Une tribune pour les luttes

Les mots ont un sens

Patrons voyous quasiment graciés pour cause de... crise !

par Napakatbra

Article mis en ligne le lundi 1er février 2010

Avec les liens
http://www.lesmotsontunsens.com/car...

1 février 2010

De 575 millions d’euros, l’amende "record" infligée au "cartel de la sidérurgie" par l’Autorité de la concurrence a lamentablement fondu à 72 millions. La Cour d’appel de Paris a en effet estimé qu’il ne fallait pas stigmatiser les entreprises délinquantes... en période crise. Pince-moi je rêve. Aïeuuu...

S’il est un concept fondamental de notre culture économique libérale, c’est bien celui de la concurrence libre et non faussée. A tel point que feu le TCE l’avait élevé au rang d’objectif principal de l’Union Européenne, devant même les Droits de l’Homme. "C’est pas rien", comme dirait l’autre. En France, c’est l’Autorité de la concurrence qui veille au respect de ce principe absolu, "pour la sauvegarde de l’ordre public économique".

Fin 2008, ce gendarme de l’économie avait condamné onze entreprises de la sidérurgie à verser 575 millions d’euros pour s’être entendues sur les prix. Une amende "record", que l’Autorité qualifiait toutefois de "minimum" au regard des infractions constatées. Si elle avait appliqué les barèmes de la Commission européenne, la douloureuse aurait atteint 1,5 milliard d’euros. Ce cartel a fonctionné pendant au moins cinq ans, de 1999 à 2004, faisant perdre entre 360 et 720 millions d’euros à ses pigeons (en premier lieu : les collectivités locales et les consommateurs, donc... nous, dans les deux cas).


Les incorruptibles

Il faut dire que les entreprises impliquées avaient mis en place un système hautement sophistiqué de partage des territoires et des clients. Leurs patrons se réunissaient régulièrement, dans de coquettes cantines parisiennes. Et gare aux fauteurs de trouble ! Un barème très strict de sanctions était couché sur le papier. Ceux qui osaient récalcitrer se voyaient illico exclus du marché pendant deux mois, avec "mise à l’index", "punitions" et "représailles" pour les récidivistes. Scarface n’aurait pas fait mieux.

La crise adoucit les moeurs

Malgré les preuves (non contestées) accumulées, ce "cartel de la sidérurgie" a fait appel. Résultat : le 19 janvier, la Cour d’appel de Paris a divisé par huit le montant de l’amende, à 72 millions d’euros ! Mais, dans cette affaire, plus que les chiffres, c’est la justification des juges qui laisse sans voix. Si les magistrats reconnaissent dans un premier temps la "gravité exceptionnelle" des faits, leurs conclusions remettent les poils dans le bon sens : tout bien réfléchi, il ne s’agirait finalement que d’une "atteinte moyennement grave à la concurrence, tempérée notamment par l’état de crise économique". D’autant que l’OCDE a récemment "incité [les autorités] à ne pas prononcer des amendes disproportionnées en temps de crise majeure". Et que les groupes impliqués ont expliqué craindre que "le volume des amendes obèrent [sic] leurs capacités d’investissement", amendes qui "menacent finalement l’emploi".


Pourquoi se gêner ?

On respire très fort, on se frotte les mirettes, et on relit mot à mot, le doigt sur l’écran. Un heure et trois coups de fil plus tard (histoire de bien confirmer, heinh), le verdict tombe : la libre concurrence, c’est bien, mais en période de crise, il faut savoir pardonner ! En clair : tu gruges 500 millions, au pire, on t’infligera une amendine de 72 millions. Pourquoi se gêner ? La balle est maintenant dans le camp de Mâme Lagarde, qui tarde à décider d’un éventuel pourvoi en Cassation. Au vu de l’absence totale de médiatisation de l’affaire, on doute...

(Article publié sur le site "Les mots ont un sens")

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