Une tribune pour les luttes

" Encenser la "valeur travail", humilier les travailleurs".

Article mis en ligne le lundi 27 juillet 2009

http://www.collectif-rto.org/spip.php?article794

dimanche 26 juillet 2009 par Réseau Solidaire d’Allocataires

Mr E. n’avait jamais été au chômage jusqu’ici : père de cinq enfants, il a enchaîné sans interruption des emplois en cuisine et dans la confection, pendant des années.

Et puis la soi-disant crise : d’ouvrier mal payé dans les secteurs en tension, on se retrouve chômeur.

Oubliées toutes les années cotisées, l’assurance chômage est une aumône, un cadeau qu’il faudrait mériter.

Chercher du boulot, Mr E . ne fait que ça, de la manière la plus simple qui soit : se présenter chez les patrons.

Difficile de comprendre la logique Pôle Emploi quand on ne l’a jamais connue : aussi, quand le conseiller propose, après deux mois de chômage une orientation sur une association privée d’aide au retour à l’emploi, Mr E. s’imagine trouver un endroit avec d’autres offres d’emploi que celles de l’ANPE. Il accepte.

Convoqué à son premier rendez-vous dans une banlieue déserte qu’il ne connaît pas, il se perd et arrive trop tard. Il ne s’imagine pas que ce simple incident est en lui-même passible de radiation, et le classe immédiatement dans les suspects de Pôle Emploi, sur le fil du rasoir.

Le voilà contraint de se justifier par écrit. Pour une obscure raison, on ne lui donne pas un second rendez-vous vers cette structure mais on l’oriente vers une autre association d’insertion. Il s’y rend, mais à sa grande surprise, il se rend compte qu’il n’y a pas spécialement d’offres d’emploi accessible dans cette association, mais qu’il s’agit d’ «  ateliers », de « formation à la recherche d’emploi ».

Pour Monsieur E., les choses paraissent simples : chercher du boulot, il sait faire, mais c’est en décrocher un qui est complexe.

La dernière offre à laquelle il a répondu était un emploi de cuisinier dans une chaîne d’hôtel : il s’est rendu sur place le lendemain de la diffusion de l’annonce par Pôle Emploi, il y avait déjà des dizaines de candidats devant lui.

Alors Monsieur E., en toute logique ne voit pas l’intérêt de cette association.


Radiation de quinze jours pour refus d’action d’insertion.

A laquelle s’ajoute une radiation de deux mois, car Mr T a mal effectué son pointage mensuel.

On ne parle plus de précarité ou de faibles revenus, nous n’en sommes plus aux « travailleurs pauvres », ces derniers temps mais à la misère noire.

Cet été, la plupart d’entre nous luttent l’estomac vide, ont renoncé au repas de midi, reste le mauvais café. Forcément les revendications deviennent plus directes ; plus la force de supporter d’interminables discours de la direction sur les torts de chacun, les problèmes de courrier, et autres dysfonctionnements soi-disant exceptionnels.

La directrice de l’agence de Créteil n’est en elle-même pas impolie ou agressive.


Mais voilà, nous ne voulons même pas entendre parler de « devoirs » , de « démarches mal faites », de « réexamen détaillé du dossier ».

Monsieur E. est ouvrier. Les boulots les plus durs, il les a faits ; maintenant il n’y en a plus, alors on lui verse les allocations , sans interruption, ni harcèlement, point barre.

Et ni Mr T., ni les allocataires qui l’accompagnent ne se privent de vider leur sac, sur les actions d’insertion bidon, sur les opérateurs privés qui s’en mettent plein les poches, sur les radiations qui pleuvent sans arrêt.

La directrice inscrit rétroactivement et annule les radiations, très rapidement.

Mais voilà, l’expression de la colère se diffuse : une autre chômeuse vient exiger elle aussi une réinscription. Depuis deux mois, elle appelle le 39 49 pour s’entendre répondre que sa réinscription est validée, qu’elle va recevoir un courrier et celui-ci n’arrive jamais. Elle n’a jamais compris pourquoi son dernier pointage n’a pas été pris en compte.

Son dossier est vide, dit l’ordinateur de la machine à précariser, et la directrice semble trouver que ses déclarations sont sujettes à caution.

Mais voilà, une précaire qui vient d’arriver, intérimaire , prend sa défense : elle a été désinscrite d’office le mois dernier parce qu’elle avait déclaré une mission à temps plein, et c’est la deuxième fois qu’on lui fait le coup depuis la fusion ANPE-ASSEDIC, bien qu’elle en ait longuement parlé avec son conseiller.

La directrice rétablit alors la première allocataire dans ses droits.

A la sortie, pas les moyens d’aller fêter tout ça au resto, évidemment, mais tout le monde se sent mieux.

La précaire en intérim nous fait tous bien rire en nous demandant si on est une colonie de vacances de chômeurs, et si on organise des visites guidées des Pôle Emploi d’Ile de France tout l’été.

Et c’est vrai qu’au bord de cette avenue ultra polluée, dans cette zone de bureaux étouffante et moche, nous nous sentons quand même presque en congés, après cette expression collective de notre ras-le-bol.

En congé des petites humiliations quotidiennes, de ce cauchemar toujours recommencé des démarches qu’il faut trouver la force de faire seul, alors qu’elles ne servent plus à rien.

En congé de l’angoisse permanente qui étreint les précaires isolés, les assaille le matin dès que la conscience du frigo vide et celle des administrations à affronter revient.


Nous savons qu’à plusieurs, tout sera moins compliqué.

Via Actuchomage

http://www.actuchomage.org/Mobilisa...

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Vos commentaires

  • Le 28 juillet 2009 à 09:33 En réponse à : Enrayons la machine à précariser,

    Campagne en cours : mettons en crise Pôle emploi

    Comme chacun sait, la France et l’Europe sont maintenant officiellement, et depuis près d’un an, en récession. Voilà que « la Crise » qu’économistes et politiciens arborent depuis vingt cinq ans pour justifier les plans de rigueur, le creusement des inégalités et le développement de la précarité, entre dans une nouvelle phase. Plus de 600 000 nouveaux chômeurs en un an, le « remerciement » de presque tous les intérimaires des grandes entreprises, des centaines de milliers de salariés au chômage technique, une succession ininterrompue de « plans sociaux », la raréfaction des offres d’emploi : ils seront bientôt bien peu ceux qui pourront se croire à l’abri de la précarité.

    La suite :

    Rien ne sert de courir, il faut tout remettre à plat ! Chômeur(euses), précaires, entrons en résistance !

  • Le 28 juillet 2009 à 09:35 En réponse à : Dette

    Notes de travail ; fragments de discussions réelles ou virtuelles

    Ne plus payer

    La campagne proposée autour de ce thème est à la fois le prolongement et l’inversion des luttes centrées sur la revendication du revenu garanti. Pour comprendre cela, il faut se souvenir que dans les années 1960, ce qui était porté comme mot d’ordre par les militants de Potere operaio était « salaire politique ». Ce qui voulait dire : un salaire égal pour tous, et comme tel radicalement déconnecté de la productivité. Un salaire, donc, qui ne serait pas calculé à partir des nécessités du développement du capital. On parlait alors de « luttes contre le développement ».

    la suite

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