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Lettre ouverte au Préfet du Vaucluse au sujet de violences policières et de la pénalisation des victimes.

Article mis en ligne le mardi 5 janvier 2010

23 Décembre 2009

LETTRE OUVERTE AU PREFET DE VAUCLUSE

Copie à Mme le procureur de Vaucluse

Et à Mr le directeur de la police

Monsieur le préfet,

Mon activité professionnelle m’a récemment permis d’accéder malgré moi et de
façon répétée à des informations que je ne peux garder pour moi ; elles sont bien
entendu formellement protégées par le secret médical.

La première concerne un jeune homme, interpellé dans la rue, en possession de
cannabis ; les policiers l’ont brutalement poussé à l’arrière d’un véhicule, obligé à
s’allonger entre les deux sièges, puis se sont assis et l’ont bourré de coups de pieds
durant tout le trajet jusqu’au poste. Il a finalement été condamné à une amende et
une obligation de soins qui l’a amenée vers moi.

La seconde m’a été rapportée par un autre homme jeune ; contrôlé dans la rue
avec des copains, il présente ses papiers (qui sont en règle) avec moins de rapidité que
les autres et se retrouve donc au poste où il est entièrement déshabillé, fouillé au
corps, dont un toucher anal (avec gants), insulté et frappé au niveau du ventre et des
organes génitaux. Il est ensuite abandonné dans une rue, un peu l’écart, avec son tas
de vêtements et ses blessures.

Le troisième est moins jeune, ouvrier agricole et père de deux enfants. Il sort
d’un bar, sans doute alcoolisé mais il n’est ni violent, ni bruyant ; une patrouille de
police passe par là, l’interpelle et le frappe. Devant l’importance des lésions et des
saignements, les policiers l’emmènent aux urgences. Le bilan est lourd : fracture d’os
de la face avec paralysie oculaire et de l’os temporal avec surdité et vertiges comme
séquelles. L’alcoolémie est positive (dosée chez le patient !) ce qui déclenche une
injonction thérapeutique (pour le patient) ; de toute façon il a besoin de soins pour
quelques mois d’autant que le choc a décompensé une psychose imposant un suivi et un
traitement psychiatrique dont le coût familial et humain est difficile à chiffrer à ce
jour.

Ces trois patients ont certains points communs :
- ils sont « basanés », d’origine maghrébine
- les policiers en cause lors des interventions les ont menacés s’ils portaient
plainte et ont eux-mêmes porté plainte pour outrage contre représentants de
l’ordre public dans l’exercice de leurs fonctions

Comme médecin, je me dois de vous informer de tels comportements qui
menacent la sécurité des citoyens. Dans ces situations, les policiers n’avaient pas
face à eux des personnes dangereuses ; ils ont nettement abusé de leur
supériorité en nombre et surtout de leur pouvoir ; ils ont utilisé sans raison la
violence risquant d’entraîner chez leurs « victimes » des comportements de
frustration ou de vengeance, voire plus grave chez le dernier, mettant finalement
en cause leur rôle sécurisant.

L’impunité totale des violences policières et la pénalisation de leurs victimes
risquent de conforter nos concitoyens dans l’idée que la police n’est plus le garant
de la tranquillité mais un des vecteurs de la violence collective. Les dégâts
secondaires à ces comportements concernent des familles, des jeunes et de
nombreux professionnels du monde social, associatif, éducatif, etc... qui disent
comprendre, voire accepter que police et justice ne soient plus les référents de la
sécurité de tous.

Ces témoignages m’ont été confiés spontanément comme médecin, leur
réalité est certaine, encore plus au regard des séquelles entraînées ; les
conséquences individuelles sont très lourdes mais ce qu’ils révèlent concerne tout
l’équilibre de notre société dont nous partageons tous la responsabilité.

Veuillez croire, monsieur le préfet, en mes salutations distinguées,

Dr Bernard SENET

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