Une tribune pour les luttes

« Monsieur le président, je suis la 15ème veuve de l’amiante à vous écrire ... »

Article mis en ligne le jeudi 29 avril 2010

Vidéo de la marche silencieuse des Veuves de l’Amiante du 14 avril 2009
http://www.youtube.com/watch?v=zhTZ...

La 21ème marche autour du Palais de justice de Dunkerque des veuves de Dunkerque a eu lieu hier 29 avril 2010. Avec leur association, l’Ardeva (association régionale de défense des victimes de l’amiante), elles réclament le procès pénal des responsables de ce qui a tué leurs maris et qu’elles attendent en vain depuis 13 ans. A l’issue de chaque marche une veuve remet au sous-préfet une lettre au président de la République.

Près de dix personnes meurent chaque jour en France de l’amiante Depuis la première marche du 15 décembre 2004, la France compte 16.240 morts de plus tués par l’amiante. 100.000 morts empoisonnés par l’amiante sont programmés dans les deux prochaines décennies".


Voici des extraits de la dernière lettre remise.

Monsieur le président,

Claude, mon époux, a travaillé dès l’âge de 17 ans comme rondier, surveillant des installations, pour cette grande entreprise nationale, EDF, dont il était si fier (...).

L’amiante l’a accompagné dans sa vie professionnelle, à son insu, comme à l’insu de milliers de travailleurs. Pour Claude, c’était d’abord la centrale thermique à flamme de Lourches (...) puis les centrales nucléaires du Bugey et de Gravelines, où il a terminé sa carrière comme instructeur.

Le 9 novembre 2005, le pneumologue m’annonce la maladie foudroyante de Claude, l’épouvantable, l’insupportable diagnostic : cancer bronchique primitif 30bis consécutif à l’inhalation de poussières d’amiante.

Cette invisible tueuse l’a frappée en 42 jours ! Oui Monsieur le président, 42 jours pour en mourir à 60 ans ! L’enfer pour toute la famille, mes enfants Estelle et Aurore. Les toux sont interminables, il faut aspirer les sécrétions bronchiques jours et nuits, à chaque instant pour l’aider à respirer face aux crises d’étouffement, l’oxygène en permanence, aucun répit pour le sommeil qui disparaît, les angoisses, les pleurs, la douleur de le voir souffrir.

Je me disais que ce n’était qu’un cauchemar mais la réalité ne nous a fait aucune concession, l’atroce était toujours le quotidien, il fallait faire face. Faire face aussi à la sécurité sociale de Calais, un mur d’incompréhension, mon mari Claude est mort trop vite, ce ne pouvait pas être l’amiante ! Dix mois après, le Comité régional de reconnaissances des maladies professionnelles reconnaît la maladie professionnelle. C’est comme la silicose, on est reconnu quand on est mort.

Ce quotidien, ces souffrances subies, sa mort n’aurait ni coupable, ni responsable ? Pour ces empoisonneurs qui eux, respirent la santé accompagnée des billets de banque de leur profit. Pour les uns, c’est des parachutes dorés, des salaires exorbitants, un ancien ministre devenu comédien, pour un différent commercial obtient 1 000 fois plus qu’une veuve de l’amiante !

Ces empoisonneurs doivent rendre des comptes !

100 000 cercueils en France d’ici 2025, peut-être beaucoup plus…

L’amiante a tué Claude. EDF savait depuis fort longtemps que ce matériau cancérogène était mortel. Pourquoi a-t-on laissé faire et encourager l’usage de l’amiante pendant des décennies. Même nos enfants ont fréquenté des classes en préfabriqué amianté durant toute leur vie scolaire !

Dix morts par jour et personne n’évoque ou si peu cette catastrophe sanitaire !

Au contraire, Monsieur le Président, par votre réforme de la procédure pénale, vous voulez mettre une muselière à la justice que vous contrôlerez avec un procureur à vos ordres ! Le procès pénal des responsables ne doit pas être enterré ; d’ailleurs le 16 avril dernier, les magistrats de la Cour de cassation s’opposent à la réforme de la procédure pénale ! Je suis la 15ème veuve de l’amiante à vous l’écrire aussi. Les précédentes lettres n’ont jamais obtenu aucune réponse personnelle de votre part. Sachez, Monsieur le président, que cela n’entame en rien notre détermination lors de cette 21ème marche autour du Palais de justice de Dunkerque ce 29 avril 2010.

Ce crime social doit être à jamais imprescriptible !

Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de ma considération distinguée.

TISON Brigitte


On a su très tôt les dangers de l’amiante. En 1918, aux Etats-Unis, les assurances refusent d’assurer les travailleurs de l’amiante. En 1931, deux chercheurs britanniques découvrent le mésothéliome, le « cancer de l’amiante.

A cause du lobbying des industriels
du Comité Permanent Amiante (CPA), l’Etat français n’a pas protégé les ouvriers de l’amiante alors que la Grande-Bretagne l’a fait après guerre. Un lobby industriel qui décide ... Cela pourrait-il se produire aujourd’hui, par exemple dans le nucléaire, les OGM ? Au lieu de supprimer le risque on versait aux salariés des primes d’insalubrité .

L’interdiction ne sera effective qu’en 1997. Quasiment à la même époque, Claude Allègre signe une tribune dans l’Express : « Amiante, où est le problème ?"


26 novembre 2009

Une fois n’est pas coutume, une bonne nouvelle dans l’affaire de l’amiante. Mardi, Joseph Cuvelier, ancien directeur général de 1971 à 1994 d’Eternit France, le plus gros producteur d’amiante-ciment dans l’Hexagone, a été mis en examen par la juge d’instruction Marie-Odile Bertella-Geoffroy, pour « blessures et homicides involontaires ». D’après l’AFP, il lui est notamment reproché l’absence de mesures de sécurité nécessaires pour protéger les salariés de l’exposition aux fibres d’amiante dans les cinq usines françaises de groupe  : Vitry-en-Charolais (Saône-et-Loire), Thiant (Nord), Caronte (Bouches-du-Rhône), Albi (Tarn) et Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). Pour les victimes et leur association nationale (Andeva), il s’agit d’un grand pas en avant. « Enfin, on arrive au cœur de l’affaire de l’amiante, se félicite Michel Parigot de l’Andeva. Jusqu’à présent, seuls des chefs d’établissement ou des médecins du travail avaient été mis en examen. Joseph Cuvelier, lui, était non seulement un employeur qui n’a pas respecté les règles de protection pour ses salariés, d’où des centaines de morts parmi le personnel. Mais il a aussi une responsabilité en tant qu’industriel producteur d’amiante, dont les produits ont provoqué des milliers de décès parmi les travailleurs du bâtiment. Et il a été impliqué dans le lobbying très fort pour retarder l’interdiction de l’amiante en France. »

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