Une tribune pour les luttes

Urgence à l’hôpital

par Jean-François Couvrat

Article mis en ligne le mercredi 25 novembre 2009

Avec les illustrations et les graphiques explicatifs :

http://dechiffrages.blog.lemonde.fr/2009/11/15/urgence-a-lhopital/

15 novembre 2009

Trop de lits ? Trop de médecins ? Trop d’infirmières ? Trop de malades peut-être ? Le gouvernement s’apprête à supprimer 1.150 postes dans les hôpitaux parisiens en 2010, après 700 postes cette année, et cette perspective étonne. Le professeur Pierre Coriat, président de la commission médicale d’établissement de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, menace de démissionner si ce plan n’est pas revu : « Le projet risque de casser l’AP-HP ».

Or rien n’indique que l’hôpital français soit trop cher, ni que la dépense publique de santé soit excessive. Le déficit croissant de l’assurance maladie fait couramment l’objet d’effets de manche et de coups de menton présidentiels. Il ne fait pourtant que témoigner du décalage persistant entre des dépenses qui ne peuvent qu’augmenter, parce que la population vieillit, et des recettes que l’on s’acharne à freiner, en prétendant ainsi favoriser l’emploi.

Les Français abusent-ils de l’hôpital ? Ils passent en moyenne une journée par an dans une unité de soins aigus, selon l’OCDE. C’est une honnête moyenne, très inférieure aux scores allemands ou japonais.

Le nombre des lits d’hôpitaux est-il excessif ? Avec 3,6 lits de soins aigus pour 1.000 habitants, moitié moins qu’en Allemagne, deux fois moins qu’en Corée, la France ne se distingue vraiment pas par des équipements pléthoriques. Cette modération est même paradoxale, dans un pays à très faible densité de population qui compte 36.000 communes.

Chaque lit d’hôpital mobiliserait-il une profusion d’infirmières ? Difficile de le prétendre. La France figure en queue de peloton pour ses effectifs infirmiers par lit de soins aigus : pas plus de 59 pour 100 lits selon l’OCDE, quand on en compte 92 en Belgique, 162 aux Etats-Unis et… 310 au Royaume Uni. C’est un autre phénomène qui menace : des infirmiers faisant le travail de médecins, des aides soignantes faisant office d’infirmières… et bientôt les familles de patients appelés à la rescousse.

La France, où l’assurance maladie couvrait 80% des frais médicaux en 1946, se distingue aujourd’hui par un paradoxe navrant. Selon l’OCDE, la dépense publique de santé par habitant – oui, la dépense publique ! - y est inférieure de 14% à ce qu’elle est aux Etats-Unis, où 40 millions de gens sont encore privés de toute couverture maladie, en attendant la réforme engagée par Barack Obama.

Le Président Sarkozy prétend souhaiter un meilleur partage de la valeur ajoutée des entreprises entre salariés et actionnaires. La Sécurité sociale lui offre une excellente occasion de passer du discours aux actes. Les cotisations sociales d’employeurs, qui représentaient 19,8% de la valeur ajoutée des entreprises en 1983, n’en représentent plus que 16,1% en 2007, indique l’Insee. Leur part est moindre aujourd’hui qu’en moyenne dans les années 1960 – et cela donne à réfléchir.

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