Une tribune pour les luttes

Relisons Paul Lafargue !

Article mis en ligne le mercredi 24 mars 2010

http://www.actuchomage.org/20100324...

Réédité au prix modique de 7 € et préfacé par Gérard Filoche, ce livre indispensable, écrit en 1880 par le gendre de Karl Marx, est toujours d’actualité.

Dénonçant le culte du travail et l’exploitation sauvage des hommes (et de la nature) qu’il cautionne, prenant à contre-pied les idées de son époque, celui qui repose à côté de son épouse Laura au cimetière du Père-Lachaise introduisait ainsi son pamphlet : « M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l’instruction primaire de 1849, disait : "Je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir, et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : "Jouis". M. Thiers formulait la morale de la classe bourgeoise dont il incarna l’égoïsme féroce et l’intelligence étroite. »

Paul Lafargue (1842-1911) inspira ensuite le virulent constat d’Emile Pouget dans son manifeste de 1910 intitulé Le Sabotage : « L’oisiveté serait mère de tous les vices et le travail une vertu, la plus belle de toutes les vertus... Il est inutile d’observer que cette morale est à l’usage exclusif des prolétaires, les riches qui la prônent n’ayant garde de s’y soumettre : l’oisiveté n’est vice que chez les pauvres. » En effet, confirme Gérard Filoche dans son excellente présentation. Rappelant que Le droit à la paresse a été fustigé par Christine Lagarde, à peine nommée à la tête du ministère de l’Economie et des Finances, dans un incroyable discours proféré le 10 juillet 2007 à l’Assemblée nationale afin d’encenser la fameuse "valeur travail" de maître Sarkozy, il affirme à juste titre que « jamais personne ne s’est enrichi par le travail, il n’y a que Mme Lagarde pour croire qu’il "met l’ensemble des professions sur le même pied". Les seuls enrichis l’ont été parce qu’ils exploitaient le travail des autres. »

Lafargue, lui, fustigeait « les philanthropes [qui] acclament bienfaiteurs de l’humanité ceux qui, pour s’enrichir en fainéantant, donnent du travail aux pauvres. Et les économistes [qui] s’en vont répétant aux ouvriers : Travaillez pour augmenter la fortune sociale ! Et les philanthropes de l’industrie de profiter des chômages pour fabriquer à meilleur marché. » Selon lui les Droits de l’homme, « concoctés par les avocats métaphysiciens de la révolution bougeoise », ne sont que les droits de l’exploitation capitaliste et le "droit au travail", tant réclamé par ses adeptes, est celui de la misère.

Dénonçant les dégâts de la surproduction qui génère du chômage, ce visionnaire savait déjà qu’elle créait des « besoins factices », que « les produits sont adultérés pour en faciliter l’écoulement et en abréger l’existence » et que cette frénésie, « désastreuse pour la qualité des marchandises », va jusqu’à « violer même les lois de l’honnêteté commerciale ». A l’heure où nous subissons une crise à la fois financière, économique, managériale, sociale et environnementale, résultat de 120 années de capitalisme plus ou moins décomplexé, le dogme du travail et de la croissance à tout prix est bel et bien dans une impasse.

Ainsi Lafargue s’adressait à la classe ouvrière qui, « avec sa bonne foi simpliste, s’est laissée endoctriner, parce que, avec son impétuosité native, elle s’est précipitée dans le travail et l’abstinence », meurtrissant sa chair et tenaillant ses nerfs, sacrifiant l’éducation de ses enfants et la sienne, sa capacité d’amour et de bonheur. Il rappelle qu’autrefois le travail, source de mépris, était réservé aux esclaves et que « l’homme libre ne connaissait que les exercices corporels et les jeux de l’intelligence » ; aujourd’hui, « toutes les misères individuelles et sociales sont nées de la passion pour le travail ».

A lire d’urgence !

Le droit à la paresse de Paul LAFARGUE - Ed. Le passager clandestin - 80 p. - 7 €

S

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Vos commentaires

  • Le 24 mars 2010 à 10:09, par Christiane En réponse à : Relisons Paul Lafargue !

    Et en consultation libre sur le net (ce qui est moins agréable certes !)

    http://www.aredje.net/lecture.txt/p...

    Paul LAFARGUE : Le droit à la paresse

    * Avant-propos

    * Chapitre I : Un dogme désastreux

    * Chapitre II : Bénédictions du travail

    * Chapitre III : Ce qui suit la surproduction

    * Chapitre IV : A nouvel air, chanson nouvelle

    * Chapitre V : Appendic

  • Le 24 mars 2010 à 10:34, par Christiane En réponse à : Et à écouter aussi :

    sur l’actualité du très très court Discours de la servitude volontaire .
    rédigé par la Boétie, un jeune homme d’à peine 18 ans !

    http://sites.radiofrance.fr/chaines...

    Invités

    Jean-Michel Delacomptée. Écrivain, maître de conférences en littérature

    David Munnich. Philosophe

    Jean-Léon Beauvois. Psychologue social

    François Vaillant. Militant non-violent, rédacteur en chef de la revue "Altenatives Non-Violentes"

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