Une tribune pour les luttes

"...la France n’abandonnera pas les femmes qui n’ont pas la liberté".

Davy, expulsée vers le Nigéria dans l’indifférence, alors qu’elle fuyait la prostitution forcée

Laurence Hardouin, Présidente du Groupe Local de la Cimade Bayonne

Article mis en ligne le vendredi 5 février 2010

Davy Queen est née en Sierra-Léone au début des année 80. Quand la guerre éclate ses parents la confie à la grand-mère paternelle qui vit au Nigeria. Elle ne reverra plus ses parents, sans doute tués durant le conflit. Lorsque elle a 18, 19 ans, des hommes proposent à la grand-mère de l’amener en Europe pour travailler, sans qu’il soit précisé la nature dudit travail.

Elle arrivera alors sur le sol de France, pour fouler immédiatement les trottoirs de Lyon, privée de son passeport, livrée à la prostitution. "C’est ça" lui dit-on, "ou ta grand-mère mourra".

Pendant des années son quotidien sera celui-là, sordide, ses "protecteurs" venant chercher leur part du butin chaque mois... Elle n’apprendra que très tard que le corps de sa grand-mère pourrissait dans la brousse !

Davy Queen a été arrêtée en ce mois de janvier à la frontière, à Hendaye, alors qu’elle espérait gagner l’Espagne.

Elle a alors connu un nouvel enfer, celui de la rétention administrative, dans l’attente d’un départ vers le Nigéria, pays qui n’est pas le sien et ou personne ne l’attend, sauf peut être quelques "protecteurs" soucieux de son avenir....

C’est le préfet des Pyrénées-Atlantiques qui en a décidé ainsi et les juges n’ont rien trouvé à y redire.

Mais Davy Queen est bien décidée à ne pas se laisser embarquer comme ça ! C’est que toutes ces années passées à arpenter les trottoirs de France ne l’ont pas totalement détruite, au contraire, elle a la rage de survivre, elle le mérite bien, elle n’a pas supporté tout ça pour finir au Nigéria !

Le Jeudi 21 Janvier 2010 c’est la cérémonie des vœux à l’aéroport de Biarritz, tous les élus sont là, les Maires de Bayonne, d’Anglet de Biarritz....

C’est à ce moment là, que la police aux frontières amène Davy pour embarquer, mais Davy hurle, se débat, se dénude et se jette par terre, elle finit même par se blesser à la tête !

La presse assiste en direct à "un refus d’embarquement", au désarroi et à la détresse de cette femme noire dont ils ignorent tout, mais qui laisse à penser qu’elle ne part pas en vacances ou pour affaire !

Des élus, nulle réaction ! l’un d’entre eux dira même avoir cru qu’il s’agissait d’un caprice d’enfant !

Davy elle est amenée à l’hôpital, points de suture, scanner, une nuit en observation sous bonne garde et retour au centre de rétention.

Le week-end qui suit, se passe dans l’attente, sa rétention s’achève le 27 janvier. Davy est toujours bien décidée à ne pas s’en laisser compter.

Le Lundi 26 Janvier, le Chef du Centre vient voir Davy, il lui annonce qu’un nouveau vol est prévu cet après-midi même. Il lui assure que si elle ne veut pas monter dans l’avion il lui suffira de le dire, ce n’est pas la peine de prendre le risque qu’elle se blesse à nouveau. Non, tout ira bien, elle reviendra au centre de rétention, d’ailleurs pour lui prouver sa bonne fois, le chef lui dit qu’elle peut laisser ses bagages au centre et ne prendre que le minimum, puisque c’est promis elle va revenir.

Davy s’en va à 14 h, un petit sac à la main, sûre d’elle, de sa force de volonté, de sa volonté de vivre enfin dignement.

Davy ne reviendra pas au centre de rétention, ses bagages y sont encore mais, forcée d’embarquer sous très bonne escorte ( venue spécialement depuis Paris pour calmer la récalcitrante) elle a disparu sans plus d’explications et a atterri au Nigeria le 27 Janvier 2010.

J’ai le souvenir d’un soir d’élection, où celui qui est devenu Président de la République Française disait : "à toutes les femmes martyrisées dans le monde, je veux leur dire que la fierté de la France sera d’être à leurs côtés...la France n’abandonnera pas les femmes qui n’ont pas la liberté".

J’étais très triste ce soir là, aujourd’hui, je le suis encore.

Précision :

Je fais suite à mon billet d’humeur ou j’écris « Des élus, nulle réaction »… ». J’indique que j’ai reçu un coup de téléphone de Mme Aude Lapoyade, élue d’Anglet et présente aux vœux de l’aéroport. Je précise que j’entend par "nulle réaction", l’absence de dénonciation par voie de presse...

Laurence Hardouin


Pays Basque

Expulsée lundi dernier vers le Nigeria, « Davy Queen n’a pas fait de caprices"

par Sébastien VAÏSSE

http://www.lejpb.com/paperezkoa/201...

02/02/2010

Triste, Laurence Hardouin, avocate de la Cimade se rappelle « d’un soir d’élection, où celui devenu Président de la République Française disait `à toutes le femmes martyrisées dans le monde, que la fierté de la France sera d’être à leurs côtés... la France n’abandonnera pas les femmes qui n’ont pas la liberté’ ».

Une déclaration de l’avocate de la Cimade on ne peut plus claire, qui fait bien sûr suite à l’affaire Davy Queen du nom de cette jeune Sierra Leonaise sans papiers, renvoyée lundi dernier, après une rétention médiatique au CRA d’Hendaye, vers le Nigeria... « pays qui n’est pas le sien et où personne ne l’attend » précise Laurence Hardouin.

« Nulle réaction »

Et de dénoncer les conditions de cette expulsion et notamment l’épisode plutôt mouvementé du jeudi 21 janvier, jour de voeux à l’aéroport de Biarritz. Rappelons peut-être que Davy Queen, a été arrêtée le mois dernier à la frontière d’Hendaye après plusieurs années de prostitution forcée à Lyon et alors qu’elle espérait gagner l’Espagne. Bien décidée toutefois à ne pas se laisser embarquer, la police aux frontières tente une première fois, ce fameux 21 janvier, de mettre la jeune femme dans un avion... sans succès. Davy Queen « hurle, se débat, se dénude, se jette par terre et finit même par se blesser à la tête »... devant un aréopage d’élus présents ce jour-là pour la traditionnelle cérémonie des voeux.

Justement, « des élus, nulle réaction ! l’un d’entre eux dira même avoir cru qu’il s’agissait d’un caprice d’enfant » se désole Laurence Hardouin qui rappelle que Davy Queen a tout de même passé une nuit en observation à l’hôpital.

Qu’importe, sa rétention s’achevant le 27 janvier, la police des airs et des frontières réitère sa tentative d’expulsion la veille (26 janvier), mais cette fois avec succès. Quant à la méthode, Laurence Hardouin n’en revient toujours pas : « le lundi 26 janvier, le chef du centre est venu voir Davy pour lui annoncer qu’un nouveau vol était prévu l’après-midi même » tout en lui assurant « qu’elle reviendra au centre de rétention. D’ailleurs, pour lui prouver sa bonne foi, le chef lui a dit qu’elle pouvait laisser ses bagages et ne prendre que le minimum ». Or force est de constater que Davy Queen n’est jamais revenu au centre de rétention d’Hendaye : « forcée d’embarquer sous très bonne escorte (venue spécialement de Paris pour calmer la récalcitrante) Davy Queen a disparu sans plus d’explications et a atterri au Nigeria le 27 janvier 2010. Ses bagages sont encore au centre de rétention de Hendaye » conclut l’avocate de la Cimade.

Une situation que dénonce également la plate-forme pour la Marche Mondiale des femmes en Pays Basque Nord qui critique vivement « la non-dénonciation de cet état de fait ainsi que le silence des élus du Pays Basque, qu’ils soient de droite ou de gauche ».

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