Une tribune pour les luttes

Collectif RTO

Contrôles CAF : le harcèlement doit cesser

+ Actuchômage : des radiations qui donnent envie de mourir.

Article mis en ligne le dimanche 25 avril 2010

http://www.collectif-rto.org/spip.php?article849

Réseau Solidaire d’Allocataires

Samedi 24 avril 2010

La chose était devenue rare : faire annuler les conséquences d’un contrôle CAF sur une femme isolée en une occupation.

Est-ce l’acharnement du collectif ces derniers mois, toutes ces femmes qui se sont battues, qui ont tenu bon face au mur, au mépris, aux menaces, aux intimidations ?

Est-ce l’audace de ces allocataires poussées dans l’abîme et qui osent remonter, une à une les marches de l’escalier jusqu’aux Présidences de Conseil Général, responsables en dernier lieu des décisions de suppression du RSA, suite aux contrôles ?

Bref, les CAF commenceraient-elles à comprendre que certains précaires ne se laissent pas faire ?

En tout cas, l’histoire de Mlle D. est emblématique : mère d’un enfant, son époux est à l’étranger...depuis plusieurs années et n’a jamais contribué financièrement à l’entretien de son enfant.

Son mariage était connu de la CAF depuis des années également. Mais c’est en août 2009, au moment où elle a engagé une procédure de divorce qu’un contrôle est brusquement déclenché !

C’est aussi un moment difficile matériellement, Mlle D. a vu son hébergement interrompu, elle vit dans une chambre d’hôtel, prépare un diplôme en même temps qu’elle cherche du boulot.

Très banalement, le contrôleur lui déclare rapidement savoir mieux qu’elle ce qu’elle fait de sa vie : pour lui, elle est en « vie maritale » avec son époux, même si celui-ci n’est pas venu en France depuis bien longtemps, même s’il n’est pas solidaire financièrement.

Pas de domicile commun, pas d’intérêts communs, mais le contrôleur est roi.

Elle fournit pourtant les attestations de l’avocat concernant la demande de pension alimentaire qui a été faite, ainsi que tous les documents demandés par le contrôleur. Des relevés de compte notamment. Mais celui-ci les voudrait TOUS sur deux ans en arrière. Mlle D. lui explique qu’elle a eu de très gros problèmes de logement, qu’elle en a toujours, que ses papiers sont donc pour certains perdus ou éparpillés. Chaque relevé demandé à la banque coûtant dix euros, elle ne peut tout simplement pas accéder à sa demande.

Elle reçoit ensuite une demande de déclaration des revenus de son époux. Elle ne peut évidemment rien en dire, ni fournir quelque pièce que ce soit.

Résultat : à partir de décembre 2009, coupure des prestations, RSA majoré (ex-API) et allocation logement. Sur son dossier Internet, elle apprend qu’elle est considérée en « vie maritale » avec son époux, et que celui-ci aurait 99 999 euros de revenus par an !

La bataille individuelle ne donne rien, hormis le versement de deux mois de RSA non majoré en rappel, au mois de mars. Sans aucune explication. Après avoir contacté la permanence du Réseau Solidaire d’Allocataires, elle demande le rapport de contrôle. En vain.


Occupation de la CAF de la Croix Berny, donc.

Nous nous massons dans le hall d’accueil, distribuons nos tracts, sans rien demander. Nous avons pris un ticket, comme tout le monde, nous avons tout notre temps, et ne souhaitons pas passer devant les autres allocataires.


Malaise derrière les guichets.

Au bout de dix minutes, une salariée demande « Chaque personne dans la salle a un ticket pour elle même ? ». Nous répondons que nous en avons un pour quinze en ce qui nous concerne.

Embarras. On nous demande ce qui se passe, nous répondons que nous sommes venus débloquer un blocage tout simplement. Presque timidement, on nous demande alors le numéro du dossier.

Assez rapidement, deux cadres se présentent, la directrice et son adjoint. Nous amènent dans le seul guichet qui dispose de chaises. Enfin, nous sommes quinze, alors cela ne sert pas à grand-chose.

Nous posons nos exigences : fourniture immédiate du rapport de contrôles, explications sur la suppression des allocations sans respect aucun de la procédure déjà inique, et rétablissement des prestations, puisque le dossier est sans aucune ambiguïté.


On ne nous dit même pas non.
Fébrilement, on commence à examiner le dossier informatique. L’adjoint de la directrice a l’air plutôt embêté qu’autre chose, et ce d’autant plus que l’ordinateur ne marche pas bien, l’imprimante est en rade, bref la vie rêvée des salariés de la CAF. Aucune insonorisation, à côté, nous entendons un allocataire suivre nos conseils et exiger fermement un refus écrit et motivé concernant sa demande d’allocation logement.

Assez rapidement cependant, l’adjoint de la direction convient qu’il y a un problème, un gros problème sur le dossier de Mlle D. : ils n’ont aucun élément concret permettant de conclure à une vie maritale, ils ont bien par contre des éléments prouvant le contraire, la demande de pension alimentaire faite par son avocat, le document attestant de l’attribution de l’aide juridictionnelle (six mois d’attente), donc un ensemble d’éléments attestant de la procédure de divorce en cours.

Très vite aussi, il nous indique que les prestations vont être immédiatement rétablies. Un peu étonné de notre réaction : ça va un peu trop vite pour être clair tout ça, nous maintenons nos exigences, le rapport de contrôle , maintenant et un écrit concernant le rétablissement des allocations, ou l’évacuation policière. Embarras.


L’allocataire remet très clairement les choses en place :
ce qui est en jeu, ici, ce n’est pas une « erreur », mais une volonté délibérée de détruire sa vie. Il ne s’agit pas de papiers, mais de décisions qui ont presque abouti à transformer une existence déjà précaire en cauchemar, avec la rue comme seul avenir à très brève échéance.

Nous soulignons pour notre part que la situation est classique, acharnement contre les mères isolées.

La réponse de l’adjoint à la direction est éloquent dans ce qu’il croit avoir entendu, ce qui sous tend aussi cet acharnement :

« Nous ne prenons pas en compte la nationalité, elle n’a rien à faire là dedans ».

Nous n’avons pas prononcé ce mot, nous n’avons à aucun moment évoqué le racisme d’Etat. Mais devant lui, ce cadre a une jeune femme de nationalité française, mais noire. Sans commentaires, ils sont inutiles.

La directrice revient. Elle est troublée, hésitante, mi-agressive, mi-désolée. Assez représentative des salariés de la CAF, finalement. Elle tend le rapport de contrôle, confirme le rétablissement des prestations, puis se lance dans un


« Je voulais quand même vous dire, mademoiselle... ».

Et tente de trouver des failles dans le comportement de l’allocataire.

Documents non remis ? Le dossier atteste le contraire. Alors une attaque sexiste : la vie de Mlle D n’est pas claire, elle a déjà demandé le divorce auparavant puis a abandonné la procédure, alors ?

Alors nous sommes des femmes, toutes, l’allocataire, cette directrice, et une bonne partie d’entre nous, dans le collectif, et les hommes sont parfaitement conscients du contenu réactionnaire des contrôles CAF.

Par conséquent, notre réponse est simple : la directrice de la CAF a comme nous une vie amoureuse non ? Les complications, la complexité, les sentiments et les enfants faits ensemble, l’espoir de renouer une relation puis la fin définitive, elle ne connaît pas ? Elle trouverait ça normal, elle, de devoir répondre là-dessus à un inconnu, ou à son patron ? Dévoiler son intimité ou risquer de perdre son salaire ? Elle ne lit pas Voici, elle connaît pas les histoires de Carla Bruni ? Celle-ci est-elle la seule à avoir le droit de vivre sa vie, avec Ségolène Royal et Rachida Dati, dans ce pays ? C’est quoi la différence entre elles et nous ?

Et une barrière tombe quand même. Oui, la directrice est une femme, et une salariée, pas la voix désincarnée de la CAF et de Martin Hirsch.

« Que nous soyons d’accord ou pas, nous sommes là pour appliquer une réglementation, qu’elle soit juste ou non ».

C’est pas grand chose, cette phrase, mais nous, on la prend comme un effort, une mise à nu. Et elle permet de finir cette occupation sur quelques mots échangés pour de vrai, sur l’enfer des deux côtés du guichet.

Et le rétablissement des prestations.

Le rapport de contrôle ? Un exemple de la littérature anti-précaires, et les mots sont une arme de destruction massive.

C’est un contrôleur «  stagiaire » qui a effectué l’« enquête ». Même les flics sont précaires de nos jours.

Et c’en est un qui se rêvait héros de série policière du vendredi soir, celui-là.

Avant de rendre visite à Mlle D ; il est allé « enquêter »
- chez la femme qui l’a hébergé avant qu’elle trouve un hôtel
- à la crèche où son enfant est inscrit pour savoir si elle venait avec un homme
- à son hôtel, en son absence.

Quatre pages de mauvais polar, sans crime et sans meurtrier, juste une coupable sur la base de son "intime conviction".

Quatre pages ou l’indigence du style, l’absence totale d’arrière plan n’empêche pas cependant de savoir quelle réalité se cache derrière ce scénario absurde qui a abouti à la plongée en enfer de Mlle D.

La réalité brute de la domination et de la volonté d’écraser les pauvres, et les femmes pauvres, de les domestiquer, la réalité du pouvoir absolu, celui d’une société capitaliste et patriarcale.

Et la solidarité entre pauvres qui peut commencer à la faire voler en éclats, maintenant.



- Contrôle CAF, refus du RSA ?
- Avec le RSA vos revenus baissent et vous n’y comprenez rien ?
- On vous refuse la prime pour l’emploi
- Vous galérez avec la CAF, l’ANPE, la Sécu, ou les services sociaux ?

Avec ou sans papiers, avec ou sans emploi, la solidarité est l’arme des précaires !

Venez nous rencontrer, vous informer, rencontrer d’autres précaires pour faire valoir vos droits aux permanences de lutte du Réseau Solidaire d’Allocataires.

A Paris : tous les mardis de 18H 19H30 à la Maison des Associations du 18ème arrondissement, 15, passage Ramey, métro Marcadet- Poissonniers Contact Tel : 09 54 70 66 22 Mail : ctc.rsa chez gmail.com Site : http://www.collectif-rto.org

Chaque semaine, nous sommes présents devant des agences Pôle Emploi et des CAF d’Ile de France. Contactez nous par mail pour les dates et lieux exacts. Si vous nous écrivez pour un problème précis, n’oubliez pas d’indiquer votre département d’origine !


A Marseille :

Permanences d’AC ! Marseille
- tous les MERCREDIS, JEUDIS, VENDREDIS au local de Mille Bâbords, 61 rue Consolat 13001 (Métro Réformés) :
Mercredi de 10 h à 12 h Jeudi de 9 h à 12 h, Vendredi de 15 h à 18h - Tél : 04 91 50 76 04 / 06 60 41 82 14
- Mel : acmarseille chez gmail.com

L’assemblée contre la précarisation se réunit
tous les lundi à 18h
Local de Mille-babords / 61 rue Consolat 13001 (Métro Réformés)
http://contrelapreca.eklablog.com/


Actuchômage
http://www.actuchomage.org/20100425...

Dimanche, 25 Avril 2010


Pôle Emploi : des radiations qui donnent envie de mourir

Le site Recours-Radiation nous alerte sur le cas de Sandrine, qui a posté un message totalement désespéré sur leur forum...

Créé en 2008 afin d’informer et aider les chômeurs victimes de radiations abusives à se défendre contre la politique menée par Pôle Emploi (et le gouvernement, qui lutte contre le chômage en persécutant ceux qui en font les frais), l’indispensable site www.recours-radiation.fr est le témoin de situations hallucinantes que Benoît Genuini, le médiateur démissionnaire, s’est évertué à minimiser dans son tout premier rapport.

Voici le message de Sandrine, inquiètant au plus haut point (http://www.recours-radiation.fr/obs... :

24 avril 2010

LETTRE OUVERTE AVANT DE QUITTER CE MONDE VOLONTAIREMENT

Le STRESS AU TRAVAIL est un sujet devenu à la mode pour tous nos politiciens qui veulent obtenir nos votes. Mais ils ne devraient pas oublier le STRESS DU CHÔMEUR, car il y aura bien plus de dégâts humains dans ce secteur.

Avant d’en finir avec cette vie, je tiens à dire que le Pôle emploi est une entreprise à broyer les humains.

J’ai perdu mon emploi en 2005 parce que je me faisais opérer de la 2ème plus importante maladie neurologique, à savoir l’épilepsie. Mon préavis, je l’ai passé sur le billard de l’hosto.

Je croyais que c’était ce qui m’arrivait de pire, mais non. Ce n’est ni la maladie, ni la perte de cet emploi qui aura détruit mon envie de vivre mais plutôt le Pôle emploi. Car même mon ancien employeur a été condamné par les Prud’hommes pour licenciement abusif au regard du Code du travail. Mais au regard du même Code, le Pôle emploi est autorisé à radier les personnes qui se retrouvent hospitalisées.

Je suis retournée en opération ce mois de février et j’ai été radiée du Pôle emploi (1er broyage, comme si ça me plaisait de me faire charcuter le crâne, puisqu’une conseillère m’a dit que je partais à l’hosto pour ne pas avoir à chercher de travail…). En mars après l’hôpital : arrêt maladie pendant lequel j’apprend par mail et non par courrier que je suis radiée.

La CPAM m’a donné une somme d’indemnités journalières supérieure à l’allocation que me donnait le Pôle emploi, chaque administration calcule comme elle a envie les sommes qu’elle donne !!!!!!! Est-ce normal !!?!!

Enfin là, le Pôle emploi m’achève (2ème broyage) car, suite à ma réinscription à la sortie de l’arrêt maladie, hier, cette administration m’envoie un mail, (toujours pas de courrier postal) pour me dire que je n’ai plus le droit à une allocation, et un mail pour me dire qu’ils se sont aperçus qu’ils m’avaient donné trop d’argent en septembre 2009 (cumul avec un CDD) ; un peu tard pour s’apercevoir de leur erreur, mais ils sont heureux de m’annoncer en même temps que, premièrement, je n’ai plus de droit à une allocation après ma réinscription et que, deuxièmement, je leur dois 119 euros de trop perçu !

La maladie aura toujours été plus douce que cette société malgré trois opérations du crâne.

Autant mourir. De toute façon je n’ai rien à faire sur cette planète.

Merci à tous ces politiciens qui se disent si proches de nous. Oui, ils le sont, mais surtout pour nous achever.

Je souhaite bon courage à tous les chômeurs de France et surtout à tous ceux qui cumulent le chômage et la maladie. Attention : un employeur lambda ne peut vous licencier parce que vous êtes malade alors que Pôle emploi le peut par une radiation express, alors qu’il dépendent du même Code du travail.

Je n’ai plus la force de me battre contre cette machine à broyer de l’humain, et tout ça par mail ou SMS mais même plus par courrier postal, je mets à jour mes papiers, mes dernières volontés et je m’en vais de ce monde.

Sandrine

Clair qu’une chômeuse de moins, à la santé fragile de surcroît (ça n’intéresse pas les employeurs), c’est tout bénef pour les statistiques officielles. Clair qu’une chômeuse morte, c’est une bouche en moins à nourrir qui va soulager des caisses déficitaires. Crevez, bonnes gens !

HONTE À PÔLE EMPLOI,
HONTE À CE GOUVERNEMENT,
HONTE À NOS POLITIQUES,
HONTE AU SYSTÈME ÉCONOMIQUE MONDIALISÉ qui broie sans état d’âme des millions d’existences sur la planète entière. Car pour eux tous, la vie n’a aucun prix.

Retour en haut de la page

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

Luttes c'est aussi ...

0 | 5 | 10 | 15 | 20 | 25 | 30 | 35 | 40 | ... | 1125