Une tribune pour les luttes

Résistons ensemble N° 82, janvier 2010

La révolte des sans papiers de Vincennes en procès

Article mis en ligne le jeudi 7 janvier 2010

Voici le N° 82, janvier2010, du petit journal mobile recto-verso A4
"RESISTONS ENSEMBLE" du réseau contre les violences policières et
sécuritaires. Il est destiné à être photocopié et à être diffusé
localement. Vous pouvez télécharger en format pdf, avec mise en page sur
le site du réseau : http://resistons.lautre.net/ Si le journal vous
plaît vous êtes
invitEes à participer à son élaboration, à sa rédaction, à se joindre à
l’équipe de rédaction. Nous
attendons vos contributions, propositions, critiques ...
à bientôt.
L’équipe de réaction

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La révolte des sans papiers de Vincennes en procès

Le 22 juin 2008 les sans-papiers enfermés dans le camp de rétention de
Vincennes l’ont incendié, après six mois de révolte quasi continue et la
mort d’un des leurs, Salem Souli, pour manque de soins. Clouant le bec
aux paternalistes de tout poil, cette révolte collective des premiers
concernés constituait une réponse concrète et historique à l’existence
de ces camps et aux politiques de contrôle des migrations.

L’Etat accuse aujourd’hui dix hommes alors présents d’incendie criminel
et de violence sur policiers. Depuis un an et demi sept d’entre eux ont
fait huit, dix ou encore douze mois de détention « préventive ».
Concrètement, l’horreur intrinsèque à la prison en a notamment mené un
au bord du suicide, un autre à la grève de la faim (Nadir pendant une
semaine fin novembre, hospitalisé puis réincarcéré à Fleury où il est
toujours), un autre à des séquelles physiques à vie...

La révolte de Vincennes et son procès font écho aux nombreux autres dans
le monde (comme l’incendie du camp de Bordeaux il y a un an ou le procès
début octobre de quatorze insurgé-e-s du camp de la via Corelli à
Milan). Et comme d’autres cette révolte est exemplaire. Cet acte
désespéré d’hommes qui n’avaient peut-être pas beaucoup plus à perdre
que leurs chaînes incarne aussi le plus grand espoir qui soit, une
indéfectible aspiration à la liberté. Cet engagement radical renvoie en
même temps aux piquets de grève qui parsèment la région parisienne en ce
moment, où des milliers de travailleurs sans papiers osent sortir de
l’ombre pour exiger leur régularisation.

Écrivez à Nadir : Nadir Autmani, écrou 377 079 bât.D4, Maison d’arrêt
des hommes, 7 allée des Peupliers, 91700 Fleury-Mérogis.

Procès des inculpés de Vincennes les 25, 26, 27 janvier à 13h30 au
palais de Justice de Paris, 16e chambre.

Il faudra être à leur côté,
investir les lieux, publiciser les rouages de la machine judiciaire,
communiquer aux magistrats un certain malaise...
Contact du collectif de
solidarité : liberte-sans-retenue chez riseup.net.
Semaine de solidarité un
peu partout du 16 au 24 janvier
(voir sur resistons-lautre.net).
Soyons
à la hauteur de l’enjeu : relaxe des inculpés, liberté de circulation et
d’installation !

[ S U R L E V I F ]


Ils m’ont mis les menottes et m’ont dit
“c’est pour l’incendie de Vincennes”

Après l’incendie du centre de rétention de Vincennes un des inculpés a
été transféré au CRA de Lille Lesquin dont il est sorti une fois les 32
jours de rétention légale écoulés :

« Je suis sorti et devant le centre j’ai vu 3 policiers (...) ils m’ont
mis les menottes et m’ont dit “c’est pour l’incendie de Vincennes. Ils
m’ont amené à Paris, à Stalingrad. J’étais sous le choc ; en garde à vue
je ne comprenais rien à ce qu’ils écrivaient pour leur enquête. (...)
Puis ils m’ont emmené à la Cité pendant la nuit. Une toute petite
cellule dans un lieu où on ne voit personne sauf des policiers avec des
cagoules. Le lendemain je suis passé devant le juge pour l’incendie, je
n’avais aucun contact possible avec quiconque, je leur ai pourtant donné
le numéro de ma famille, de mes amis ; (…) J’ai été emprisonné à Fleury
au bâtiment des mineurs en un premier temps. (…) J’ai vu un médecin qui
parlait l’arabe, je lui ai dit que j’étais malade. Il me donnait des
médicaments pour dormir : valium et ceresta... 11 médicaments par jour ;
je me suis dis je suis rentré intelligent ici en France et ils veulent
me rendre fou. Après ils m’ont fait des examens des os à l’hôpital et
j’ai été déplacé chez les majeurs. Là c’était plus dur. (…) Je demandais
toujours à travailler mais c’était toujours refusé. J’ai voulu alors en
finir, j’ai rassemblé tous les médicaments que j’avais pu rassembler
depuis le début et je les ai avalés ainsi que des lames de rasoir. J’ai
passé trois jours à l’hôpital. Quand je suis revenu de l’hôpital, le
chef est venu me voir et m’a dit que pour travailler il fallait que
j’aille au bâtiment D3 (…). Le bâtiment D3 était plus dur, il y avait
des condamnés à de longues peines, il y avait toujours des bagarres.
Alors j’ai reçu votre première lettre et l’argent, j’étais très heureux
(...) j’ai pu changer d’avocat. J’ai reçu une réponse favorable pour le
travail et j’ai commencé à travailler dans les ateliers, c’était
l’esclavage, je gagnais 3 ou 5 euros par jour mais ça me permettait de
sortir de la cellule. (...) L’avocate connaissait très bien le dossier,
avait beaucoup de documents sur ce qui s’était passé au centre. Elle m’a
redonné le moral. Moi je croyais que j’allais rester là en prison, je
croyais que cela allait être un long cauchemar. Pour le dernier appel,
je suis allé au jugement puis ils m’ont ramené en prison. Je ne pensais
pas sortir ; puis j’ai eu un appel au microphone “Monsieur M. prépare
tes affaires” j’y croyais pas, “est-ce que c’est vrai ou non ?” J’ai
sorti la tête à la fenêtre et j’ai crié “libérable !” »

Ces cimetières que sont les frontières

Ils étaient plusieurs attendant sur une aire d’autoroute. Il faisait
nuit. L’autoroute était plongée dans l’obscurité. Soudain l’un d’entre
eux traverse. Une voiture passe. Le choc. Il est mort. Qui était-il ?
Maïouad. Il avait une quinzaine d’années et était Afghan. Que faisait-il
là ? Il attendait sans doute avec ses compagnons un avenir plus radieux
en espérant franchir ce bras de mer qui est devenu un mur pour lui et
ses camarades.

Cette nuit là, mardi 15 décembre, un adolescent venu d’un pays en guerre
pour demander l’asile a fini sa courte vie fauché par une voiture
anonyme dans le Calaisis.

Déjà en juillet 2006 nous apprenions la mort de deux réfugiés, un afghan
et un érythréen poursuivis et écrasés sur une autoroute à Calais. Mais
combien meurent dans l’anonymat le plus total ? Dans la région de
Calais, à Toulon, comme aux îles Canaries ou dans celle de Lampedusa,
quelques tombes discrètes résument l’immense cimetière que constituent
aujourd’hui les frontières de l’Union européenne. L’organisation
Fortress Europe, qui s’en tient aux seuls chiffres mentionnés par la
presse, rapporte que près de 12 000 étrangers seraient morts aux
frontières de l’Europe entre 1988 et 2008…

Voir : http://fortresseurope.blogspot.com/,
http://www.gisti.org/spip.php?article1255.


C H R O N I Q U E D E L’ A R B I T R A I R E

Criminels-nés ?

À Nice, depuis le 4 décembre, les mineurs de moins de 13 ans non
accompagnés sont tenus d’observer un couvre-feu les mardi, vendredi et
samedi, veilles de jours de repos. L’arrêté pris par le maire Christian
Estrosi, validé par la préfecture, prévoit le fichage du « délinquant »
et, en cas de récidive la suppression de certaines allocations
municipales… Cette mesure s’inscrit dans un dispositif de sécurité
renforcé à Nice où 550 caméras de vidéosurveillance seront mises en
place d’ici la fin du premier trimestre 2010.

Rappelons-nous la loi dite de « prévention de la délinquance », ou
encore les nombreux rapports ou expertises publiés à l’époque, le
logiciel de fichage Base Élève, les flics à l’école, la biométrie dans
les cantines scolaires... Accélérer la réponse judiciaire, abaisser
l’âge des mesures pénales, de l’enfermement, punir les parents des
pseudos futurs délinquants, une logique qui renoue avec les théories
déterministes de la fin du XIXe siècle sur le criminel-né. Exit les
causes sociales, la délinquance devient une maladie qu’il faudrait
traiter de manière individuelle.


Les « révoltés du Paoli »

Septembre 2005, dans un conflit qui s’opposait à la privatisation de la
Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), des marins, syndicalistes
du STC (syndicat des travailleurs corses), se réappropriaient leur lieu
de travail, détournant le navire « Paoli » vers la Corse. Ce qui donnera
lieu à une très médiatique intervention héliportée du GIGN.

Moins médiatique sera le scandale d’une privatisation ordinaire, pillage
où magouilles et basses manœuvres ont permis, entre autres, au fond
d’investissement Butler un gain de 60 millions en deux ans à peine. Mais
gare à ceux qui osent élever la voix, deux des marins ont finalement été
condamnés début décembre à un an et six moins de prison avec sursis (ils
risquaient jusqu’à 10 ans de réclusion), considérés coupables de
séquestration et de prise indue de commandement.


La FIPN nouvelle est arrivée !

C’est la Force d’Intervention de la Police Nationale qui désormais
réunit 500 policiers du Raid, de la Brigade anti commando et du GIPN
censés intervenir « en cas d’attaque terroriste de grande ampleur ».
Comme d’habitude derrière cette exposition de biceps il y a autre chose
 : la centralisation, avec des moyens militaires, d’une force
d’intervention contre les luttes qui sortent du train-train syndical que
ce soit dans les quartiers populaires ou dans les lieux de travail.

Nous n’avons pas oublié l’agression des grévistes postiers de Bègles ni
celle des marins «  révoltés du Paoli » en 2005 par le GIGN. Alors ne
nous laissons pas berner par le discours « antiterroriste »


La police n’aimait pas la CNDS, pourtant elle n’était pas méchante

Cette Commission nationale de déontologie de la sécurité a été
dissoute. Ce n’était pas un foudre de guerre, elle faisait, au mieux,
des « recommandations » même face aux violences policières les plus
extrêmes. Mais c’était déjà trop pour l’Etat. Maintenant pour une
enquête sur les violences policières, il ne reste que l’Inspection
générale de la Police nationale, la «  police des polices ». Bonne blague
 : des copains qui « enquêtent » sur les copains.


Rennes : répression à tout va

Samedi 5 décembre se déroule à Rennes une manifestation dans le cadre
des marches régionales de chômeurs. La décision, annoncée à la dernière
minute, d’interdire la manif est appuyée par une armada de bleus et de
flics en civils. Ils nous empêchent de rejoindre le centre ville en
bloquant toutes les rues qui y mènent. Alors que la manif choisit de
retourner vers la maison des associations où elle devait tenir une AG,
les portes lui sont fermées, et ce malgré la promesse faite la veille
par sa directrice. C’est ce moment que la BAC choisit pour refermer la
souricière : charge, matraquage à la tête et pour finir 4 arrestations,
et une personne atteinte d’un traumatisme crânien. Ceci n’est pas un
fait isolé mais s’inscrit dans une politique de nettoyage de l’espace
public à Rennes. Citons entre autres exemples : les uteq, manif du 17
octobre interdite, squats et occupations de lieux publics expulsés par
la police.

Rdv : samedi 16 janvier, manifestation de soutien aux inculpés. Lundi 18
janvier, procès à 15h30 devant la cité judiciaire.

L’Etat a peur des lycéens…

Ce sont les seuls à avoir fait reculer le gouvernement l’an passé ! Mais
chat échaudé craint l’eau froide : l’Etat réprime sans scrupule leurs
mobilisations. Le 19/11 lycée Roosevelt de Reims, Fillon vient blablater
sur l’égalité des chances, des lycéens se rassemblent devant le lycée,
les flics bouclent le périmètre, les coincent dans la rue pendant des
heures puis chargent violemment : plusieurs jeunes à l’hosto dont un
sévèrement tabassé à l’écart (les deux genoux fracturés). 10
manifestants sont interpellés, 4 majeurs acceptent la comparution
immédiate après une GAV faite de brimades et d’intimidations et écopent
de peines de prison avec sursis. A Nantes le 1/12 même topo : manif
lycéenne qui se ballade de lycée en lycée, les flics qui la suivent
finissent par charger une fois le cortège coincé dans une rue très
étroite, ils gazent, matraquent, pourchassent les manifestants et en
interpellent 10 qu’ils menottent à des arbres avant de les embarquer. Le
16/12 c’est au tour de la manif des lycéens de Lyon : arrestations
ciblées et chasse à l’homme, l’un des lycéens pourchassés saute par
dessus un muret et fait une chute qui lui vaut une fracture du fémur. Le
lendemain, le 17, ça se passe à Poitiers les flics interviennent
brutalement pour débloquer un lycée et arrêtent un lycéen (pas vu depuis
longtemps sur un blocage). Le même jour à Dijon un rassemblement de
lycéens est assez violemment dispersé par les flics qui arrêtent
quelques personnes au faciès. Dans les jours qui suivront les lycéens
organisent plusieurs manifs pour protester contre les violences
policières, qui seront elles aussi violemment réprimées (les flics
auraient même pété les vitres d’une voiture en tabassant un manifestant
contre le véhicule). Solidarité avec le danger lycéen !

Michael Blaise, 25 ans, tué pour vol
Attention : Carrefour meurtrier

Le lundi 28 décembre 2009, Michaël Blaise, dans une situation précaire,
est appréhendé par des vigiles du Carrefour Part-Dieu à Lyon, accusé
d’avoir voulu voler une cannette de bière. Conduit dans la salle de
contrôle du magasin, molesté, il sera plaqué sur une table, et maintenu
par trois agents exerçant une forte pression sur lui, jusqu’à ce que les
cris se transforment en râle, jusqu’au coma… Il en est mort. Des vigiles
aux méthodes policières ? Rappelons-nous Abdelakim Ajimi, 22 ans, mort
le 9 mai 2008 à Grasses de l’application des méthodes d’interpellation,
à l’époque une « clé d’étranglement ».

Le samedi 2 janvier, 30 personnes se sont rassemblées devant l’entrée du
Carrefour Part-Dieu. Un attroupement se forme rapidement, les gens
prennent les tracts (à lire sur : http://resistons.lautre.net/),
discutent, certains en colère, d’autres la larme à l’œil.
Les langues se
délient : untel raconte qu’il s’est fait tabasser par ces mêmes vigiles
en avril… La sortie hors de la galerie marchande se fera sous les cris
« Un mort, Deux morts, Trois morts, Avec Carrefour je Positive/
 ! », « Tabassé, Etranglé, Etouffé, Assassiné
 !
 ».

A G I R


Poitiers : Samuel et Jean-Salvy…

avaient été reconnus coupables de violences en direction des forces de
police lors de la manifestation anti carcérale du 10 octobre à Poitiers,
et condamnés à 6 mois de prison dont 1 ferme. Leur procès en appel aura
lieu jeudi 14 janvier. Rassemblement le mercredi 13 janvier, à 18h00,
devant le Palais de Justice de Poitiers.

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