Une tribune pour les luttes

C’était un 22 juin 1959 C’était hier !…

Boris Vian

par Michelle Portig

Article mis en ligne le dimanche 28 juin 2009

Notes prises principalement dans Boris Vian de Philippe Boggio (Flammarion 1993)
Y ajoutant des chansons appropriées.

L’Écume des jours était ma première rencontre avec Boris Vian Il y a …

Il me faudrait plutôt dire rencontre avec Chloé, Colin et leurs compagnons car ce sont eux qui m’ont incité à connaître Boris, savoir le pourquoi et le comment et quels événements les avaient fait sortir de ses tripes dans l’écume des jours !
L’Écume des jours le titre à lui seul a la vertu d’animer des images en noir et blanc ou en couleurs selon notre temps, notre temps nuageux ou ensoleillé, dans notre famille, parmi nos amis et dans tous les cas parmi nos semblables
La gestation de l’écume des jours de Notre Boris Vian c’est faite de 1944-1945 c’était hier, les souvenirs nous brûlent encore comme par exemple ces roses blanches écloses sur des canons, Colin voulait les cueillir, mais il est aussitôt averti qu’il ne faut surtout pas les prendre car elles sont en acier, évidemment tout aussi dangereuses que les canons le furent.
On ne peut s’empêcher de penser à tous ceux, souvent des enfants, qui ont perdu la vie, après la guerre, pour cause d’avoir touché une grenade ou marché sur une mine, drame toujours dans notre actualité, résultat de toutes les guerres de part le Monde.

Écoutons : “Le Prisonnier”

L’écume des jours, c’est toute une époque qu’on ne pouvait raconter comme ça, tel quel. Cela aurait fait trop mal, il fallait faire vivre des personnages qui pouvaient par leur fantaisies chatouiller l’esprit.
Donner à méditer “c’est pas vrai, c’est vrai, est-ce de notre monde ? “non ! C’est pas possible… quoique... ce chantier avec des tuyaux d’où s’échappe une mauvaise odeur : le paysage est horrible, on ne prononce pas encore en 45 le mot pollution !
Écoutons le dialogue entre Colin et Chloé dans le passage où en voyage de noces, ils traversent ce paysage d’enfer :
- Chloé (en voyant l’état des ouvriers) : ce n’est pas bien de travailler...
- Colin : on dit que c’est bien, en général on trouve ça bien - en fait, personne ne le pense. On le fait par habitude et pour ne pas y penser justement.
- Chloé : en tout cas c’est idiot de faire un travail que des machines pourraient faire.
- Colin : il faut construire des machines, qui le fera ?
- Chloé : ho évidemment, pour faire un oeuf il faut une poule, une fois qu’on a la poule, on peut avoir un tas d’oeufs, il vaut donc mieux commencer par la poule !
- Colin : faudrait savoir, qui empêche de faire des machines. C’est le temps qui doit manquer. Les gens perdent leur temps à vivre, alors il ne leur en reste plus pour travailler .
- Chloé : Ce n’est pas plutôt le contraire ?
- Colin : Non ! s’ils avaient le temps de construire des machines, après ils n’auraient plus besoin de rien faire. Ce que je voulais dire, c’est qu’ils travaillent pour vivre au lieu de travailler à construire des machines qui les feraient vivre sans travailler.

VIVRE en majuscule devait penser notre Boris Vian, faisant la différence entre travail et TRAVAIL .!!!—
Toute l’écume des jours est à regarder sous toutes les lumières, aux différentes vagues qui les ont provoquées, le Passé, le Présent …
Que nous chanterait Boris aujourd’hui ?
La Vache étant devenue folle, ce chant vient à point :

“ Les joyeux bouchers”

Qui est donc Boris Vian ?
Né le 10 mars 1920
Sa mère Yvonne Ravenez fille de bonne fortune mais pas seulement riche, elle était une artiste : une chanteuse mais pas pour en faire profession, ce métier là, aurait contrarié sa famille bourgeoise, elle chantait pour son plaisir et le plaisir de la famille et des nombreux amis.
Paul Vian, le père était rentier, rentier ne veut pas dire vivre à ne rien faire ! Non, ce n’était pas le cas de Paul Vian ! Paul faisait le mécanicien, le menuisier, il avait même fabriqué un avion, il n’y avait pas une horloge qui mesurait son Temps, pas de pointage à effectuer, c’est bien ce qui a fait écrire noir sur blanc plus tard à son fils Boris aussi bricoleur que lui :
« Le travail, c’est ce qu’on ne peut pas s’arrêter de faire quand on a envie de s’arrêter de le faire »
Il est bien né en 1920 ! il nous le chante :

“Je suis né en 1920”

“Les Fauvettes” était le nom de la maison familiale, c’était un paradis où les parents prenaient garde que les réalités du monde extérieur s’arrêtent à la grille de la propriété. Le coiffeur venait à domicile, comme du reste l’institutrice , femme de ménage et cuisinière avait la charge de la maison, il y avait un chauffeur noir et un jardinier “ Pippo “ un italien musicien ça va de soi, c’ était un ancien de la légion étrangère, Boris a deux frères et une soeur. Une gentille Tata supervisait tout ce petit monde. La maman musicienne avait choisi le prénom de trois des quatre enfants Lélio , Boris, Alain, Ninon.
Boris, pour Boris Godounov ! Le prénom qui nous a été attribué influence-t-il nos comportements ? notre caractère ?
Nous le serons par ce chant :

“L’âme slave”

Parmi les amis de la famille Vian, on comptait des écrivains, des professeurs, des traducteurs d’ouvrages ; et comme proche voisin Jean Rostand le naturaliste, il était venu s’installer à Ville d’Avray en 1922, Boris avait donc toujours connu Jean Rostand ! (né en 1894) son premier ouvrage : “ le retour des pauvres publié en 1919 .

Le Savant demandait aux jeunes garçons dont son fils François de lui attraper, pour ses recherches, des crapauds dans les étangs environnants, il n’y avait pas de portail entre les deux propriétés, les enfants Vian avaient à leur disposition l’immense bibliothèque de leur voisin.

En 1929 le super gentil père rentier qui avait relégué une personne pour s’occuper de sa fortune avait fait de mauvais placements en Bourse : c’est l’effondrement des cours du coton, des hévéas...bref, en quelques heures la plus grande partie de la fortune s’en va.
Ma foi, perte d’argent n’est pas mortelle, c’est une bonne dose de philosophie que devaient avoir les parents de Boris ! Avaient-ils à l’esprit la bonne formule de Kipling ? « Si tu peux rencontrer Triomphe après défaite, et recevoir ces deux menteurs d’un même front, si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les autres la perdront,... » Paul et Yvonne Vian ont ce courage là, ils ne perdent pas la tête, ils diront entre eux “ il faut surtout pas que les enfants souffrent de ce changement ”.

“Le Cinématographe“

Ils mettront la maison en location, aménageront celle du gardien, on partagera le parc, on réduira le personnel, seul pippo le Jardinier musicien restera. La grande maison est louée à la famille Menuhin, Yehudi guère plus âgé que Boris, est un prodige de la musique. Les familles deviennent amis, ils vont souvent ensembles au concert.

Certes, le train de vie n’est plus le même mais personne ne se plaint. Paul fait des traductions, il sera aussi représentant pour les médicaments homéopathiques .
Les enfants vont à l’école, Lycée de Sèvres, Lycée Hoche à Versailles, et Lycée Condorcet à Paris où Boris fait des études classiques de la section A latin-grec, il apprend l’allemand. A 15 ans, il a le Baccalauréat latin-grec, à 17 ans son bac de philosophie et de mathématiques, à souligner qu’il savait lire à l’age de cinq ans, à huit ans, il avait lu une bonne partie de la littérature classique.

“j’abordais mes études”

Il entre à l’École Centrale en 39 en sort en juin 42 avec un diplôme d’ingénieur, en 41, il se marie avec Michelle Léglise, Michelle rédigeait des articles pour des revues, et aussi faisait des traductions, un garçon et une fille naîtront de cette union qui durera 10 ans.

Boris entre à AFNOR, Association Française de NORmalisation en qualité d’ingénieur stagiaire, au bureau de la verrerie, son activité essentielle les premières semaines, consiste à comparer les mérites respectifs de centaines de bouteilles afin d’en proposer une idéale. Il gagne 4.OOO francs par mois, salaire fort modeste mais un peu plus que les employeurs prospectés, le plus heureux avantage de travailler dans cette boite, c’est qu’elle n’est pas loin de son principal lieu de vie de l’appart’ et du lieu ou il vivra sa musique de Jazz.

Boris avait formé un petit groupe avec ses frères Lélio, Alain et François Rostand, tous passionnés de Jazz, ils jouaient pour des surprises-partie organisées dans le jardin de Ville d’Avray , la rencontre de Claude Abadie leurs avait donné l’opportunité de s’intégrer dans un orchestre, orchestre amateur mais qui se produisait devant un public.

Boris y était trompettiste, tous les soirs, il inventait la fête (un ami dit de lui “quel masque pouvait-il se souhaiter que celui d’amuseur public, à l’instant où il donnait l’impression d’être esclave de ce monde, chaque nuit était le contre poison de sa morne vie de bureau qu’ était la sienne dans la journée”
Boris disait lui même “on est toujours déguisé, alors autant se déguiser : de cette façon on est plus déguisé”

“ Je voudrais pas crever avant”

En 43 Boris Vian écrit un premier roman Trouble dans les Andins.
En 46, Gallimard propose le manuscrit de L’Écume des jours pour le Prix de la Pléiade, de l’avis de Raymond Queneau c’est le plus poignant des romans d’amour contemporains ; en dactylographiant le manuscrit, Michelle Vian pleurait.
Pour ce “Prix”, font parti du jury : André Malraux, Paul Eluard, Marcel Arland, Maurice Blanchot ,Jo¨Bousquet, Albert Camus, Jean Grenier, Jacques Lemarchand, Jean Paulhan, Jean Paul Sartre, Roland Tual et Queneau .
Dans une ultime sélection ils opposent à L’Écume des jours Terre du Temps, un recueil de poèmes de l’abbé Jean Grosjean, un écrivain Curé.
Trois seulement soutiendront l’ouvrage de Boris.
C’est donc Jean Grosjean qui aura ce fameux “Prix de la Pléiade“

Boris écrira
"_ J’ai -z- été battu par l’abbé Grosjean
Qui m’a consolé, c’est Jacques Lemarchand
Mais mon chagrin, je le garde en remâchant
Je pleure tout le temps
Que n’eau, Que n’eau
Sart’apprendra, qu’ils m’ont dit en rigolant
 ne pas écrire des poésies mystères !“

Le Prix ayant suscité beaucoup de remous dans le milieu littéraire une égale publicité sera faite par Gallimard des deux oeuvres de Boris Vian et de Jean Grojean .
La Revue “Les Temps Modernes“ dont J.-P. Sartre est directeur donnera de larges extraits de L’écume des Jours.
Boris était un des collaborateurs de cette revue où il rédigeait la “Rubrique du Menteur”.
Menteur notre Boris ? Non ! Il prêtait aux Hommes politiques des opinions tout à l’opposé de ce qu’ils étaient. C’était un petit clin d’oeil des opinions qu’ils auront vingt-cinq, trente ans plus tard ... alors, bien évidemment cette plaisanterie ne plaisait pas à tous le monde (quelques textes lui furent refusés). Même Camus menaça Gallimard de quitter l’édition à cause de la rubrique du Menteur...

“Les grelots des Prophètes”

Boris, sait à présent que sa vie est d’écrire...
Un soir son Ami Jean D’Alluin qui cherchait à assurer le lancement de sa maison d’Édition “Le Scorpion” demande à Boris de lui trouver à traduire un bon roman américain dont le public est friand depuis la Libération de Paris ! ! !
Moi, ton roman, je vais te l’écrire !

Ce roman sera : J’irai cracher sur vos tombes qui est toute une longue aventure pour une oeuvre qu’il monta en 15 jours . Boris tenant le rôle de traducteur, l’Auteur en sera “Vernon Sullivan”, Vernon, en hommage à un musicien de l’orchestre de Claude Abadie, et Sullivan, en souvenir de Joé Sullivan fameux pianiste de l’époque de “Chicago “ le livre fut un best-seller de l’année 47, alors que pour Boris, écrire ce livre avait été un jeu, une plaisanterie, pas une oeuvre, de la qualité du roman il ne voulait entendre parlé ....
La même année 46 il a aussi écrit L’Automne à Pékin, avec la signature de Vernon Sullivan,
Les morts ont tous la même peau
On tuera tous les affreux en 195O,
mais, aussi, une condamnation pour outrage aux moeurs contre les deux premiers ouvrages signés Vernon Sullivan,
Le livre J’irai cracher sur vos tombes eut le même sort que celui d’Henri Miller Tropique du Cancer
Boris ne se décourage pas d’écrire pour autant
L’équarrissage pour tous, Cantilènes en gelé,
Les fourmis, L’arrache coeur, et de nombreuses nouvelles,
Il ne cesse pas d’être aussi musicien, de jouer de la trompette.
Il se produit au “Tabou“ cave de Saint Germain des Prés et autres lieus..., il envisage la chanson comme autant d’assauts insurrectionnels ; la nuit, depuis fin 53, il assemble de petites bombes d’un feuillet dans ses agendas, il en consigne les ébauches comme celui-ci : "Je paie ma liberté de tous les malheurs du monde, je paie ma liberté des soucis du monde entier !"

Le 15 février I954, Boris Vian dépose à la SACEM le texte et la musique d’une chanson douloureuse contre la guerre. Un compositeur, musicien de Jazz, Harold Berg, en a harmonisé la mélodie. La chanson a un titre “Le Déserteur“, Boris a peut-être pensé à la guerre d’Indochine qui s’enlise, quelques mois avant la chute de Diên-Biên-Phu. Sans doute à une guerre sans actualité précise...
La fin de la chanson se terminait ainsi :
“Si vous me poursuivez Prévenez vos gendarmes Que j’emporte des armes et que je sais tirer.“
C’est Mouloudji qui en avait fait changer le texte. Boris dans son agenda avait noté : “S’il faut tuer quelqu’un, tuer plutôt la guerre.“ Il remplaça ces mots par “S’il faut donner son sang, Aller donnez le votre.“
La chute du texte ne plaisait pas à Mouloudji : cet homme qui s’apprête à tuer, pour ne pas aller tuer à la guerre ... Boris en convient. La fin est contradictoire. Ensemble, ils fixeront le destin du déserteur ainsi : “Si vous me poursuivez, Prévenez vos gendarmes, Que je n’aurai pas d’armes, Et qu’ils pourront tirer.”

“Le Déserteur“

Le 8 Mai, au théâtre de l’Oeuvre, Mouloudji chante pour la première fois “Le Déserteur”. L’ Accueil est neutre. La Chanson passe plutôt bien, à la rentrée Mouloudji maintient la chanson à son répertoire lors de son passage à l’Olympia. Ce qui encourage, Boris juge que le public de 1954 supporte la veine libertaire. Alors ça lui donne un élan pour poursuivre dans la même ligne “Le Politique” (L’histoire d’un homme qu’on arrêtait pour avoir oser chanter l’interdit) :

“ Il voulait que je répète
Tout ce que j’avais chanté
Il y avait une mouche
Sur la manche du greffier.
Qui vous a donné le droit
De juger votre prochain
Votre robe de drap noir
Ou vos figures de deuil
Je ne vous dirai rien
Car je n’ai rien à dire
Je crois à ce que j’aime, Et vous le savez bien . “

Renée Lebas accepte quelques unes de ses chansons moins contestataires mais toujours aigres et caustiques. Elle lui fait quelques remarques sur les textes et sur la mélodie, les textes doivent êtres retravaillés et la mélodie arrangée par un vrai parolier, elle lui présente Jimmy Walter le jeune musicien qui l’accompagne sur scène ;
Jimmy et Boris travailleront plusieurs mois ensemble, pour Boris, les mots à retoucher sont un crève coeur, il dira “au-delà du premier jet commencent les tractations avec le dérisoire” .
Boris n’aime pas se relire. Ils vivront une collaboration houleuse d’où naîtra une trentaine de chansons, ils feront le tour des maisons d’éditions de musique avec leur moisson.
Renée Lebas en retiendra quelques une pour son récital salle Pleyel.

Les chansons sont provocatrices. On leur répond qu’elles sont trop en avance.
Philippe Clay, Suzy Delair, Mouloudji, Renée Lebas, Jimmy Walter et Boris poursuivent la même route de ..Saltimbanques, à l’époque les disques restent rares le droit d’Auteur n’enrichit pas son homme.
Boris continue ses piges et Jimmy ses accompagnements. En Novembre Michel de Ré demande à Boris de lui écrire quelques chansons pour son spectacle sur la bande à Bonnot.
Le parolier va se régaler de l’univers des “Bandits tragiques anars perdus dans le crime braves types, gentilles gifles du début du siècle que leurs belles idées ont conduit à la potence ou à fermer les yeux dans un ruisseau.”

“Bonnot, Ils t’ont eu mon vieux
Ils étaient mille contre deux, Toi et ton chien ,
rien que vous deux ! Bonnot, Y a longtemps déjà
Qu’ils t’ont flingué oui mais crois moi
Y en a qu’ont toujours peur de toi.“

Avant la représentation, l’affiche est tout de suite retirée sans égard comme toujours envers les artistes. Donc personne n’a entendu les chansons de Boris Vian !

Notre Boris retrouvera sa mélancolie, il se plaint de son état de parolier à Jacques Canetti Directeur artistique lorsque le téléphone sonne : c’est Roland Petit, un peu gêné certes, qui lui annonce que Zizi Jeanmaire ne chantera pas ses textes ! et Boris fera remarquer : “tu vois, on me fait des compliments mais personne n’en veut de mes chansons !” Jacques Canetti conseille : “alors, chantez-les vous même”.
Bien sur, pense Boris ! Un an plutôt, il avait d’ailleurs écrit dans son article pour “Art“ “Quitte à arroser son temps de vitriol, autant le faire soi même ...“. Boris est journaliste pas chanteur ! alors, il va prendre des cours de chant encouragé par Ursula son épouse depuis 1954. Mais, c’est vraiment un risque pour sa santé (À l’âge de 12 ans, il avait contracté un rhumatisme cardiaque). Malgré cela, il chantera sur la scène “des Trois Baudets“. Iil y aura un premier 45 tour qui prendra le titre de “chansons impossibles” puis un second 45 tours sera “chansons possibles” : La complainte du progrès appelée aussi “Les Arts ménagers”

“La java des bombes atomiques “

Seul de la presse Le canard Enchaîné s’intéresse à Boris Vian. Pas tellement à l’interprète, à l’auteur.
« Sur une petite scène, sans tapage, curieusement servi par un antichanteur quelques joyaux d’insolence et de contestations parviennent à mordre dans l’époque ; des critiques délibérées et toniques contre la sécheresse du progrès ( Les arts ménagers,) les marchants de canons (Le petit commerce) le maintien de l’ordre (on est pas là pour se faire engueuler), les essais nucléaires, la guerre. »

Le 13 Juin 1955, “La java des bombes atomiques” a les honneurs de la Une du Canard (comme Diên-Biên-Phu est tombé, que la France rapatrie une armée vaincue, ou plutôt l’envoie réprimer les premiers troubles d’Afrique du nord, on commence à parler de ce Déserteur simple et tranquille, qui dit non sans élever le ton. Léo Ferré, Georges Brassens sont venus écouter l’anarchiste distrait qui lâche négligemment ses bombes, deux fois par soir, d’une voix tremblante mais avec des mots assurés.
Georges Brassens rend hommage à Boris en écrivant au dos du 33 tours « Boris Vian est un de ces aventuriers solitaires qui s’élancent à corps perdu à la découverte d’un nouveau monde de la chanson ».
Certains n’aiment pas ses chansons ! soit ! Un temps viendra comme dit l’autre où les lions auront besoin de leur queue et tous les publics des chansons de Boris Vian !
Il chante aux trois Baudets et à la fontaine des Quatre saisons. A Paris on ne s’étonne plus des étrangetés des cabarets mais lorsqu’il va s’essayer en province, on attend ce parisien de pied ferme...pour lui casser la gueule surtout les anciens combattants qui se trouvent écorchés vif par le déserteur. puis aussi ceux qui ont pris pour vérité la fable du pornographe. Et voilà qu’il reçoit ses premiers sifflets. On remarque qu’un groupe d’hommes suit l’artistes de ville en ville pour le harceler d’insultes …

Chantons :
“ Boris Vian est un aventurier”

- En juillet 56, Boris est malade victime d’un oedème pulmonaire aigu. Boris ne chantera plus, il est allé au bout de l’expérience. Il s’est prouvé à lui même qu’il était capable de cette performance, capable d’une empoignade avec l’époque. Avant d’aller se reposer à Saint Tropez, il jouera le rôle de Cardinal dans “Notre Dame de Paris”, le film que tourne Delannoy avec Antony Quinn et Lolobrigida .
Le 22 juin 1959 il se rend dans une salle privée pour voir la première projection du film d’après ce “J’irai cracher sur vos tombes” pour lequel il désirait même ne pas voir figurer son nom ...
Il a fait surtout le déplacement parce que son Ami Alain Goraguer avait composé la musique du film...
Boris ne connaîtra pas, ce que l’on a fait de son écrit, dés les premiers instants de la projection, il s’est aussitôt enfuit vers son ailleurs, un ailleurs en musique Jazzique .
vers son monde “ce monde qui existe puisque je l’ai inventé ...”
N’oublions pas que Boris Vian était ingénieur et qu’il avait fait des études pour ça !
il avait dressé le plan d’une maison pivotante pour capter le soleil ou se mettre à l’ombre selon son goût.

Boris Vian est de cette génération fin de siècle, il imagine : …comment sera l’AN 2000 :
« En l’an 2000, j’aurai 80 ans juste .
- e serai bien vieux... En général
- je travaille le dimanche. J’espère bien que je ne travaillerai plus !
« Il y aura à cette époque de meilleurs postes de radio, de meilleurs postes de télévision mais je ne les écouterai pas plus que maintenant. »
« La technique sera plus avancée, mais les gens seront toujours aussi idiots. »
« On ne pourra plus circuler. Les voitures resteront dans les rues, les rats y éliront domicile et on ira se promener à pied. »
« On ira voir, par exemple, les courses de taureaux mécaniques avec matadors- robots. D’ailleurs, on pourra y envoyer le robot de service, ce qui évitera de se déranger. »
“Ce sera alors le repos complet. Il faut dire qu’il y aura plus d’asiles.”
« Tous les dimanche on ira voir un parent ou un ami à l’asile à moins qu’on y soit soi-même, auquel cas on attendra à son tour les visites dominicales... »

« Pendant ce temps, il y a des gens qui vivront à la campagne avec les vaches, les poulets, la rivière, des gens qui joueront de l’accordéon et s’amuseront localement à saigner le cochon ou à vendanger. Mais ceux-là seront bien tranquilles le dimanche. Personne ne viendra les déranger car plus aucune route ne passera par un village en l’an 2000 ! »
C’est bien ainsi ? !
Boris a écrit des pièces de théâtre, des romans de science fiction et.... de la poésie

 “Un Poète”,
C’est un être unique
A des tas d’exemplaires
Qui ne pense qu’en vers
Et n’écrit qu’en musique
Sur des sujets divers
Des rouges et des Verts
Mais toujours magnifiques

son dernier poème se termine ainsi :

« ...Je mourrai un peu,
Beaucoup, sans passion,
Mais avec intérêt
Et puis quand tout sera fini
Je mourrai. »

C’était un 22 juin 1959 C’était hier !… aujourd’hui 23 juin 2009 !

Michelle Portig

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