Une tribune pour les luttes

Michel Warschawski : une réponse à Uri Avnery + Communiqué de l’AFPS du 9 octobre 2009

Oui au Boycott, au Désinvestissement, aux Sanctions (BDS) contre Israël

Marseille Rassemblement Campagne BDS, Boycott - Désinvestissement - Sanction samedi 10 octobre 2009 14 h angle Canebière-Belsunce.

Article mis en ligne le vendredi 9 octobre 2009

Oui au Boycott, au Désinvestissement, aux Sanctions (BDS) contre Israël
 : une réponse à Uri Avnery

parMichel Warschawski

L’appel pour le « BDS » - Boycott, Désinvestissement, Sanctions – a finalement atteint l’opinion publique israélienne. La décision de la Norvège de retirer ses fonds des sociétés israéliennes impliquées dans la construction des colonies a fait la différence, et a représenté le premier grand succès de cette campagne importante. Après avoir ignoré la campagne pour le BDS pendant plusieurs années, Uri Avnery s’est finalement senti obligé de réagir, à deux reprises, dans son blog. Comme Uri, je réagis rarement aux opinions des autres dans mon propre blog, comme il le dit avec délicatesse : « je ne veux pas imposer mes vues, je veux juste apporter des éléments pour la réflexion, et je laisse le lecteur se former sa propre opinion ». Certains arguments mis en avant par Avnery, cependant, requièrent une réponse, car ils peuvent égarer ses lecteurs.

En dépit du fait que j’ai parfois des désaccords avec Avnery – quoique beaucoup moins que dans le passé - j’ai un grand respect pour l’homme, pour le journaliste, pour le militant, pour le commentateur politique, et depuis la banqueroute de « la Paix Maintenant » au cours du « processus d’Oslo, nous avons souvent milité ensemble côte à côte, et j’oserais dire que nous sommes devenus amis. C’est pourquoi je me sens obligé de réagir à sa critique de la campagne BDS.

Laissez moi commencer par une évidence, que je considère comme étant un faux débat. « La haine est mauvaise conseillère », écrit Uri, et je serai le dernier à le contredire Je sais d’ailleurs aussi qu’il sera d’accord avec moi si j’ajoute que dans notre contexte politique la haine est cependant compréhensible.

« Israël n’est pas l’Afrique du Sud
 », dit Uri. Bien sûr qu’elle ne l’est pas, et chaque réalité concrète a ses spécificités. Néanmoins, ces deux pays ont quelques similitudes : les deux sont des Etats racistes avec des (espèces différentes de) systèmes d’apartheid (au sens littéral, le sens d’apartheid est «  séparation structurelle »). Les deux pays sont établis comme des « Etats européens » dans un environnement national/ethnique composé de non-Européens, qui sont, à juste titre, considérés comme un environnement hostile. Nous devons également admettre – et c’est déjà un point plus important – que dans l’objectif d’obtenir des résultats substantiels dans notre combat, nous avons besoin de construire une dynamique unitaire incluant la résistance nationale palestinienne, les forces israéliennes hostiles à l’occupation, et le mouvement de solidarité internationale. Il y a dix ans, j’avais appelé cela « le triangle gagnant ».

Nous avons en effet beaucoup de choses en commun avec Uri, jusqu’à ce qu’intervienne la question de sa mauvaise appréciation de ses opposants politiques. Dans son article discutant l’article de Neve Gordon dans LA Times, écrit : « Neve Gordon et ses partenaires dans le BDS ont perdu espoir dans les Israéliens ». Si c’était vrai, pourquoi Neve, moi-même et beaucoup d’autres Israéliens militants du BDS consacrent-ils autant de temps à construire, avec Uri Avnery, un mouvement israélien contre la guerre, l’occupation et la colonisation ? La vraie question n’est pas « faut-il changer la société israélienne », mais comment et pourquoi.

L’objectif politique de Uri Avnery, dit-il, est « une paix entre Israéliens et Palestiniens », c’est -à-dire un compromis qui puisse satisfaire la majorité des deux communautés, sur une base symétrique (dans un autre article important, il l’a appelé « Vérité contre Vérité »). Une telle symétrie est le résultat d’une autre présupposé d’Avnery : le conflit en Palestine est un conflit entre deux mouvements nationaux d’égale légitimité.

Neve et beaucoup de ceux qui soutiennent la campagne BDS sont en désaccord avec ces deux points de vue : notre objectif n’est pas la paix pour la paix, parce que la paix en elle-même ne signifie rien (pratiquement chaque guerre dans l’histoire moderne a été déclenchée sous le prétexte de réaliser la paix). La paix est toujours le résultat d’un rapport de forces dans lequel un camp ne peut imposer à l’autre tout ce qu’il considère comme ses droits légitimes.

Contrairement à Uri, notre but est l’épanouissement de certaines valeurs, comme les droits fondamentaux individuels et collectifs, la fin de la domination et de l’oppression, la décolonisation, l’égalité, et le plus de justice possible. Dans un tel cadre,, nous pouvons manifestement soutenir des «  initiatives de paix » qui peuvent réduire le niveau de violence et/ou obtenir un certain niveau de droits. Dans notre stratégie, cependant, ce soutien à des initiatives de paix n’est pas le but en soi, mais seulement le moyen de progresser vers la réalisation des valeurs et des droits mentionnés plus haut.

Cette différence entre «  paix » et « justice » est à mettre en relation avec la divergence concernant la deuxième hypothèse d’Uri Avnery : la symétrie entre deux mouvements nationaux et deux aspirations également légitimes.

Pour nous, le Sionisme n’est pas un mouvement de libération nationale, mais un mouvement colonialiste, et l’Etat d’Israël est et a toujours été un Etat colonial. La paix, ou, mieux, la justice, ne peuvent être réalisées sans une totale décolonisation (on peut dire dé-sionisation) de l’Etat d’Israël : c’est une pré- condition pour la réalisation des droits légitimes des Palestiniens – qu’il s’agisse des réfugiés, des résidents de Cisjordanie et de Gaza vivant sous occupation militaire ou des citoyens palestiniens de seconde classe en Israël. Que le résultat final de cette décolonisation soit une solution « à un Etat », la constitution de deux Etats démocratiques (c’est-à-dire pas un « Etat juif »), une fédération, ou tout autre système institutionnel, est secondaire, et devra en définitive être décidé, le cas échéant, dans le combat lui-même et en fonction du niveau de participation des Israéliens.

En ce sens, Uri Avnery a tort quand il établit que nos divergences portent sur « un Etat » ou « deux Etats ». Comme je l’ai expliqué, la divergence est sur les droits, sur la décolonisation, et le principe d’égalité complète. La forme que cela prendra, à mon avis, n’est pas la question, pour autant que nous parlions bien d’une solution dans laquelle les deux peuples vivent en liberté (c’est-à-dire sans relations de type colonial) et dans l’égalité.

Une autre divergence importante avec Uri Avnery concerne la dialectique entre le calendrier du mouvement de libération nationale palestinien et le rôle du soi-disant camp de la paix israélien. S’il est évident que le mouvement national palestinien a besoin du plus grand nombre possible d’alliés Israéliens pour obtenir sa libération aussi vite que possible avec le moins de souffrances possible, on ne peut pas espérer du mouvement palestinien qu’il attende que Uri, Neve et les autres anticolonialistes israéliens aient convaincu la majorité de l’opinion israélienne. Pour deux raisons : premièrement parce que les mouvements populaires nationaux n’attendent pas pour combattre l’oppression et le colonialisme ; et deuxièmement parce que l’Histoire nous a appris que les changements à l’intérieur d’une société coloniale ont toujours été le résultat du combat pour la libération, et non l’inverse : quand le prix de l’occupation devient trop élevé, de plus en plus de gens comprennent que ça ne vaut pas le coup de continuer.

Oui, il y a besoin d’une main tendue pour la coexistence, mais ensemble avec une main de fer pour se battre pour les droits et la liberté. La faillite du processus d’Oslo confirme une vieille leçon de l’Histoire : toute tentative de réconciliation avant la réalisation des droits renforce le maintien de la relation de domination coloniale. Sans un prix à payer, pourquoi les Israéliens voudraient-ils mettre fin à la colonisation, pourquoi risqueraient-ils une crise intérieure profonde ?

C’est pourquoi la campagne BDS est si pertinente : elle offre un cadre international pour agir dans le but d’aider le peuple palestinien à obtenir ses droits légitimes, à la fois au niveau institutionnel (les Etats et les institutions internationales) et au niveau de la société civile. D’un côté elle s’adresse à la communauté internationale, lui demandant de sanctionner un Etat qui viole systématiquement la loi internationale, les conventions de Genève, et les différents accords signés ; de l’autre elle appelle la société civile à l’échelle mondiale à agir, aussi bien comme individus que comme mouvements sociaux (syndicats, partis, conseils municipaux, associations, etc) pour boycotter les biens, les personnalités officielles, les institutions, etc. qui représentent l’Etat colonial israélien.

Les deux tâches (boycott et sanctions) seront finalement une pression sur le peuple israélien, les poussant à comprendre que l’occupation et la colonisation ont un prix, que la violation des règles du droit international fera tôt ou tard de l’Etat d’Israël un pays infréquentable, non admis dans la communauté des nations civilisées. Exactement comme l’Afrique du Sud dans les dernières décennies de l’apartheid. En ce sens, et contrairement à ce que dit Uri, le BDS s’adresse au public israélien, et, dès maintenant, est la seule façon de provoquer un changement dans l’attitude des Israéliens vis-à-vis de l’occupation/colonisation. Si on compare cette campagne BDS à la campagne de boycott anti-apartheid qui a pris 20 ans pour commencer à porter ses fruits, on ne peut qu’être surpris de l’efficacité déjà acquise par la campagne BDS contre Israël, et dont en Israël même nous sommes témoins des premiers effets.

La campagne BDS a été lancée par une large coalition de mouvements politiques et sociaux palestiniens. Aucun Israélien qui affirme soutenir les droits du peuple palestinien ne peut décemment tourner le dos à cette campagne : après avoir affirmé pendant des années que « la lutte armée n’est pas le bon choix », ce serait un comble que les mêmes militants israéliens veuillent disqualifier cette stratégie du BDS. Au contraire, nous devons tous ensemble rejoindre la campagne « Boycott de l’intérieur » (« Boycott from Within ») dans le but d’apporter un soutien israélien à cette initiative palestinienne. C’est le minimum que nous pouvons faire, et c’est le minimum que nous devons faire.

8 octobre 2009 (traduction Serge Evou)


Le Collectif National pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens soutient l’appel à des sanctions contre Israël jusqu’à ce qu’il applique le droit international et les principes universels des droits de l’Homme.

Le Collectif National pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens s’est attaché depuis sa fondation à organiser les mobilisations unitaires pour le respect du droit international et en solidarité avec le peuple palestinien, relayant en France les voix des acteurs engagés pour la paix et la justice.

Notre collectif s’est ainsi engagé dans la campagne palestinienne contre le Mur d’annexion israélien et pour la suspension des accords d’association Union Européenne / Israël.

Quatre ans après l’avis de la Cour Internationale de Justice qui proclame l’illégalité du Mur et de la colonisation, force est de constater que nos gouvernements n’ont pas pris les mesures nécessaires pour contraindre l’Etat d’Israël à se plier au droit international. En refusant de reconnaître le droit à un Etat pour le peuple palestinien et en accentuant la colonisation de territoires illégalement occupés, en construisant un mur au delà de la ligne verte reconnue internationalement, avec pour effet d’annexer de nouveaux territoires appartenant à la Palestine, en maintenant les entraves qui limitent gravement le droit de circulation des Palestiniens, en refusant de reconnaître le droit au retour des réfugiés palestiniens, en discriminant gravement les droits démocratiques des citoyens palestiniens d’Israël, en interdisant tout développement économique, en se rendant coupable à Gaza de crimes de guerre contre toute une population civile, déjà assiégée, appauvrie, et affamée depuis des mois par un blocus illégal, Israël s’enfonce toujours plus avant dans le déni de tous droits au peuple palestinien, en toute impunité.

C’est pourquoi le Collectif National pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, comme de nombreuses organisations à travers le monde, soutient la demande de la société civile et politique palestinienne pour que des sanctions soient appliquées à Israël, dans le cadre de l’initiative non-violente Boycott, Désinvestissement, Sanctions, jusqu’à ce qu’il respecte le droit international et les principes universels des droits de l’Homme.

Le Collectif National pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens s’engage à intensifier ses efforts pour relayer l’initiative prise par la société civile palestinienne et lui donner une traduction concrète dans ses actions. Le Collectif National appelle toutes les organisations engagées pour le respect du Droit international et la paix à rejoindre et à relayer ses revendications, tant que le droit international est bafoué :

- Boycott des produits israéliens car ils ne respectent pas les normes de traçabilité permettant de distinguer les produits en provenance des colonies illégales d’Israël dans les territoires palestiniens occupés.

- Désinvestissements des entreprises étrangères tirant profit de l’occupation et de la colonisation.

- Sanctions contre Israël, et en particulier suspension des accords d’association UE / Israël tant que les droits de l’Homme sont bafoués, arrêt de la coopération militaire France / Israël, embargo sur les ventes d’armes à Israël.

Le Collectif National appelle toutes les organisations à mener des campagnes de mobilisation pédagogiques conservant un caractère citoyen et non violent.

Premiers signataires :

- Agir contre le Colonialisme Aujourd’hui
- Alliance For Freedom And Dignity –France (AFD-France),
- Association des travailleurs maghrébins de France ( ATMF)
- Association des Tunisiens en France (ATF)
- Association France Palestine Solidarité (AFPS)
- Association nationale des élus communistes et républicains (ANECR)
- Association pour les jumelages entre les camps de réfugies palestiniens et les villes françaises (A.J.P.F.)
- Association républicaine des anciens Combattants
- Campagne Civile de Protection du Peuple Palestinien (CCIPPP)
- CICUP
- CPPI Saint-Denis (Collectif Paix Palestine Israël)
- Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Paix
- Droit-Solidarité
- Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux Rives (FTCR)
- Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique (FASE)
- Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
- Génération Palestine (GP)
- GUPS - Union Générale des Etudiants de Palestine
- La Courneuve-Palestine
- Le Collectif Judéo Arabe et Citoyen pour la Paix (PAOR)
- Les Alternatifs
- Les femmes en Noir
- Les Verts
- Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
- Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP)
- Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)
- Organisation de Femmes Egalité
- Parti Communiste Français (PCF)
- PCOF
- Solidarité Palestine 18°
- Union des Travailleurs Immigres Tunisiens (UTIT)
- Union Juive Française Pour la Paix (UJFP)
- Union syndicale Solidaires ...

Publié le mardi 15 septembre 2009

Association France Palestine Solidarité
http://www.france-palestine.org


BDS à Montmartre !

Communiqué de l’AFPS - Paris, le 9 octobre 2009

La campagne pour le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) contre la politique d’Israël, menée par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, vient de remporter un nouveau succès.

L’Association France Palestine Solidarité avait appris la participation à la Fête des Vendanges de Montmartre, ce week-end, de la société Soda Club, qui fabrique des appareils de gazéification de l’eau. Or celle-ci est installée à Maale Adoumim, la plus grande colonie israélienne de Cisjordanie. Les douanes allemandes ont bloqué récemment tous ses produits, au titre de l’article 83 de l’Accord d’association Union européenne-Israël.

Après des interventions de l’AFPS auprès de responsables de la Mairie de Paris, puis de celle du XVIIIe arrondissement, soulignant la responsabilité des décideurs politiques, la société ACDP, mandatée pour organiser la Fête, a fait savoir vendredi que, « ne souhaitant aucunement que la Fête des vendanges soit perturbée par quelque trouble à l’ordre public et souhaitant avant tout préserver son caractère populaire, convivial et festif, Soda Club ne sera pas présente sur l’événement ».

L’AFPS se félicite de ce succès et appelle ses militants à redoubler d’initiatives pour que la campagne BDS permette d’exprimer haut et fort l’exigence populaire d’une paix juste et durable, fondée sur le droit international.

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