Une tribune pour les luttes

Sarkozy et la semaine du BTP : d’un mur l’autre

par Mathieu Colloghan

Article mis en ligne le mardi 10 novembre 2009

Avec les liens et les illustrations

http://www.article11.info/spip/spip.php?article606

Rien de plus semblable à un mur qu’un autre mur, crois-tu naïvement ? Grave et funeste erreur ! Sache que tous les murs ne se valent pas. Il y a celui que le président Sarkozy a détruit à (presque) lui tout seul, ses petits poings martelant rageusement le béton jusqu’à mettre à bas ce scandaleux symbole d’un communisme liberticide. Et puis, il y en a d’autres…

lundi 9 novembre 2009,

Ah, çà ! On l’a fait péter, le stock de bougies cette semaine ! Ça commémore sévère. Radios, télés, journaux ont envoyé à Berlin leurs meilleurs brushings pour animer des duplexes avec le gratin des spécialistes en chute de murs («  Il est tombé d’un coup »), la crème des politologues les plus pointus (« C’était la chute du communisme ») et l’élite des historiens les meilleurs («  Plus rien ne sera jamais comme avant » [1]).

De la plus petite anecdote insignifiante (BHL expliquant en direct à Berlin qu’à l’époque, qu’à l’époque, il n’y était pas [2]) aux grands discours à l’hyperbole (involontairement) amphigouriques, on a droit à tout.

Même Président Sarkozy se fend d’une larme et nous sort sa photo d’époque (d’ailleurs : vu la technique de Président pour frapper avec son petit marteau, m’est avis que c’est pas à Président qu’il faut demander de l’aide pour abattre une cloison.).
Le même y va de ses souvenirs : « Autour de nous, des familles se rassemblaient pour abattre le béton. Certaines venaient nous parler pour nous expliquer leurs sentiments, leurs ambitions nouvelles, et partager leurs émotions après des décennies de séparation. La nuit s’est poursuivie dans l’enthousiasme général. » [3]

Et c’est vrai : faire péter un mur, permettre aux hommes de circuler librement, de passer cette maudite frontière, c’est un grand moment à célébrer.

Réellement.

Et c’est pourquoi on attend impatiemment que Président Sarkozy et son sécateur fassent un sort aux grillages des murs de Ceuta et Melilla, la frontière Sud de l’Europe qui séparent le territoire espagnol du Maroc.

Là, toutes les nuits, ceux qui préfèrent tenter de fuir des guerres économiques, sociales ou militaires du Sud par la terre ferme prennent d’assaut un autre mur de la honte et se font impitoyablement refouler.

Là, chaque jour, les mêmes observent, attendent, patientent, en espérant découvrir une ouverture quelconque ou un relâchement de la garde qui leur permettraient de passer au Nord, comme d’autres n’avaient de cesse - des dizaines d’années plus tôt - de passer à l’Ouest en évitant les mines, barbelés et miradors.

Là, en permanence, se brise l’espoir d’une vie meilleure, laminé par les défenses d’une Europe forteresse et pulvérisé par l’égoïsme de l’occident.

Là - enfin - sont restées en mémoire des journées plus sanglantes que les autres, quand les migrants ont lancé d’août à septembre 2005 plusieurs assauts d’ampleur sur les murs et barbelés, se précipitant par centaines en espérant ne pas être cibles des balles, ainsi que le conte un billet du site Multitudes :

Cependant, ce sont des forces européennes qui, le 29 août, ont assassiné au moins deux citoyens africains pendant l’assaut des grillages de Melilla. On a vu des essaims de centaines de personnes, adultes et enfants, femmes enceintes ou avec enfants dans les bras, mains nues et avec pour unique arme un téléphone portable, laissant des lambeaux de peaux sur les grillages de barbelés franchis à l’aide d’échelles fabriquées avec des branches d’arbre, se fracturant les jambes et les bras en tombant de l’autre côté, alors qu’ils recevaient des balles de caoutchouc et de plomb, des coups de matraque, des coups de pied et des coups de fusil. Les forces européennes amassaient les blessés et les cadavres et les jetaient de l’autre côté de la frontière en s’en lavant les mains, laissant le reste du travail aux marocains. Ceci a été la constante pendant plus d’un mois. Au cours de la nuit du 28 au 29 octobre, un nouvel assaut a été repoussé avec un bilan d’au moins cinq morts, parmi lesquels un nouveau-né qui avait vu le jour dans les campements. On a laissé au gouvernement marocain le soin additionnel de nettoyer à fond la zone grâce au mécanisme de la déportation vers « nulle part ».

Ce mur-là, donc :

Un mur qui attente, comme à Berlin, au droit inaliénable à la libre circulation [4] des individus ;
Un mur qui, comme à Berlin, tourne le dos aux conceptions modernes d’une humanité diverse mais unilatéralement digne et respectable ;
Un mur dont l’existence même doit - n’en doutons pas - révulser Président Sarkozy.

Allez, Président Sarkozy : voilà un autre mur qu’il conviendrait d’abattre [5].

Et après, on causera aussi du mur qui coupe les deux Corées, de celui bâti entre le Mexique et les USA, de ce troisième qui sépare l’État palestinien et les territoires sous administration israélienne ou même de celui que les Russes sont en train de construire en Géorgie.

Y’a assurément du boulot dans le BTP pour qui souhaite faire péter les murs.

Notes

[1] Ce qui, soit dit en passant, n’est pas faux : plus rien n’est comme avant. Les choses changent avec le temps. Après l’heure c’est plus l’heure et après la pluie vient le beau temps.

[2] Dans une émission spéciale de Radio France le 9/11/09.

[3] Sur la page FaceBook de Président Sarkozy dont les communicants se sont manifestement un tantinet enflammés.

[4] Article 13 de la déclaration universelle des droits de l’Homme : Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

[5] Mais, attention : il faut bien noter la date, cette fois-ci…

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Vos commentaires

  • Le 10 novembre 2009 à 11:16, par Christiane En réponse à : Le mur que vous ne verrez pas à la télé

    http://www.dazibaoueb.fr/article.ph...

    SERA7477 (La vérité est ailleurs) -

    Faut dire qu’il est beau ce mur, en plus ils l’ont fait sur les terres des
    Palestiniens, ce qui ne gâche rien, et en chiadant le tracé pour les emmerder le plus
    possible. On aurait tort de se gêner...

    http://www.gush-shalom.org/media/se...

    Un résumé en images de la situation sur place, où l’on voit comment des imposteurs
    immigrés convertis spolient les terres et pourrissent la vie des autochtones depuis
    60 ans.

    http://www.normanfinkelstein.com/tr...

    L’épuration ethnique, kasher ou pas, c’est un crime contre l’humanité dont personne
    ne semble s’indigner depuis 1948.

    Un des rares justes, Edgar Morin, est un juif qualifié d’"antisémite" et traîné
    devant justice par la horde sioniste. Il eut le triste privilège d’être traité de
    "crapule antisémite", de "renégat" et de "juif honteux" dans la presse de la
    communauté juive,

    ...pour avoir osé écrire ça :

    Israël-Palestine : le cancer

    http://www.elmandjra.org/lemonde030...

    Très logiquement, il lui est donc arrivé ça :

    Edgar Morin. Condamné pour antisémitisme

    http://www.republique-des-lettres.f...

  • Le 10 novembre 2009 à 15:53, par Christiane En réponse à : Sarkozy... dans le mur ! s

    10 novembre 2009

    Les mots ont un sens, par Napakatbra

    http://www.lesmotsontunsens.com/sar...

    Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin tombait. Vingt ans plus tard, c’est un autre mur qui s’effondre. Celui du compte Facebook de Nicolas Sarkozy. Et malgré l’impressionnant dispositif de sauvetage déployé pour retrouver le corps, nous sommes toujours sans nouvelle de l’avatar du président.

    "Internet, c’est vraiment n’importe quoi !" entend-on régulièrement dans la bouche des représentants UMP. La preuve : n’importe qui peut s’y vanter d’avoir participé à l’abattage du mur de la honte, à coup de marteau (mais sans faucille). Un certain Nicolas Sarkozy vient en effet de se faire mincer en flagrant délire de mythomanite aigüe, ou d’Alzheimer avancé, au choix. Oups...


    Pas le choix dans la date

    L’histoire est parfaitement résumée par Nabil Wakim sur le site des décodeurs du Monde, ceux-là même qui ont mis le dernier coup de tractopelle dans la version officielle. Dimanche à 13h44, Nico uploade une tof’ sur son Facebook rien qu’à lui, sur laquelle on peut l’admirer marteau en main burinant la muraille berlinoise. En commentaire, on peut lire ceci : "J’étais alors secrétaire général adjoint du RPR. Le 9 novembre au matin, nous nous intéressons aux informations qui arrivent de Berlin, et semblent annoncer du changement dans la capitale divisée de l’Allemagne. Nous décidons de quitter Paris avec Alain Juppé pour participer à l’événement qui se profile".

    Mais dès 20h, l’opposant-journaliste de Libé, Alain Auffray, lance la fronde en affirmant que l’histoire contée "ne tient pas debout". Lundi matin, l’Elysée riposte aussi sec : "Ce qui a été relaté est la stricte vérité". S’en suite une longue estocade entre démolisseurs de murs, de Berlin à Facebook...


    Juppé : j’y pense et puis j’oublie...

    Alain Juppé est le premier à arriver sur les lieux du drame. Dès le lundi matin, il tente comme il peut d’étayer l’édifice qui menace de s’effondrer. Il confirme timidement la date... qu’il avait pourtant fixée au 16 novembre dans deux de ses bouquins. Mais, terrassé par le poids du rempart, bien que restant droit dans ses bottes, il lâche vite l’affaire : "je ne me souviens plus exactement" de la date. Abracadabra : en quelques minutes, un article de son blog est réécrit et une vidéo est remplacée. Les nouvelles versions ne mentionnent plus de date. Un Ctrl+Z, et ça repart... Surtout, Le Figaro a retrouvé dans ses archives la présence de l’ancien premier ministre à la commémoration du 19e anniversaire de la mort du général de Gaulle, le même jour. Mais aucune info sur ses pérégrinations berlinoises. Bizarre...

    Vient ensuite François Fillon. Le pompier en chef tente de recoller les morceaux de parpaings. Il assure s’être rendu à Berlin à le 7 novembre et y être resté au moins jusqu’au 10. Il aurait ainsi croisé Nicolas Sarkozy le 9 au soir, pioche à la main au pied du mur. Sauf que Libération a méchamment ébréché cette nouvelle version, à grands coups de canif, documents à l’appui : le 8 novembre, François Fillon est intervenu au perchoir de l’Assemblée nationale (à Paris, donc). Autre problème, l’actuel premier ministre invoque la présence du journaliste-ami Ulysse Gosset, avec qui il aurait croisé la fourchette le soir du jour J. Lequel assure formellement que ce 9 novembre, il était en Russie.

    Juppé, Fillon et Sarkozy sont dans un bateau. Enfin dans un train, ou un avion, peut-être.

    Le tour à Philippe Martel, alors directeur de cabinet de Juppé, de tenter de repousser les hordes d’assaillants. L’ancien chargé des relations internationales au RPR insiste : c’est lui qui a tout organisé et qui a pris la photo. Sur la foi d’informations locales, ils sont partis en urgence dans un avion privé, le 9 dans l’après-midi. Fin de l’histoire... enfin presque car quelques minutes plus tard Jean-Jacques de Peretti, ancien ministre de l’Outre-Mer l’affirme haut et fort, c’était en train qu’ils ont pris le large, mais Martel maintient sa version. Le diable se cache dans les détails...

    Et encore un peu plus tard, Berlin l’enchanteur frappe à nouveau. Philippe Martel convainc Rue89 d’appeler Paul Clave, alors représentant des Français de Berlin à l’Assemblée des Français de l’étranger. Pour ce démineur de la dernière chance, c’est le 10 qu’a été prise la photo mais il ne se souvient plus d’Alain Juppé. Et il se rappelle parfaitement avoir lui-même pris le cliché. Las, Martel martelle pour la nième fois que c’était bien le 9, et que le véritable auteur de la photo, bah, c’est lui. Problème : les décodeurs ont retrouvé une dépêche AFP narrant ce voyage... le 16 novembre ! Et Peretti d’affirmer qu’il ne s’est rendu qu’une seule fois à Berlin : "si l’AFP dit que c’était le 16, c’est que ça doit être vrai". La vérité si je mens...

    "Je crois systématiquement le président de la République"

    "Peu importe" la date, a martelé le porte-parole du gouvernement, Luc Châtel pour qui cette "polémique [est] assez dérisoire". Et Kouchner de conclure, tel un Bulldozer ce matin sur France Inter : "je crois systématiquement le président de la République". C’est beau l’amour... D’un côté, une enquête et des recherches (un peu bordélique, certes). De l’autre, des déclarations contradictoires qui changent au gré des vents. Ne dit-on pas que la particularité des grands évènements, c’est qu’on se rappelle parfaitement ce qu’on faisait lors de leur annonce ?... Et vous, où étiez-vous lorsque le mur de Berlin est tombé ? Sur la Lune en train de vous faire vacciner avec Lance Armstrong ?


    Sarkozy, simple blogueur...

    L’amusant dans cette histoire, c’est que pour un simple billet d’autopromotion posté sur Facebook, Nicolas Sarkozy et ses sbires se sont accordés le droit de réécrire l’histoire à leur sauce, sans vérifier la cohérence de leurs propos. Et pour se défendre, ils ont engagé la crédibilité de l’Etat... enfin, de ses représentants. Diffusion de fausses informations, faux témoignages... tous "coupables" ! On attend avec impatience la plaidoirie de Maître Frédéric Lefebvre, défenseur des veuves et des orphelins (du Net). Bref, l’histoire se rappellera (enfin espérons-le) de ce magnanime discours sarkozyen appelant à "abattre les murs, qui à travers le monde, divisent encore des peuples". Cotisons-nous et envoyons un maximum de marteaux à l’Elysée. Car des Etats-Unis à Israël, en passant par Ceuta et Belfast... il y a du boulot !

    Reste à savoir pourquoi TF1 a aveuglément suivi la version officielle, et, surtout, pourquoi David Pujadas sur France 2 a dans un premier temps annoncé, en début de JT, un reportage sur la "polémique"... qui n’a finalement pas été diffusé. A se taper la tête contre les murs !

    A suivre, le prochain épisode : Sarkozy et son tournevis devant la grande muraille de Chine. En exclu sur Twitter.

  • Le 12 novembre 2009 à 12:22, par Christiane En réponse à : Sarkozy : mentir et faire mentir

    http://www.agoravox.fr/tribune-libr...

    C’est finalement Cécile Duflot des verts qui a eu une réflexion qui mérite que l’on s’y attarde : "C’est à la fois dérisoire et ça suscite une véritable question", a déclaré Mme Duflot sur i-Télé. "C’est dérisoire parce qu’il (M. Sarkozy) y était le 16 novembre, apparemment tout le monde converge, mais on oblige des gens à mentir pour dire qu’il y était le 9. Vraiment, ça a quel sens ?" (AFP)

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