Une tribune pour les luttes

Communiqué commun : Médecins du Monde, LDH, CIMADE, CODETRAS

Seize interpellations lors de la démolition du "gourbi" de Berre

Article mis en ligne le vendredi 24 juillet 2009

Eradication du « Gourbi » de Berre

Marseille, le 22 juillet 2009

Au lendemain de la décision du tribunal de Bobigny de débouter l’Etat dans sa plainte contre Médecins du Monde en reconnaissant la situation d’urgence humanitaire dans laquelle se trouvent les familles roms d’Ile-de-France, l’Etat poursuit à Berre sa logique du tout répressif à l’encontre des travailleurs agricoles étrangers.

Aujourd’hui, mercredi 22 juillet, 21 personnes ont été arrêtées par une quarantaine de gendarmes mobilisés pour cette opération de « destruction et de résorption de l’habitat insalubre occupée par des personnes en situation irrégulière sur le territoire » (propos du sous préfet d’Istres).

En ce moment, les hommes interpellés attendent au commissariat de Berre leur transfert au centre de rétention administrative.
Quelques hommes ont échappé à cette arrestation et ont pu témoigner de la violence et du choc : violence avec laquelle les hommes ont été sortis des caravanes, certains auraient été blessés et reçus des coups de pieds ; choc à la vue des bulldozers arrivés sur le terrain en fin de matinée et qui commençaient à détruire une par une les dernières caravanes.

Médecins du Monde effectue depuis janvier 2002 une veille sanitaire auprès des travailleurs agricoles étrangers qui habitent sur un terrain privé de la plaine des Gravons, dénommé le « Gourbi » de Berre.
_ Depuis plus de 20 ans, ce bidonville, abritait une soixantaine de personnes originaires essentiellement de Tunisie et du Maroc, jusqu’à ce que la Préfecture commence à le démanteler en juillet 2007.

Médecins du Monde peut témoigner que les droits fondamentaux des hommes et leurs accès aux soins sont bafoués depuis qu’existe la mission (2003), de même que leur droit à un logement.

Médecins du Monde et les associations partenaires (la CIMADE, la Ligue des Droits de l’Homme et le CODETRAS-Collectif de Défense des Travailleurs Etrangers dans l’Agriculture-) font les constats suivants :

1. La question du travail clandestin des ouvriers agricoles n’est pas abordée. Le choix de l’Etat consiste à disperser les travailleurs sans-papiers en espérant les rendre invisibles, plutôt que de s’attaquer à leurs employeurs, responsables de cette situation.

2. La dispersion en cours des hommes du Gourbi instaure un climat de tensions permanentes parmi les hommes non relogés, sollicités chaque jour pour travailler. Médecins du Monde témoigne de souffrances psychiques et de stress accrus chez ces personnes, conséquences des difficultés d’accès aux soins

dans cet environnement.

Médecins du Monde, la CIMADE, la Ligue des Droits de l’Homme, Osiris et le CODETRAS dénoncent cette réponse coercitive où l’Etat reste aveugle et muet au traitement du problème de fond : celui de l’économie agricole clandestine dans la région.


Contacts sur le terrain :
Christine Larpin : 06 11 56 71 36
Marie-France Négrel : 06 16 97 65 06

Contact presse :
Médecins du Monde – Mission France – Marseille : 04 95 04 56 03



La Marseillaise du 24 juillet 2009

http://www.lamarseillaise.fr/soci-t-quartiers/le-gourbi-de-berre-a-t-radiqu.html

Le gourbi de Berre a été « éradiqué »


Misère. Gendarmes et tracto-pelles de la mairie sont entrés en action.

Le « gourbi » de Berre-l’Etang, un bidonville occupé depuis plus de trente ans par des travailleurs agricoles maghrébins, a été rasé, hier, par les tracto-pelles de la commune. Il s’agit selon les termes commodément utilisés par la préfecture des Bouches-du-Rhône d’une « éradication d’habitat insalubre ». Une quarantaine de gendarmes avaient investi à 6h30 du matin le site sur la plaine des Cravons et ont procédé à l’interpellation de 16 étrangers. Selon la gendarmerie d’Istres, ces 16 personnes ont été placées en garde à vue faute d’avoir pu présenter des papiers d’identité.

« Les arrestations ont été rudes », témoigne Christine Larpin de Médecins du Monde, présente pour une mission de soins et de veille sanitaire. « Ils ont détruit une quinzaine de caravanes. Deux ont été épargnées pour des hommes dont les dossiers sont en cours de régularisation. La serre qui faisait office de mosquée a été détruite. Le but de la sous-préfecture, c’est qu’on ne les voit plus. Or, cela ne règle pas la problématique migratoire. Prendre l’histoire de l’habitat insalubre est un faux prétexte. Toutes les pathologies que je vois ici sont liées au travail dans les serres, allergies aux mains, asthme, etc. Ce soir, ils n’ont rien pour dormir. Nous dénonçons cette violation des droits fondamentaux des personnes : pour détruire un habitat insalubre, on détruit un abri et ils n’ont pas d’autre solution », proteste le médecin.

Mensonge et faux prétexte

Médecins du Monde, la Ligue des Droits de l’homme et le Codetras craignaient la mise à exécution de l’ « éradication » du gourbi annoncée le mois dernier par le sous-préfet d’Istres, Roger Reuter. Interrogé, le cabinet du maire de Berre-l’Etang niait dans un premier temps avoir prêté des engins communaux pour l’opération. Un vilain mensonge qu’il finissait par reconnaître, alléguant alors avoir agi sur « réquisition de l’Etat ».

Quoiqu’il en soit, une quarantaine de personnes originaires essentiellement de Tunisie et du Maroc, vivaient encore dans ces caravanes sur un terrain privé de la plaine des Cravons. Ces dernières années, les pouvoirs publics avaient tenté de solutionner le problème par des interventions policières couplées à des reconduites à la frontière et des procédures judiciaires frappées d’illégalité (le propriétaire du terrain avait même été poursuivi pour construction sans permis).

Quelques poignées de régularisations de sans papiers avaient été arrachées aux autorités qui se gardaient bien d’aborder la question du travail clandestin, l’Etat préférant voir cette main d’œuvre exploitée se disperser dans l’espace. Pourtant selon Médecins du Monde, « ceux qui sont là depuis plus de dix ans n’ont pas obtenu la régularisation prévue par la loi française. Ils n’ont pas accès à une couverture maladie, car leur droit à l’aide médicale d’Etat ne peut être appliqué, la mairie de Berre leur refusant leur domiciliation. »

Même condamnation pour Louis Roux de la CFDT des salariés agricoles. « Pendant des années, il y a eu des négociations pour leur relogement avec les mairies avoisinantes. Il y a toujours eu des promesses et jamais de réalisations. », réagit le syndicaliste. D’ajouter « Personne ne veut rien faire. Les agriculteurs font les scandalisés mais ce sont les mêmes qui emploient cette main d’œuvre marginalisée à 5 ou 6 euros de l’heure sans les déclarer. Depuis les années 70, le problème se déplace de fermes squattées en campements d’infortune. »

DAVID COQUILLE

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