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Thomas Piketty, directeur d’études à l’EHESS : « Notre étude sur l’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire a été mise au pilon »

L’impact de la taille des classes sur la réussite scolaire dans les écoles, collèges et lycées français.
Estimations à partir du panel primaire 1997 et du panel secondaire 1995

Thomas Piketty (EHESS) Mathieu Valdenaire (EHESS)

Article mis en ligne le samedi 5 juin 2010

http://www.educpros.fr/detail-artic...

(...)

« Il n’est pas démontré que la taille des classes ait un effet probant sur la réussite des élèves », précise un document interne de l’Education nationale qui préconise d’augmenter les effectifs des classes pour économiser des postes d’enseignants. Pourquoi le ministère de l’Education nationale ne se réfère-t-il pas à vos travaux ?

Notre étude, qui mettait en évidence les effets de la taille des classes sur la réussite des élèves, a été mise au pilon en 2006 par Gilles de Robien, alors ministre de l’Education nationale. Tous les résultats avaient pourtant été validés par la DEP (direction de l’évaluation et de la prospective), qui tenait absolument à publier l’étude dans leur collection de référence « Les dossiers de l’éducation nationale ». Ils ont tenu tête au cabinet Robien : les exemplaires papiers ont bien été mis au pilon, mais ils ont publié la version électronique sur le site officiel du ministère.
Ce qui me frappe aujourd’hui encore, c’est que dans tous les discours politiques, le travail des chercheurs n’est pas pris au sérieux. D’un côté, on parle de LOLF [loi organique relative aux lois de finances, ndr], de politique publique, d’évaluation, de performance… De l’autre, on ne tient pas compte des résultats de recherche et on met au pilon des résultats archi-validés par la DEP.

Votre étude démontrait qu’une réduction de la taille des classes dans les établissements défavorisés aurait un effet sensible sur les résultats scolaires. Les effectifs ne sont-ils pas déjà limités à 25 élèves par classe en ZEP (zones d’éducation prioritaires) ?

Il est d’usage de limiter le nombre d’élèves par classe en ZEP, mais ce n’est pas le cas partout. Contrairement à ce que l’on pense, il n’y a pas d’objectifs clairs sur la question de la taille des classes dans ces zones d’éducation prioritaires. Et aucun texte n’existe là-dessus. D’ailleurs, il n’y a pas de politique claire sur les ZEP et pas de ligne budgétaire « ZEP » non plus. Mais le vrai scandale, c’est que la collectivité dépense plus dans un lycée de zones favorisées qu’en ZEP. La dépense publique est moindre pour un élève de lycée ZEP que pour un lycéen parisien de Louis-Le-Grand ou Henri IV. Il y a à cela plusieurs raisons et notamment l’inégalité de statut des enseignants. Alors que dans les deux exemples de lycées parisiens cités, les professeurs agrégés sont nombreux, beaucoup de contractuels tournent dans les zones défavorisées, où vous y trouverez peu d’agrégés et une faible ancienneté moyenne des enseignants.

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