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Fichiers policiers : les (gros) godillots de l’UMP… et de la CNIL

Jean-Marc Manach

Article mis en ligne le samedi 28 novembre 2009

De préférence avec les liens :
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2...

27 novembre 2009

Suite au scandale Edvige, les parlementaires avaient décidé de s’intéresser aux fichiers policiers, et, devant la somme de problèmes recensés, proposé que la création de ces fichiers fassent désormais l’objet d’un débat parlementaire, et donc d’une loi.

Sur ordre du gouvernement, les députés UMP viennent de rejeter la proposition de loi qui avait pourtant, initialement, fait l’objet d’un rare consensus parlementaire : rédigée par Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP), elle avait été adoptée, à l’unanimité, par la commission des lois de l’Assemblée.

En lieu et place, les députés veulent modifier la loi informatique et libertés pour donner carte blanche au gouvernement, et empêcher le Parlement d’être saisi de la création des futurs fichiers.

En révélant, en juin dernier, que le nombre de fichiers policers avait augmenté de 70% ces trois dernières années, et que 25% d’entre-eux étaient “hors la loi” (faute de bases légales), les députés Delphine Batho (PS) et Jacques-Alain Bénisti (UMP) avaient jeté comme un froid (voir Le quart des 58 fichiers policiers est hors la loi).

Mandatés par la commission des Lois de l’Assemblée, suite à la polémique autour du fichier Edvige, les deux députés avaient, dans un geste suffisamment rare pour être relevé, décidé de co-signer une proposition de loi, adoptée dans la foulée, et à l’unanimité, par la commission des lois, visant à améliorer l’encadrement des fichiers policiers (voir Comment légaliser les fichiers policiers ?).

Las : en créant, par simple décret, les deux fichiers censés remplacer Edvige au lendemain des émeutes de Poitiers (voir Adieu Edvige, bonjour Edwige²), Brice Hortefeux avait déclaré la guerre à cette proposition de loi parlementaire, dont la mesure phare prévoyait que tout fichier policier devait être débattu à l’Assemblée.

Le texte de Batho et Bénisti n’ayant toujours pas été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée, le groupe des parlementaires socialistes avait décidé de profiter de sa journée d’initiative parlementaire pour le soumettre aux députés, le 19 novembre dernier.

Alors même qu’elle avait pourtant été rédigée, et portée, par un député PS et un autre UMP, avant d’être adoptée, à l’unanimité, par la commission des lois, présidée par un député UMP, le gouvernement et l’UMP qualifièrent alors la proposition de loi de… “socialiste“, et appelèrent à voter contre.

L’UMP enterre “en grande pompe” le travail de l’Assemblée

Un “enterrement en grande pompe sur ordre du Gouvernement“, dixit Delphine Batho, qui déplore la schizophrénie de la majorité à l’Assemblée, dont les pouvoirs étaient pourtant censés avoir été renforcés depuis la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République de juillet 2008, mais qui pour le coup se contente d’avaliser les désidératas du gouvernement de l’ex-ministre de l’Intérieur Sarkozy, principal responsable des problèmes posés par les fichiers policiers…

Le 23 novembre, les députés UMP votaient contre, au motif qu’ils avaient réussi à convaincre Jacques-Alain Bénisti de rajouter quelques amendements à la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.

Alors que le texte initial de Batho et Bénisti prévoyait que la création de fichiers policiers devait désormais relever de la loi, l’amendement (.pdf) en question prévoit, lui, qu’ils fassent l’objet d’un simple arrêté dès lors qu’ils répondent à 11 finalités, et permettent de, en vrac :

faciliter les rapprochements entre infractions, la recherche et l’identification d’éléments biométriques et biologiques, ou de personnes et d’objets “signalés“, la constatation des infractions, la diffusion et le partage des informations entre services de police judiciaire, la centralisation des informations relatives à la prévention des atteintes à la sécurité publique, la gestion administrative et la transmission des décisions de justice, le contrôle d’accès à certains lieux, le recensement des personnes fichées, ainsi que l’alimentation automatique de certains fichiers…

On voudrait donner un blanc-seing aux fichiers policiers qu’on ne s’y prendrait pas autrement, comme le reconnaît d’ailleurs, et non sans humour, Jacques-Alain Bénisti dans l’”exposé sommaire” d’explication de son amendement :

Si le Gouvernement souhaitait créer un fichier ne répondant pas à un (sic) de ces finalités, il devrait donc au préalable passer par la loi.

Bénisti s’abstient, les deux députés de la CNIL, non

Signe qu’il n’était probablement pas si dupe de la manip’, voire pas très fier de ce qu’on l’avait amené à faire, Jacques-Alain Bénisti a finalement décidé, comme trois autres députés UMP, de s’abstenir de prendre part au vote.

A contrario, les deux députés représentant l’Assemblée à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, Philippe Gosselin et Sébastien Huyghe, tous deux secrétaires, par ailleurs (ou tant qu’à faire) de la commission des lois de l’Assemblée, ont, eux, voté contre la proposition de loi.

A toutes fins utiles, la CNIL dénonce, depuis des années, les problèmes posés par les fichiers policiers (voir En 2008, la CNIL a constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers), et Alex Türk, son président, n’a d’ailleurs eu de cesse l’an passé de tonner, dans les médias, qu’”il y a bien plus dangereux qu’Edvige !“, désignant clairement le STIC, “casier judiciaire bis” truffé d’erreurs et qui fiche plus de la moitié des Français.

A leur décharge, Mrs Gosselin et Huyghe avaient déjà, précédemment, voté “pour” l’Hadopi, le premier s’étant même distingué en se faisant le principal porte-flingue de l’UMP lors des débats ayant présidé à l’adoption de cette loi faisant de chaque internaute le propre flic, et Big Brother, de son ordinateur (voir Hadopi : le godillot en chef est à la CNIL).

On se sent tout de suite mieux protégé…

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