Une tribune pour les luttes

Collectif de médecins généralistes

Arrêts de travail : manifeste des délinquants statistiques

Article mis en ligne le mercredi 8 juillet 2009

Mercredi 24 juin 2009

«  Chaque année, des dizaines de milliers de médecins rédigent des arrêts de travail. Ils le font dans des conditions difficiles en raison de la manipulation des chiffres d’arrêts injustifiés opérée par les caisses d’assurance maladie, et de l’utilisation politique qui en est faite.
On fait le silence sur ces dizaines de milliers de médecins, ou si l’on en parle, c’est pour les accuser.

Je déclare que je suis l’un d’eux.
Je déclare avoir arrêté des patients dont l’état de santé rendait le maintien au travail impossible ou dangereux pour leur santé. Je déclare que ma pratique m’expose à être attaqué pour délit statistique si je fais partie des médecins qui prescrivent plus d’arrêts de travail que la moyenne.

Nous, médecins signataires, ne voulons plus que le médecin chargé du contrôle décide seul de la pertinence ou non d’un arrêt de travail sur des critères arbitraires. »

Alors qu’est annoncé un déficit grandissant des comptes sociaux essentiellement lié à la dégradation de la situation économique de la France, la caisse Nationale d’Assurance Maladie annonce que plus de 10% des arrêts de travail seraient injustifiés.

Le Ministre du Budget et la Ministre de la Santé de la Jeunesse et des Sports annoncent de concert un renforcement des contrôles de ces arrêts de travail jugés «  abusifs », par les médecins contrôleurs des caisses et par des médecins contrôleurs mandatés par les employeurs.

Pourtant
- 1. Les indemnités journalières ne pèsent guère lourd dans le déficit global,
- 2. Les chiffres présentés par l’Assurance Maladie sont faux : ils ne correspondent pas au contrôle de l’ensemble des arrêts de travail sur une période donnée, mais à une présélection sur des arrêts de travail ciblés comme problématiques. Plus grave encore, est comptabilisée comme « injustifiée » avec désaccord notifié du médecin-conseil… la prolongation au-delà du contrôle d’un arrêt de travail justifié… sans que cette prolongation ait été demandée par le médecin prescripteur.
- 3. Une partie des indemnités journalières versées est la conséquence de défaillances administratives et des délais de traitement des dossiers.
- 4. Alors que dans les autres domaines de la médecine, il existe des recommandations de bonne pratique, rien de scientifique n’est publié sur la « durée recommandée » d’un arrêt de travail pour une situation donnée.
- 5. C’est donc uniquement l’avis du médecin contrôleur, sans concertation avec le médecin traitant qui détermine la justification d’un arrêt de travail.
- 6. Il suffit actuellement d’être dans les 25% des plus grands prescripteurs pour subir le harcèlement de la CPAM, sans aucune considération pour la pratique réelle.

Dans ce contexte de mensonge et de manipulation politique des chiffres, des médecins dénoncent leur condition de « délinquant statistique potentiel » au regard des directives musclées de contrôle auxquelles ils peuvent demain tous être soumis, pour avoir simplement fait leur travail. Ils alertent leurs patients et leurs confrères sur la nouvelle gestion assurantielle de la « Sécurité Sociale » et demandent qu’un audit soit effectué sur les chiffres avancés par la CNAM. Dans ces conditions de manipulation politique des chiffres, ils refusent que le médecin chargé du contrôle décide seul de la pertinence ou non d’un arrêt de travail sur des critères arbitraires.

Pétition :

http://www.petitionduweb.com/manife...

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Vos commentaires

  • Le 15 juillet 2009 à 12:31, par Christiane En réponse à : « DIX ANS AU CONTRÔLE MEDICAL DE LA SECU »

    07.07.2009

    Technicien administratif au contrôle médical depuis plus de dix ans, RORSCHACH, après avoir lu le témoignage du généraliste Julien Bezolles,
    http://enattendanth5n1.20minutes-bl...
    a tenu à apporter quelques lumières sur la récente campagne orchestrée de lutte contre les arrêts de travail injustifiés, et son cortège de falsifications.

    « Premier point qu’il est important de clarifier : les médecins conseils (medcons) n’ont pas de quotas d’avis défavorables ou favorables à donner. En tout cas je n’ai jamais rien entendu de tel. Ceci pour la simple et bonne raison qu’ils sont libres de leurs avis médicaux. Ça c’est le principe auquel évidemment il serait stupide de se borner. Car s’ils sont libres sur le papier, force est de constater que la plupart concourent à alimenter ce fantasme d’une multitude de fraudeurs à la Sécu (et aux arrêts de travail en particulier).

    Salariés d’une administration très hiérarchisée, ils sont les premiers à subir une propagande du tonnerre de Brest que l’on peut ramener à cette courte formule : il faut sauver la Sécu. Peu importe que le message émane de ceux-là même qui sont en train de la dépecer. Dans mon entourage, la plupart (médecins comme agents administratifs) ont donc intégré et fait comme leurs la plupart des diagnostics imposés par la Direction de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie qui reste quand même notre principale donneuse d’ordre. Sus à la fraude ! Un million d’arrêts contrôlés en 2008. On fera encore mieux en 2009 !

    Concernant donc le contrôle des indemnités journalières, la mécanique est celle-là : s’ils sont libres de leurs avis, les medcons ne le sont pas de la masse des arrêts à contrôler. Le chiffre est pondu nationalement puis ventilé selon les régions avant de l’être localement. Bref chaque échelon du service médical se retrouve donc avec une masse incompressible d’arrêts à contrôler. Et si on contrôle, si on se donne tout ce mal, c’est quand même pas pour au final tout accorder ! Sinon où irions-nous ? Et surtout à quoi servirions-nous ? Et là on touche au cœur même de la fonction du medcons : sa fonction de contrôle. Son pouvoir de sanctionner et non pas seulement en fonction de critères objectifs bien établis (comme ces fumisteries de démarche qualité veulent bien le laisser croire) mais souvent selon des critères terriblement humains. Calcul personnel (avancement, mutation) ou bien tout simplement en fonction de l’humeur du moment."

    Il faut sauver la Sécu de la privatisation quitte… quitte à fonctionner exactement comme une boîte privée !

    « Second point : la majorité des médecins conseils sont des techniciens purs et durs. Et ne sont que cela. Une masse de salariés hyper spécialisés dans le domaine étroit de leur champ professionnel mais incapables du moindre début de mise en perspective de leur travail et a fortiori d’analyse politico-sociale. En gros, à la question : quelle est la finalité de ce qu’on me demande de faire ?, à part ânonner leur leçon apprise par cœur, ils ne savent pas ou bien s’en foutent. Qu’ils creusent eux même leur propre tombe ? A savoir celle d’une Sécu fidèle à l’esprit de ces instigateurs, le Conseil National de la Résistance (CNR), peu importe au fond. La preuve en est par exemple le manque total de réaction devant la future généralisation des contrôles employeurs. Qu’en gros leur boulot leur soit piqué par des toubibs mercenaires stipendiés par des patrons ne les émeut pas plus que ça ! Car l’urgence est ailleurs : il faut sauver la Sécu de la privatisation quitte… quitte à fonctionner exactement comme une boîte privée ! Avec des reporting, des pôles de production, des audits à la pelle et… des primes d’intéressement (et oui !!). Quitte à transformer, cerise sur le gâteau, les assurés en clients. Tout est dit. »

    Pour en revenir à l’affaire qui a ému Julien Bezolles, elle n’a rien d’exceptionnel malheureusement. Ou bien ce qu’il y a d’exceptionnel là-dedans c’est qu’une personne étrangère à la langue de bois ou à la novlangue mette un medcons devant ses propres contradictions. Car la réponse du medcons (ou du moins ce qu’il induit), si elle apparaît gênée aux entournures, est aussi purement et simplement mensongère. L’avis défavorable ne lui est pas imposé, seul le courrier l’est. Il aurait pu émettre, au vu de l’examen clinique de l’assuré, un avis favorable à la poursuite de l’arrêt de travail. Et l’affaire aurait été close. Mais non. Il faut le gonfler ce chiffre ahurissant de 11% d’arrêts injustifiés. Alors pourquoi le medcons a agi de la sorte ? Pour bidouiller des chiffres ? Beuh non, c’est un gars honnête. Il l’a fait tout simplement parce que ses collègues le font. Parce que la pratique a été d’abord distillée puis répandue comme quelque chose de quasiment anodin. Parce que refuser c’est aussi avoir des couilles. Parce qu’il ne veut pas se faire remarquer comme « atypique » par rapport à ses collègues quand l’objet des missions des medcons est justement de déceler les atypies dans le camp d’en face et de les analyser à la loupe ! Il a agi ainsi pour éviter les sournoises prolongations (forcément injustifiées). Parce qu’il y a quand même des motifs médicaux suspects. Parce que quand même il nous faut bien quelques petits refus. Montrer qu’on sert à quelque chose. Parce que le travail, bordel, c’est la santé (même si 2 travailleurs meurent chaque jour en France d’un accident du travail) !

    Enfin, il a fait un refus parce que ces malades et ces prescripteurs, il faut quand même les responsabiliser sinon comment qu’on va le reboucher le fameux trou ?

    Une massification du contrôle

    Il faut justifier le fait que maintenant on convoque les malades par téléphone, histoire de perdre moins de temps (d’où ce conseil de ne jamais mettre de numéro de téléphone ou de mail sur le formulaire d’arrêt de travail). Il faut justifier le fait que pour gagner encore plus de temps sur les délais postaux (encore un service public de feignasses !), un agent assermenté prendra la voiture de service pour aller donner en main propre au malade sa convocation. Bonjour les économies, hein ! On peut même imaginer que bientôt, en même temps qu’il prescrira le repos pour son patient, le médecin traitant lui donnera directement sa convocation au contrôle médical !

    Bref il faut justifier l’abattage. Parce que c’est de ça qu’on parle. D’abattage. Une massification du contrôle qui a quand même pour première conséquence de renvoyer l’être humain derrière le dossier à l’idée d’hypothèse de plus en plus abstraite. Je traite un dossier, je valide une pathologie. Quant à la vie derrière, cette vie qui dépend peut-être du versement des indemnités journalières que je vais courageusement couper, ben tant pis. Y’a la médecine du travail pour le reclassement, la CPAM pour les prestations de secours, les restaus du cœur, merde à la fin ! Foutez-moi la paix à la fin. Je ne fais que mon travail. Je ne fais que ce qu’on me dit de faire. Responsable mais pas coupable. Surtout au sein de l’administration française qui un bel historique en la matière.

    11% d’arrêts de travail injustifiés ? Un mensonge. Une intoxication. Une manipulation

    « Abattage disais-je et falsification. Falsification de statistiques dans le but de justifier les prochaines mesures forcément antisociales du gouvernement.

    Récemment, une collègue a été interrogée par un auditeur. Passé les moments d’échanges formels, celui-ci lui demande son sentiment personnel sur les contrôles des arrêts de travail. Après un regard éprouvé sur les piles d’arrêts qui jonchent son bureau, la technicienne déclare :

    - Très honnêtement ? C’est beaucoup de travail pour peu de résultats.

    - C’est-à-dire ?

    - Il y a peut-être 2% de reprises de travail notifiées avant le terme prévu sur l’arrêt.

    - C’est normal, vous êtes dans la moyenne nationale, lui répond l’auditeur. C’est le chiffre que l’on retrouve dans la majorité des échelons médicaux.

    2% d’arrêts pour lesquels le médecin conseil prononce une remise au travail avant la fin de l’arrêt prévu. Il est là le vrai chiffre des soi-disant arrêts de complaisance. 2%. Et encore que ce chiffre aussi demanderait à son tour d’être examiné à la loupe. Car l’examen du médecin conseil ayant forcément lieu plusieurs jours après celui du médecin libéral ou hospitalier, l’état du malade a de grandes chances d’avoir évolué. Or que je sache on ne demande pas encore aux médecins prescripteurs de posséder un don de prescience pour prescrire le nombre de jours exacts qui seront nécessaires au malade pour récupérer !

    2%. Pas 11% d’arrêts de travail injustifiés.

    Ce 11% là est un mensonge. Une intoxication. Une manipulation. »

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