Une tribune pour les luttes

Le Torchon dauphinois

Caterpillar, une gestion au buldozer

Article mis en ligne le vendredi 12 février 2010

7 février 2010

L’entreprise Caterpillar vient de publier ses résultats : elle a réalisé d’importants bénéfices en 2009, et a réussi à trouver de l’argent pour rémunérer ses actionnaires. Elle n’en avait pourtant pas trouvé pour ses salariés : en 2009, 22000 d’entre eux ont été licenciés dans le monde, dont 600 à Grenoble.

Caterpillar a gagné de l’argent en 2009. C’est ce que viens d’annoncer Jim Owens, son PDG [1]. L’entreprise américaine a réalisé un bénéfice de 895 millions de dollars en 2009. La presse économique a retenu que ce chiffre a beaucoup chuté par rapport a l’année précédente (près de quatre fois moins), nous retiendrons surtout que les actionnaires recevront tout de même 1,43 dollar par action.
« Nos employés, revendeurs et fournisseurs partout dans le monde ont œuvré ensemble pour atteindre ces résultats, et nous les remercions pour leur travail et leurs sacrifices » explique Jim Owen. Peut être par « sacrifice » entend-t-il les 22000 salariés licenciés au cours de l’année, dont 600 à Grenoble. Il n’en parle en tout cas nulle part ailleurs. Des sacrifices qui visent à « maintenir le taux de dividende » des actionnaires. Les résultats 2009 de Caterpillar sont plus élevés que prévus. Peut être que l’armée de comptable et d’économistes qu’emploie Caterpillar avait vraiment prévu une grave crise, peut être avait-elle réellement peur de la faillite de la société ? Peut être, après tout, que ces bénéfices ne sont qu’une divine surprise, un rayon de soleil dans les nuages, et que les licenciement étaient justifiés par cette peur.

Pas vraiment. Sur le coin du bureau traînent encore quelques articles glanés en janvier 2009, au moment de l’annonce des suppressions de poste chez Caterpillar : « L’entreprise étudie un plan social en raison des difficultés économiques » expliquait alors le Dauphiné Libéré. « Les difficultés rencontrées par Caterpillar sont bien réelles » renchérissait, en expert, le maire socialiste de Grenoble Michel Destot [2].
En quelques clics sur le site internet de Caterpillar, on pouvait lire ça : « nous enregistrons en 2007 notre cinquième année consécutive de ventes et de revenus records. Et notre quatrième année consécutive de bénéfices record ». Le site internet de l’entreprise insiste sur « l’intégrité de la gouvernance d’entreprise », la « responsabilité sociale », et même sur la « solidité financière ».


La crise, c’est comme les soldes

Ça continue en 2008 : « Malgré [La crise mondiale], le Team Caterpillar a enregistré des records en 2008. Les ventes et les revenus ont atteint 51 milliards de dollars, dépassant notre objectif pour 2010 […] avec deux années d’avance. […] En parallèle, nous avons apporté de la valeur à nos actionnaires en augmentant le dividende versé de 17% […] ». Mais James W. Owen a quand même un cœur : « J’ai conscience que ces mesures ont perturbé l’existence de nos employés et de leur familles et je déplore que nous ayons été contraint de les appliquer » Il est gentil. Il enchaîne : « Cela dit, la préservation de la viabilité à long terme de notre société exige des mesures draconiennes ».

Le Journal des finances nous expliquait alors que « le plan de relance de la nouvelle administration de Barack Obama devrait pleinement contenter Caterpillar. Le géant mondial des engins de chantier sera en première ligne pour profiter des quelque 480 milliards de dollars prévus pour moderniser les infrastructures aux Etats-Unis ». Au cas ou l’entreprise n’aurait pas assez d’argent pour ses actionnaires, elle peut toujours prendre de l’argent public. Le Journal des finances nous conseillait d’ailleurs de boursicoter en passant « à l’achat spéculatif sur le titre pour jouer son rebond à moyen terme dans la perspective du redressement de l’économie américaine » [3]. C’est bien ça le plus important. Pour certains, la crise, c’est les soldes !

Pour 2010, Caterpillar table sur une hausse des bénéfices de 10 à 25% et sur 2,50 $ de dividende par action. Au vu de ces chiffres, on ne peut pas franchement dire que Caterpillar ai connu des difficultés financières ces dernières années. Les salariés de l’usine d’Echirolles l’avaient bien compris en luttant pendant plusieurs mois contre le plan de licenciement.

Résumé d’une lutte, avec Pierre Piccarreta, délégué syndical CGT.

Depuis fin 2008, les salariés enchaînent les semaines de chômage technique. L’entreprise Caterpillar est, comme les autres, touchée par la crise financière, débutée, rappelons le, par une gestion médiocre de leur argent par les banques dans l’optique d’obtenir plus de profit.

Début 2009, la direction annonce qu’elle va réduite drastiquement ses effectifs : « Au départ, la direction nous à annoncé 600 suppressions d’emplois sur 2700, et 450 si on négociait sur le temps de travail. Ils voulaient faire ça dans un accord cadre. Nos avocats nous ont conseillés de refuser, pour demander un vrai PSE (plan de sauvegarde de l’emploi, encore un terme de la novlangue économique, qui veut dire, gentiment, qu’une entreprise va licencier, Ndlr), qui est plus cadré. On a refusé, et deux semaines après la direction nous a sortit le chiffre de 733 suppressions de postes » explique Pierre Piccarreta, un syndicaliste CGT qui fut l’une des figures de proue de la lutte.

S’en suivent plusieurs semaines de grèves, d’occupation de l’usine et quelques actions choc, notamment celle, très médiatique, de la retenue d’une partie de la direction dans les locaux.

Les syndicats sont dépassés par certains salariés, qui créent un comité de grève pour continuer à mener la lutte comme ils l’entendent. « Si les syndicats ne sont pas forts et unis, ils n’arrivent pas à constituer un rapport de force important. Ça s’est traduit par la création d’un comité de grève car les salariés les plus virulents n’avaient plus confiance en leurs élus » résume Pierre Piccarreta.

La direction de Caterpillar avait annoncé 733 suppressions d’emplois, mais le nombre pouvait être réduit à 600 si les salariés acceptaient de négocier sur les conditions de travail. « On a pu réduire l’agressivité de cette nouvelle organisation du travail, mais on n’a pas négocié dans des conditions sereines. On avait une épée de Damoclès au dessus de la tête : ces 133 emplois que la direction menaçait de supprimer en plus. C’est du chantage à l’emploi, une stratégie bien connue et souvent utilisé par le patronat » raconte le délégué syndical.

« Notre première revendication, c’était de faire diminuer le nombre de licenciements, et on n’y est pas arrivé. Pourtant, Caterpillar avait largement les moyens de faire autrement. En 2008, on annonce des profits records, et quelques temps après on parle d’un plan de suppression de poste. Le groupe Caterpillar a profité du contexte de crise pour supprimer des emplois et des acquis sociaux » regrette t-il.

Le site des salariés grévistes : http://www.les-cater-enlutte.fr/

La rédaction

Notes

[1] http://www.cat.com/cda/files/205711...

[2] http://www.ledauphine.com/index.jspz?article=89818

[3] http://www.jdf.com/dossier/2009/01/...

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