages et impliqués dans ces affaires ? D’abord ça a été les connexions de Lee Harvey Oswald avec les Cubains de la Nouvelle-Orléans. (Ou est-ce que ce sont les exilés cubains seuls qui ont tué Kennedy ou Castro qui en a eu
marre de servir de cible à Kennedy ? Quelque soit la théorie que vous préférez, les Cubains exilés sont dans les parages).
Ensuite, dans la nuit du 17 Juin, 1972, trois Cubains, Bernard Barker, Eugenio Martinez et Virgilio Gonzales (plus les Etats-uniens Frank Sturgis et James McCord Jr.) furent surpris en train de cambrioler les bureaux du Watergate du président du Parti Démocrate. Cette opération clandestine finit par entraîner la chute du Président Nixon. Tout n’est donc pas négatif dans cette opération.

A ce jour, Barker et Gonzalez sont considérés comme des héros dans la communauté cubaine de Miami. Martinez, qui devait plus tard être gracié par Ronald Reagan, est le seul qui se sente mal. "Je ne voulais pas être
impliqué dans le chute d’un Président des Etats-Unis". _ Oh, comme c’est gentil à vous !
Lorsque Olivier North a eu besoin d’une couverture pour convoyer des armes au Nicaragua pour aider à renverser le gouvernement, à qui d’autre pouvait-il s’adresser sinon aux Cubains de Miami ? Le vétéran de la Baie des Cochons, Ramon Medina et Rafael Quintero étaient des dirigeants clés de la compagnie de transport aérien qui devait fournir les armes à la "contra". La guerre des Contras, soutenue par les Etats-Unis, provoqua la mort de 30.000 Nicaraguayens.

Nous avons financé ces Cubains exilés et en guise de remerciement, ils ont fait introduire des drogues illégales aux Etats-Unis, détruisant des familles et des parties entières de nos villes. Dès le début des années
60, un certain nombre de Cubains (qui avaient aussi participé à la Baie des Cochons) commençaient à diriger les plus grands réseaux de drogue du pays. La DEA (Département anti-drogues, N.d.T.) trouva peu d’appuis auprès du gouvernement fédéral pour courir après ces exilés cubains, parce qu’ils s’étaient regroupés sous la bannière bidon de "partisans de la liberté".
En fait, la plupart des groupes n’étaient rien de plus que des couvertures pour des opérations de trafic de drogues. Ces mêmes trafiquants ont ensuite aidé à passer des armes au Nicaragua.

Des organisations terroristes cubaines basées aux Etats-Unis ont été responsables de plus de deux cents attentats à la bombe et au moins cent meurtres depuis la Révolution de Castro. Ils ont réussi à inspirer
tellement de trouille que je ne devrais même pas être en train d’écrire cet article. Je suis, après tout, un des rares Etats-uniens à ne pas porter d’armes.
Alors pourquoi est-ce que je n’ai pas peur ? Parce que tous ces exilés cubains, malgré tous leurs grands airs et tout leur terrorisme, sont en fait une bande de minables. Oui, des minables.
Vous voulez des preuves ? Pour commencer, quand on n’aime pas l’oppresseur dans son pays, on reste et on tente de le renverser. On peut avoir recours à la force (Révolution américaine, Révolution française) ou des moyens pacifiques (Gandhi en Inde ou Mandela en Afrique du Sud). Mais on ne fait pas demi-tour pour détaler comme l’ont fait ces Cubains.

Imaginez que tous les colons américains se soient enfuis au Canada, et aient insisté pour que les Canadiens prennent la responsabilité de renverser les Britanniques aux Etats-Unis. Les Sandinistes n’auraient
jamais libéré leur pays de Somoza s’ils s’étaient assis sur une plage au Costa Rica en buvant des margaritas et en devenant riches. Mandela est allé en prison, pas en Libye ni à Londres.
Mais les riches cubains ont détalé vers Miami où ils sont devenus encore plus riches. 90% de ces exilés sont blancs, alors que la majorité des Cubains - 62% - sont noirs ou métis. Les riches blancs savaient qu’ils ne
pouvaient rester à Cuba parce qu’ils n’avaient aucun soutien du peuple.
Alors ils sont venus ici, en pensant que nous allions nous battre pour eux. Et comme une bande d’imbéciles, c’est ce que nous avons fait.

Ce n’est pas que ces pleurnichards n’aient pas essayé de se débrouiller un peu. Mais un rapide examen de leurs efforts fait penser à un film comique
muet. La Baie des Cochons est le plus connu de leurs fiascos. Il y avait tous les ingrédients d’une grande farce - mauvais bateaux, mauvaise plage, pas de munitions, personne pour les accueillir et, pour finir, on les abandonne sur place, à traîner dans un coin de l’île qu’ils ne connaissent pas (leur chauffeurs, je suppose, ne les avaient jamais emmenés par là dans le bon vieux temps).
Leur embarras fut tellement monumental que le monde entier en rigole encore, et les Cubains de Miami ne l’ont jamais oublié ou pardonné. Dites "Baie des Cochons" à l’un d’entre eux et c’est comme si vous étiez un dentiste avec une fraise sur un nerf à vif.
On pourrait penser que la défaite de la Baie des Cochons leur aurait donné une leçon. Mais on serait en pleine spéculation. VOUS auriez appris une leçon. Mais pas eux. Depuis 1962, de nombreux groupes d’exilés cubains ont tenté encore plus de raids pour "libérer" leur pays.

Passons directement aux points forts :
En 1981, un groupe d’exilés cubains accostèrent sur l’île de Providenciales dans les Caraïbes, sur la route pour envahir Cuba. Leur bateau, le seul d’un groupe de quatre à avoir réussi à sortir de la rivière Miami, (les trois autres furent interceptés par les gardes-côtes à
cause du mauvais temps, des problèmes de moteur ou un nombre insuffisant de gilets de sauvetage) heurta un récif prés de Providenciales. Coincé sur l’île, sans eau et sans abri, les Cubains de Miami ont commencé à se
battre entre eux. Il ont supplié les gens de Miami de venir les sauver et après trois jours furent évacués par avion vers la Floride. Le seul à avoir réussi à atteindre les eaux cubaines, Geraldo Fuentes, souffrit
d’une attaque d’appendicite alors qu’il se trouvait encore en mer et a du être héliporté par les gardes-côtes jusqu’à Guantanamo.

En 1968, un groupe de Cubains de Miami avait appris qu’un bateau polonais avait accosté dans un port de Miami et qu’une délégation cubaine pouvait se trouver à bord. De la jetée MacArthur (selon le journal St Petersburg Times) les exilés cubains ont tiré avec un bazooka de fabrication artisanale et ont touché la coque. A peine une égratignure. Le dirigeant du groupe, Orlando Bosch, fut condamné à dix ans de prison, mais fut libéré en 1972. Bosch expliqua qu’ils avaient espéré faire plus de dégâts mais que "c’était un GRAND bateau !" Bosch avait déjà été arrêté pour avoir baladé une torpille dans le centre de Miami à une heure de pointe.
Une autre fois, il a été arrêté avec 600 bombes (des vaporisateurs) chargées de dynamite dans le coffre de sa Cadillac. En 1990, l’administration Bush le fit sortir de prison, où il était enfermé pour n’avoir pas respecté le contrôle judiciaire auquel il était soumis.
Selon le mensuel Washington Monthly, "Au cours de l’été et de l’automne de 1963, cinq raids de commandos ont été lancés contre Cuba, dans l’espoir de déstabiliser le régime. La rachitique « cinquième colonne » a été instruite pour laisser couler les chasses d’eau et de laisser les lumières allumées pour consommer de l’énergie."

En 1962, selon le San Francisco Chronicle, l’exilé Cubain José Basulto, au cours d’une mission effectuée pour la CIA, a tiré au canon de 20mm depuis un hors-bord contre l’Hôtel Inca sur la Baie de la Havane. Il espérait tuer Fidel Castro. Le tir a raté la cible et Basulto, voyant du gasoil serépandre sur son bateau, fit demi-tour vers la Floride. "Un de nos réservoirs était en plastique et a commencé à fuir", a expliqué Basulto
plus tard. "Il y avait du gasoil partout sur le pont. Nous ne savions plus quoi faire".
Des années plus tard, Basulto devait former "Brothers to the Rescue", un groupe d’exilés qui ont passé les dernières années à faire voler des avions au dessus de Cuba, survolant des sites cubains, lâchant des tracts,
et en général tentant d’intimider le gouvernement cubain. En février 1996, Castro en avait apparemment assez de leur harcèlement et, après le vingt-cinquième incident en vingt mois, où les avions de Brothers avaient violé l’espace aérien cubain, il a ordonné d’abattre deux des avions.
Bien que Brothers était en train de violer la loi des Etats-Unis en volant dans l’espace aérien cubain, l’administration Clinton est encore allée remplir la gamelle des exilés et leur a servi une loi destinée à resserrer l’embargo contre Cuba. Cet embargo a provoqué la colère du reste du monde contre les Etats-Unis - l’Assemblée Générale des Nations Unies a voté par
117 voix contre 3 une "condamnation" des Etats-Unis pour sa violence économique contre Cuba (comme à chaque fois qu’elle vote sur cette question).

La semaine suivante, les exilés ont essayé de forcer la main des Etats-Unis, en espérant une sorte d’intervention militaire contre Castro.
Ils ont annoncé que le samedi suivant, ils allaient sortir une flottille de bateaux jusqu’aux côtes cubaines pour protester contre la perte des deux avions. Clinton décida de faire la plus grande démonstration de force depuis la Crise des missiles, et envoya un escadron de chasseurs F-15, onze vedettes des gardes-côtes, deux croisières lance-missiles de la Navy, une frégate, deux avions C-130, une flopée d’hélicoptères, des AWACS, et six cent gardes-côtes pour accompagner la flottille La seule chose qu’il avait oublié était la Dramamine - en définitive la seule chose dont les Cubains de Miami avaient vraiment besoin. A 60 km à peine de Key West, les Cubains dans les bateaux ont commencé à avoir le mal de mer, dégueulant à souhait et suppliant que les foutus yachts fassent
demi-tour. Sous le regard du monde entier, les Cubains de Miami ont encore une fois fait demi-tour et ont détalé. A leur retour, ils ont tenu une conférence de presse pour expliquer la retraite. Un des porte-parole était encore un peu secoué, et on pouvait voir les journalistes prendre leurs distances, pour éviter de recevoir le résultat d’une de ses gerbes.
"Il y avait une terrible tempête sur la mer," raconta le dirigeant cubain qui perdait rapidement ses couleurs. "Les vagues faisaient plus de 4 mètres et nous avons dû faire demi-tour ou perdre nos bateaux !". En même temps qu’il parlait, un génie créatif qui devait bosser le week-end chez CNN a décidé de faire passer le film de la flottille en route vers Cuba.
Le soleil brillait, la mer était presque plate avec une légère brise, très légère. Des journalistes qui étaient en mer ont dit qu’après le départ des caméras de CNN, "les choses se sont gâtées".
Ca, c’est sûr. Castro devait être mort de rire.

Traduction libre. Article adressé par Suisse-Cuba depuis Genève
Transmis par Danielle Bleitrach

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