Une tribune pour les luttes

N’isolez plus vos fenêtres, ça fera plaisir à l’UMP et à EDF

Denis Delbecq

Article mis en ligne le mardi 22 décembre 2009

Avec les liens et les commentaires
http://effetsdeterre.fr/2009/12/22/...

22 déc 2009

Faut-il y voir un premier effet secondaire du bide de Copenhague ? Le Sénat a confirmé vendredi un amendement déjà voté à l’Assemblée nationale : une baisse du crédit d’impôt accordé pour les double-vitrages, et pour les chaudières à condensation. Il sera donc encore plus difficile pour les classes modestes et moyennes d’améliorer l’efficacité énergétique de leur logement… On se croirait dans un Sénat inféodé à Bush. Quelle audace de nos élus !

Bien sûr, le moteur de cette affaire, c’est la chasse aux économies budgétaires réclamées par l’état déplorable des finances de l’état. Le Sénat avait un moment joué l’audace, en proposant de soumettre à nouveau la restauration à la TVA normale (19,6%), constatant que les professionnels avaient pour l’essentiel récupéré cette manne, sans apporter les baisses de prix, les hausses de salaires et les embauches promises en échange. Et finalement, l’UMP a préféré soigner un électorat qui lui serait favorable à quelques mois des régionales, quitte à sacrifier les pourtant maigres engagements du Grenelle de mettre la France sur des rails vertueux en terme d’efficacité énergétique.

A lire ce matin une « étude de cas » du Moniteur, à propos du nucléaire, on se demande bien où tout cela nous mène. On y découvre ou redécouvre l’absurdité de notre mix énergétique. Par exemple, en 2007, la moitié des maisons individuelles neuves ont été équipées de chauffage électrique, renforçant encore notre sensibilité aux coups de froid : pour chaque degré de baisse de température, la puissance électrique nécessaire en France grimpe de 2100 MW. Selon le Moniteur, qui cite RTE, cette sensibilité serait une fois et demie celle de l’UE…

Depuis cet automne, le réseau électrique français est donc sur la brèche. Et le moindre problème technique peut tout faire basculer. Jusqu’à présent la Bretagne, qu’il est de bon ton de stigmatiser jusque dans ces colonnes, était la crainte numéro un des responsables du réseau électrique. Mais les appels lancés à la modération énergétique ont permis de franchir le cap et de ramener les signaux au vert. En revanche, l’autre péninsule électrique, la région PACA, n’a pas eu la même chance : une coupure d’une heure dimanche…

Le parc nucléaire français semble bien en piteux état : son taux de disponibilité était de 79,8% en 2008 contre 83,4% en 2005. Et pour 2009, c’est bien parti pour ne pas dépasser 78% : la semaine dernière, selon divers recoupement, nous avions pu établir avec les étudiants du CFJ que huit réacteurs étaient hors-service (1). Un chiffre, tenez-vous bien, qu’EDF n’avait pas voulu confirmer… Il paraît que le nombre de réacteurs en service est une information commerciale si sensible qu’elle doit rester confidentielle. (Mais bon, comme l’Autorité de sûreté nucléaire annonce tous les redémarrages de réacteurs, on peut finir par établir la réalité, ça demande juste un peu de travail). La centrale de Fessenheim, a même été arrêtée presque six mois pour ce qui devait être au départ un simple rechargement de combustible…

Face à ça, le Moniteur explique que le parc d’Electrabel avoisine les 90% de disponibilité, un chiffre proche de ce que les Etats-Unis arrivent à faire. La revue explique aussi que selon le Directeur adjoint de l’énergie à la Direction Générale de l’Energie et du Climat, les deux futurs EPR en France devraient remettre la France sur le chemin de l’excédent sans pouvoir gérer les pointes d’hiver (2). Et une douzaine de centrales à gaz devraient être construites au cours des prochaines années.

Si s’éclairer, laver sa vaisselle en machine ou regarder la TV sont des activités relativement décarbonées, le chauffage électrique reste une source de rejets de gaz à effet de serre. Nos voisins en émettent directement, en brûlant du gaz ou du fioul pour se chauffer. Nous en faisant autant avec les radiateurs électriques parce que les pointes électriques ne sont franchies qu’en important de l’électricité produite avec du gaz ou du charbon.

J’en vois qui sourient, en se disant que le réchauffement climatique devrait adoucir nos hivers, et donc réduire ces problèmes de pointes de consommation. Ils se trompent. Parce qu’un climat réchauffé ne signifie pas forcément des hivers plus doux. Et comme les extrêmes ont tendance à se renforcer, il restera toujours de grandes vagues de froid. Et quand elles se produisent, nous n’avons que les énergies fossiles pour franchir le cap : nucléaire ou éolien ne répondent pas aux besoins (le froid est souvent synonyme d’anticyclone, et donc de vents faibles ou modérés…). Le seul moyen, donc, de renvoyer les craintes de consommation aux oubliettes, c’est d’isoler les logements. Nos élus l’ont bien compris, puisqu’ils ont décidé de rendre ça beaucoup plus difficile. Mais après tout, on a les élus qu’on mérite…

(1) Lire les causes ces arrêts de réacteurs en pleine période hivernale, sur le site de l’Usine nouvelle. C’est presque désopilant.

(2) Au passage, trois ans de retard d’un chantier nucléaire, c’est presque 5% de disponibilité en moins sur une période d’exploitation de 60 ans…

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