Une tribune pour les luttes

COMMUNIQUE LDH - RESF Délinquants de la solidarité du 22 juillet 2009

Le délit de solidarité existe (n’en déplaise au ministre Besson) !

08.09.09 Claudine LOUIS est relaxée !

Article mis en ligne le mardi 8 septembre 2009

Le tribunal correctionnel de Foix a relaxé aujourd’hui Claudine Louis, une commerçante Ariégeoise de 58 ans, accusée d’avoir illégalement hébergé et subvenu aux besoins d’un jeune afghan sur fondement de l’article 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, qui punit de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende l’aide au séjour irrégulier d’un étranger en France..

Le tribunal a considéré qu’au regard de «  la situation de danger dans laquelle se trouvait ce jeune SDF sans protection ni ressources, elle a agi face aux carences des pouvoirs publics et a dû faire face à la complexité des rouages administratifs  ».

Il a estimé que « Claudine Louis a accompli un acte nécessaire à la sauvegarde d’Obaïdullah Samadi » en le retirant « d’une situation où sa santé, sa sécurité ou sa moralité étaient en danger ».

Dans son délibéré, le tribunal met aussi en cause l’État : « Madame Louis ayant pris conscience du danger qu’il encourait n’a eu face à la carence des pouvoirs publics d’autre alternative pour le protéger que d’accomplir un acte nécessaire à sa sauvegarde en l’espèce de le retirer et de l’accueillir à son domicile dans l’attente d’une prise en charge par les autorités sanitaires et sociales
[…] si cet accueil à son domicile s’est prolongé, c’est uniquement en raison de la complexité des rouages administratifs à laquelle elle s’est trouvée confrontée
 ».

Claudine Louis s’est déclarée satisfaite de la décision et a salué "une jurisprudence qui ne condamne pas des gens qui aident des mineurs en danger".

Désormais, le jeune Afghan va pouvoir retourner voir Claudine Louis, chez elle, à Saint-Girons. Ce qui lui était interdit pour l’instant. « J’allais le voir dans son foyer à Pamiers, mais ce n’était pas pareil. Il commençait à trouver le temps long », assure-t-elle.

Aujourd’hui, tout deux ont des projets. « Nous allons le faire scolariser et lui trouver une formation professionnelle. Ensuite, nous lui demanderons une carte de séjour ».


Compte-rendu du procès de Claudine Louis au tribunal de Foix le 21 juillet 2009
décision au 8 septembre..

« COUPABLE DE SOLIDARITE, COUPABLE D’HUMANITE »

Mardi 21 juillet 2009. Tribunal correctionnel de Foix, Ariège,

Comparution de Claudine LOUIS,
mise en examen pour aide à un étranger en situation irrégulière.

La salle du tribunal est trop petite, la moitié des personnes accourues pour assister à un procès dont les enjeux sont de taille est restée dehors. 120 personnes, venues de l’Ariège, de Toulouse et de l’Aude, Ligue des Droits de l’Homme, RESF, citoyens, pour soutenir Claudine Louis, de Saint-Girons, mise en examen par le Procureur de la République de Foix pour avoir accueilli un jeune Afghan mineur, Obaïdullah Samari.
Il avait à peine 16 ans quand elle l’a rencontré à l’automne 2008 à Paris dans un groupe de réfugiés Afghans. Le père d’Obaïdullah a été tué par les talibans. L’adolescent est arrivé sur le territoire français de façon irrégulière. Il accepte son aide et elle l’accueille chez elle à Saint Girons. Pendant 4 mois, elle l’entretient, le soigne. Elle l’a inscrit à un cours de français, qu’elle complète, (elle parle sa langue pour avoir voyagé en Afghanistan dont elle connaît la tragédie), et bien sûr s’est engagée dans les démarches qui devraient donner une existence légale au jeune et lui permettre d’envisager son avenir en France. A ses yeux, il est essentiel qu’il soit régularisé avant ses 18 ans.

Dossier mince. Le Président du Tribunal ne semble pas y croire et se montre très compréhensif. Claudine Louis raconte son périple administratif , les informations incomplètes ou erronées, voire contradictoires, les difficultés de la LDH, AI, CIMADE à traiter ces informations en regard des textes officiels…, un recommandé au Procureur jamais parvenu à destination et donc resté sans réponse, le fax qui a suivi en remplacement... Et comment elle a été finalement soupçonnée d’avoir « laissé » le jeune qu’elle prétendait protéger à la Préfecture le jour où celui-ci devait être entendu une fois de plus alors qu’elle attendait désespérément la réponse du Procureur, ayant fait tout ce qui lui avait été demandé.

Le réquisitoire du Procureur consiste à dire que Claudine Louis n’a pas fait le nécessaire pour qu’Obaïdullah soit placé sous la tutelle d’un administrateur comme il se devait avec prise en charge par le Conseil général, obnubilée qu’elle était par l’obtention d’une régularisation impossible à obtenir avant 18 ans. Et qu’en outre, l’abandon de mineurs entrés irrégulièrement sur le territoire français aux marches des préfectures et tribunaux, n’est pas chose rare pour les trafiquants. (Le témoignage du policier appelé à la barre concernant cet « abandon » sera beaucoup moins affirmatif que l’interprétation qu’en tire le Procureur en arguant de difficultés entre Claudine Louis et l’adolescent). Le procureur démontre le bien-fondé du CESEDA en matière de lutte contre la traite des mineurs. Il écarte toutefois toute allégation de mauvaise intention de la part de Claudine Louis. Il conclue dans l’appel d’une condamnation sans exécution de peine.

La défense plaide à partir du CESEDA en argumentant qu’il faut distinguer l’entrée irrégulière d’un mineur sur le territoire, de sa présence sur le territoire, qui ne peut être qualifié de délit passible d’expulsion, réservée aux personnes majeures. En conséquence, le délit d’aide à un étranger en situation irrégulière (CESEDA art. L.622.1) pour lequel sa cliente est mise en examen n’est pas constitué en raison de l’âge du jeune qu’elle a secouru. L’avocat relève les incohérences de l’administration et souligne le paradoxe qui consiste à les mettre à charge de sa cliente. Il souligne la conformité de la démarche de Claudine Louis avec la loi « dans l’intérêt supérieur » du mineur », Art. 3.1 de la Charte des Droits de l’enfant, ainsi qu’avec l’article 122.7 du Code pénal en matière d’assistance à personne en danger. Il demande la relaxe.


Sentence le 8 septembre 2009

Claudine sort du tribunal sous les ovations, les applaudissements et un ban sous les platanes de la cour du tribunal de tous ceux qui sont venus la soutenir.

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http://www.educationsansfrontieres.org/article20657.html


Par LDH

Il y avait foule au pied du château de Foix, devant le Tribunal de Grande Instance ce mardi 21 juillet. Sous le regard curieux de quelques touristes cherchant un peu de fraîcheur dans l’ombre de la vieille ville, des militants ariégeois, et au-delà de toute la région étaient venu manifester leur solidarité à Claudine Louis.

Elle est accusée d’avoir contrevenu à l’article 622-1 du code CESEDA pour avoir secouru, hébergé, soigné et accompagné un jeune d’origine afghane, et aux yeux du Procureur (et de la préfecture de l’Ariège, on s’en doute…) aidé ce faisant au « séjour irrégulier d’un étranger en France », tout cela pouvant se solder par une peine de 5 ans d’emprisonnement et 30 000 €. ! Affaire curieuse quand on sait qu’un mineur n’a pas à détenir de titre de séjour …

Cette audience, significativement programmée un 21 juillet, au cœur de la période estivale devait certainement être l’occasion d’intimider du militant, tout cela dans la discrétion vacancière… Raté !

Raté, parce que les soutiens à Claudine Louis n’ont pas désarmé, loin de là, et qu’il y avait donc beaucoup de monde et pas mal de médias. Raté également car cette audience a démontré que les victimes potentielles de cet article 622-1 et de la chasse aux « aidants » à laquelle se livrent avec zèle les préfectures, malgré les dénis mensongers du ministre Besson, sont des citoyennes et des citoyens mobilisés par de « simples » raisons humanitaires devant le sort inqualifiable réservé aux sans papiers, loin de la figure du militant retors et chevronné que stigmatisent ces même chasseurs.

De l’audience elle-même que dire ? Un premier dialogue entre le Président et Claudine Louis qui d’emblée remet les choses à leur place, celle de l’engagement humain et de la volonté de sortir un adolescent du danger qui le guette, refusant la stratégie perverse des pouvoirs publics consistant à attendre, en faisant traîner les choses jusqu’à la majorité de ce jeune homme pour pouvoir le reconduire à la frontière.

Un témoignage policier dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a rien apporté de lumineux aux débats. Une intervention laborieuse d’un Procureur aux arguments juridiques incertains, au raisonnement quelque peu erratique, visiblement mal à l’aise de devoir jouer un rôle en l’espèce peu gratifiant. Il requerra au final une condamnation sans peine, signe de l’inanité de cette affaire, mais décision qui pourrait être redoutable car elle persiste à faire fonctionner le délit de solidarité tout en laissant la peine au bon – et mauvais vouloir – de la justice, et du choix d’engager ou non les poursuites !

La plaidoirie de l’avocat de la défense, enfin, claire et relevant les multiples contradictions de l’affaire, à la conclusion évidente : demande de relaxe.

En délibéré, décision au 8 septembre.

D’ici là, et bien sur après, partout et toujours, soutien aux « aidants », révision du CESEDA et abolition du délit de solidarité !

La Ligue des Droits de l’Homme

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