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La prison à la maison ? quelques notes sur le contrôle judiciaire...

Article mis en ligne le jeudi 23 juillet 2009

Le contrôle judiciaire a été créé en 1970. Présenté à l’époque comme une
alternative à la détention provisoire, il permet au juge de garder une
personne sous la main de la justice en attente du procès sans pour autant
remplir les prisons.
Souvent présenté comme une façon d’échapper à la
prison, il permet à l’État d’avoir le contrôle sur une personne suspectée.
En ce sens, il constitue une autre forme de sanction, qui vient s’ajouter
à l’incarcération et étend les possibilités de la justice pour contrôler
et punir.
En fait, le contrôle judiciaire s’ajoute doublement à la
prison : d’abord parce que, de fait, les prisons sont toujours aussi
pleines, on n’envoie pas moins de gens en prison, ensuite parce que la
période passée sous contrôle judiciaire n’est pas comptabilisée dans la
condamnation (contrairement à la détention provisoire), elle s’ajoute à la
période d’incarcération.

Concrètement, le juge choisit parmi un panel de règles et d’obligations :
pointages réguliers dans un commissariat (de une fois par mois à une fois
par jour), suivi social (obligation de travailler ou de rechercher un
emploi), interdiction de se rendre dans certaines parties du territoire,
interdiction de voir certaines personnes, restrictions d’horaires,
interdiction de quitter son domicile, obligation de soin, interdiction de
se déplacer hors du cadre autorisé sans l’avis du juge d’instruction…
Toutes ses règles personnalisées multiplient les raisons d’être incarcéré
(ou réincarcéré) car ne pas les respecter peut être puni de plusieurs mois
de prison. Elles sont des contraintes qui agissent sur le quotidien : une
partie assure « l’insertion sociale », l’autre la surveillance pure et
simple.

Les dispositifs voués à la mise au travail et au contrôle se développent
sur toute la population.

La fonction sociale de la prison est de gérer la misère et d’être un
repoussoir pour tous afin d’accepter l’exploitation. Sous couvert
d’objectifs d’insertion, le suivi social ressemble bien souvent à une mise
au travail forcée. Ainsi, les dispositifs du contrôle judiciaire sont
similaires à ceux du contrôle des chômeurs, où le moindre faux pas peut
être suivi d’une suppression d’Assedic ou autres allocations. Ce sont
autant de rendez-vous qui rappellent à l’ordre et contraignent à accepter
n’importe quel boulot. Bien déçu celui qui pense y trouver une activité
épanouissante, il n’y trouvera que travail de merde et discipline.

Le contrôle judiciaire est toujours un contrôle des déplacements et des
fréquentations, dans une dépendance permanente aux instances judiciaires.
Les projets personnels sont, dès lors, placés sous leur surveillance et
soumis à leur accord. Ainsi, dans beaucoup d’affaires, des proches sont
considérés comme des complices et il est interdit de les rencontrer, ce
qui a pour conséquence d’isoler et de briser les liens. Parfois même, le
contrôle judiciaire interdit de se rendre dans le territoire de son lieu
d’habitation.
Cette surveillance est facilitée et renforcée par un maillage policier
resserré sur tout le territoire. L’ensemble de la population est
régulièrement contrôlé : la vidéosurveillance se développe encore, jusque
dans les rames de métro et les halls d’immeuble, les téléphones portables
permettent de suivre à la trace et de connaître le carnet d’adresse ; dans
les transports en commun la puce du « pass navigo » permet d’obtenir des
informations sur l’identité, les droits sociaux, les stations empruntées ;
sur les routes la sécurité routière est un bon prétexte aux contrôles ;
dans les rues les contrôles au faciès vont bon train. Les contrôles de
douane ne se font plus seulement aux frontières mais sur tout le
territoire. Les frontières se matérialisent à chaque contrôle de papier au
travers duquel certains passent et d’autre non.

En prison, les interdictions et l’absence de liberté sont palpables à
chaque instant à travers les murs et les barreaux. Avec le contrôle
judiciaire, chacun est sommé d’intérioriser les interdits et les
obligations. A l’instar de bien d’autres aspects de notre société au
premier rang desquels le salariat, le contrôle judiciaire participe de
cette intériorisation de la résignation, de cette auto-discipline qui doit
faire accepter à chacun de rester à sa place et de ne pas faire de vagues.
Ceci a pour objectif de neutraliser toute volonté d’émancipation et de
révolte face au fonctionnement de cette société. Les assignations à
résidence et les interdictions de rencontrer des proches favorisent
l’isolement, le repli sur soi et la limitation des déplacements au trajet
domicile/travail, ce qui représente pour le pouvoir le mode de vie idéal
pour contrôler et gérer la population.

Comme face à toute mesure visant à soumettre et à contrôler chacun, que ce
soit dans les transports, au travail ou à la CAF, il existe de multiples
formes de résistances et de contournements des mesures du contrôle
judiciaire. Toutes sortes d’arrangements, de magouilles et d’esquives
permettent de ne pas se soumettre en permanence, de continuer à vivre et
donnent pleins de raisons de ne pas se résigner. Dans chaque procédé de
contrôle, il y a toujours des failles et ce n’est pas l’accumulation de
ces mesures coercitives qui entameront la détermination à lutter pour une
société libérée de l’exploitation et de l’enfermement.

Lien direct brochure (pdf de 8 pages) à télécharger,imprimer et faire
tourner...https://nantes.indymedia.org/attachments/jul2009/brochure.pdf

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