Une tribune pour les luttes

« Les tsiganes en France"

d’Emmanuel Filhol et de Marie Christine Hubert

Article mis en ligne le dimanche 3 janvier 2010

Avant d’aller voir l’excellent film ; LIBERTE de Tony Gatlif qui sort en février, lisez ce livre : passionnant et fort utile

« Les tsiganes en France
un sort à part
1939-1946 »
d’Emmanuel Filhol et de Marie Christine Hubert
Editions Perrin
353 pages
octobre 2009

C’est la meute des « honnêtes » gens....

Ils possèdent beaucoup de noms différents : pour certains ce sont des romanichels, des gitans, des tsiganes, ou des roms... Aujourd’hui ils préfèrent qu’on les appelle : « les gens du voyage ».

Hier comme aujourd’hui ils sont mal connus et la meute des « honnêtes » gens continue à véhiculer des caractérisations peu aimables à leur rencontre et largement non fondées.

Les deux auteurs de ce livre lèvent le voile sur l’identité de ces « nomades » et nous font découvrir leur sort qui leur fut réservé dès le début du siècle dernier et surtout durant l’occupation allemande.
Honte d’abord à une certaine république et à des républicains qui, passionnés par les droits de l’homme ne reconnaissaient que les sédentaires !

Dès 1907, les élus, quelle que soit leur appartenance politique, à l’exception de l’extrême gauche d’alors commencent à élaborer un texte de loi pour contrôler efficacement les tsiganes. C’est en vertu de ce texte et d’autres conçus par « d’authentiques » républicains que le gouvernement de Vichy put mettre en résidence forcée les tsiganes et tous les nomades.

Cette résidence forcée prit la forme de camps et beaucoup de tsiganes furent ensuite transférés par les nazis vers les camps de la mort.
Ceux qui sont restés internés en France resteront dans cette situation jusqu’au milieu de l’année 1946, bien après la capitulation allemande !?
Les deux auteurs nous font découvrir la vie difficile de ces gens du voyage et l’attitude peu reluisante d’une population « ordinaire » c’est à dire sédentaire qui n’a pas hésité à dénoncer la présence de nomades aux policiers et gendarmes afin qu’ils soient enfermés dans des camps.
Une large majorité de ces tsiganes avait la nationalité française et de nombreux hommes avaient fait la grande guerre ou se trouvaient prisonniers en Allemagne...Qu’importe ! : ils étaient différents et livrés à la vindicte populaire.

Mais attention ! Les deux auteurs sont des historiens et ne masquent aucune réalité. Ils évoquent aussi ces quelques maires qui ont eu une attitude digne et courageuse comme ce premier magistrat d’une commune de la Mayenne qui écrivit aux autorités : « J’ai l’honneur de vous signaler à nouveau le dénuement des nomades stationnés à Grès-en -Bouère. Certains d’entre eux n’ont pas de roulottes pour coucher, pas d’argent pour manger, c’est lamentable.... »
Dans les camps de la mort, de nombreux tsiganes et notamment des enfants ont été choisis comme cobayes pour les expérimentations « médicales » de Mengele.
« Des femmes et des fillettes moururent dans des souffrances atroces après avoir été stérilisées de façon barbare ». 
Les deux auteurs de ce livre ont ouvert des archives oubliées et interrogé des survivants pour reconstituer la vie de tous ces gens du voyage, poursuivis, arrêtés, déportés.

Les gouvernements français qui se sont succédé ont une part de responsabilité en ce qui concerne le racisme ambiant à l’encontre des tsiganes, il est temps que la spécificité de leur culture soit prise en compte et aujourd’hui il est essentiel que l’Etat reconnaisse les torts commis pendant la seconde guerre à l’encontre de cette population.
Je conseille à toutes celles et à tous ceux qui vont aller à la projection de l’excellent film : liberté de Tony Gatlif de lire cette œuvre fort utile pour bien comprendre la genèse de cette politique qui conduisit les gendarmes à contrôler les « carnets anthropométriques » des tsiganes afin d’orienter des familles entières vers un internement humiliant et inhumain.

Jean-François CHALOT

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