Une tribune pour les luttes

Pour faire cesser les atteintes portées aux droits des couples mixtes, les Amoureux au ban public adressent une circulaire aux préfets.

Avec le soutien de : Fasti, La Cimade, LDH, Mrap, Resf, Sos Racisme

Article mis en ligne le dimanche 13 décembre 2009

Alors que la lutte contre les mariages « gris » est érigée en cause nationale, jetant la suspicion sur l’ensemble des unions mixtes, le ministre de l’Immigration ne montre guère d’empressement pour veiller au respect par l’administration des droits des couples franco-étrangers.

Avec le soutien de plusieurs association s, les Amoureux au ban public ont décidé de se substituer au ministre défaillant et d’envoyer aux préfets une circulaire rappelant, décisions de justice à l’appui, les droits des étrangers conjoints de Français dans le domaine des demandes de visa en France.

Depuis 2006, la délivrance d’un titre de séjour aux conjoints de Français est soumise à la présentation d’un visa long séjour. Dans certains cas définis par la loi, ce visa peut être demandé en France, auprès des préfets. Depuis trois ans, les associations sont régulièrement contactées par des couples mixtes se heurtant à de multiples obstacles et comportements administratifs illégaux : refus d’enregistrement des demandes, non délivrance d’une autorisation provisoire de séjour pendant l’examen du dossier, demandes laissées sans réponse, refus infondés, expulsions ou tentatives d’expulsion sans traitement de la demande de visa, etc ?
Bien que ces pratiques aient été condamnées par la justice, le ministre de l’immigration n’a pas jugé utile d’adresser aux préfets les instructions nécessaires à une juste application de la loi déjà restrictive.

Plus généralement, les associations signataires tiennent à souligner que le durcissement continu des lois, et notamment l’exigence depuis 2006 d’un visa long séjour pour l’obtention d’un titre de séjour, a pour conséquence de restreindre de façon inacceptable le droit au respect de la vie familiale garanti par la Convention europé ;enne des droits de l’homme. Loin de servir l’objectif affiché de lutte contre la fraude au mariage, ces durcissements législatifs ont pour conséquence de plonger l’ensemble des couples franco-étrangers un peu plus dans la précarité administrative et traduisent la volonté du gouvernement de s’attaquer à l’immigration familiale, stigmatisée comme une « immigration subie ».

Conférence de presse
le jeudi 17 décembre 2009 à 10h
à La Cimade, 64 Rue Clisson, 75013 Paris
en présence des couples mixtes


Témoignages

Hicham, expulsé illégalement de France sans traitement de sa demande de visa

Hicham H., marocain, est entré en France en 2001 muni d’un visa étudiant.
En 2007 il entame une relation amoureuse avec Elsa. En mars 2008, la préfecture refuse de renouveler la carte de séjour « étudiant » d’Hicham et prononce contre lui une obligation de quitter le territoire français. Hicham se maintient en France auprès de sa compagne et le couple se marie le 29 novembre 2008. Le mois suivant, il dépose une demande de visa « conjoint de français ». Hicham remplit les conditions posées par la loi pour faire une telle demande. Malgré plusieurs courriers de relance, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé d’instruire la demande de visa. Mardi 12 mai 2009, Hicham est interpellé à son dom icile. Quelques heures plus tard, il est expulsé vers le Maroc dans la précipitation... et en toute illégalité. En effet, le dépôt de la demande de visa aurait dû conduire la préfecture à lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de rester en France pendant l’examen de son dossier. Pour éviter le passage d’Hicham par un centre de rétention, où la CIMADE aurait pu l’aider à saisir la justice pour faire constater l’illégalité de son expulsion, une place sur un bateau au départ de Sète avait été réservée à l’avance. Après son arrestation, Hicham a directement été conduit sur le bateau.

Après 27 mois d’attente et un jugement favorable du Tribunal administratif, Célestine n’a toujours pas obtenu son visa.

Célestine, camerounaise, épouse Gérard en juin 2007. Le mois suivant, elle dépose une demande de visa auprès de la préfecture. Le préfet lui délivre une autorisation provisoire de séjour et transmet la demande au consulat de France à Yaoundé. Neuf mois plus tard, en mars 2009, le consulat rejette cette demande au motif que l’acte de naissance de Célestine serait frauduleux. Le mois suivant, Célestine reçoit du préfet un refus de séjour et une obligation de quitter le territoire français. Saisi par le couple, le Tribunal administratif annule les décisions du préfet en estimant que l’administration n’apporte pas la preuve du caractère frauduleux de l’acte de naissance. Célestine redépose donc une nouvelle demande de visa en Préfecture au mois de septembre 2008. Depuis cette date, aucune réponse n’a été donnée à cette seconde demande.

Depuis 17 mois, Karimatou essaie sans succès de déposer une demande de visa auprès de la préfecture.

Fin mai 2008, Karimatou (nationalité sénégalaise) se rend à la Préfecture des Haut-de-Seine (92) pour déposer une demande de visa. Premier refus de lui donner un rendez-vous pour pouvoir déposer son dossier : la préfecture exige de façon illégale que Karimatou soit mariée depuis plus de six mois. En novembre 2008, retourne en préfecture et se heurte à un nouveau refus : les échéanciers et attestions d’abonnement ne sont pas acceptés pour prouver la vie commune (seules les factures sont acceptées). Janvier 2009, troisième présentation de Karimatou en préfecture et nouveau refus de RDV : les factures délivrées sur Internet ne sont pas acceptées et le compte courant au deux nom des époux doit avoir une ancienneté d’au moins six mois ! Quatrième visite de Karimatou à la préfecture en juillet 2009 (elle est alors accompagnée par une juriste du Secours catholique). Le dossier est enfin considéré comme complet et un RDV est enfin donné pour le mois d’octobre suivant afin que ce dossier soit enregistré. Mais lors de ce RDV, le fonctionnaire qui reçoit Karimatou refuse cet enregistrement. Motif : le nom des deux époux doit apparaître sur chaque document présenté ! Un second RDV est donné pour le mois de novembre 2009. Karimatou fait refaire tous les documents en faisant apposer les deux noms. Mais ce second RDV se solde encore par un refus d’enregistrement du dossier Motif : il manque un trait d’union au second prénom composé de son mari sur l’acte intégral de mariage !!! Un troisième RDV est donné au couple au mois de mars 2010, pour leur laisser le temps de faire rajouter le trait d’union manquant sur l’acte de mariage...

Un consul se trouvant à des milliers de kilomètres du couple, n’ayant
jamais pu auditionner ou rencontrer les intéressés, estime sans raison que le mariage est frauduleux.

Aurélie et Bernard (camerounais) vivent en concubinage quand Bernard fait l’objet d’un refus de renouvellement de son titre de séjour étudiant. Le couple décide de se marier et dépose un dossier en mairie. Mais Bernard est arrêté à domicile et conduit au centre de rétention en vue de son expulsion. Il est heureusement libéré par le juge des libertés. Le couple peut donc se marier, en septembre 2009 et Bernard écrit immédiatement au
préfet pour demander un visa. 9 mois plus tard, alors qu’il n’a toujours pas eu de réponse, Bernard saisit le Tribunal administratif en référé. La veille de l’audience, un refus de visa émanant du Consul de France au Cameroun tombe : le couple n’aurait pas de vie commune ! Un consul se trouvant à des milliers de kilomètres du couple, n’ayant jamais pu
auditionner ou rencontrer les intéressés estime sans raison, et à distance, que le mariage est frauduleux !!!! Bernard continue pour le moment de se maintenir irrégulièrement en France et attend la réponse à de nouveaux recours. L’épouse de Bernard est actuellement enceinte de 5 mois.

"Toute personne est libre d’aimer la personne de son choix, quelles que soient les différences de nationalité, d’âge, de sexe ou de religion." Déclaration des Amoureux au ban public, article 1


Le premier collectif des « Amoureux au ban public » est né en juin 2007 à Montpellier, sous l’impulsion de La Cimade.

Par cette initiative, plusieurs dizaines de couples franco-étrangers décidaient de s ?engager dans la défense collective de leur droit de mener une vie familiale normale, droit fondamental mis à mal par le durcissement continu des lois et des pratiques administratives. En quelques mois, les ?Amoureux au ban public ? sont devenus un mouvement citoyen national implanté dans de nombreuses villes de France, avec 34 collectifs, et animé par près de 2000 couples mixtes.

La première grande campagne des ABP, lancée le 16 juillet 2008, a permis de faire connaître le mouvement et mettre en lumière les difficultés des couples mixtes, et obtenir une modification de la législation pour que le droit d ?aimer la personne de son choix soit enfin reconnu.

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