Une tribune pour les luttes

Article XI

Drame identitaire à Villeneuve Saint-Georges : (dra)peau de balle…

Article mis en ligne le mardi 15 juin 2010

Avec les liens et les illustrations
http://www.article11.info/spip/spip.php?article836

Lundi 14 juin 2010, par JBB

A l’origine : un drapeau français, celui de l’Hôtel de ville de Villeneuve-Saint-Georges, brûlé ; un drapeau algérien hissé à sa place. Ensuite, et dans l’ordre : un communiqué indigné de la municipalité, un incroyable emballement des médias, un mensonge éhonté. L’ensemble vaut parfait symbole des dégâts - médiatiques et politiques - déjà causés par la petite musique de l’identité nationale.

C’est un petit matin blême, la ville dort encore. Le jour point, pas le soleil. Fut-il présent, astre funeste, qu’il éclairerait - l’un de ses rayons dardé sur la mairie de Villeneuve-Saint-Georges - un spectacle de désolation. Drame.

La ville dort encore. Parce qu’elle ne sait pas. Sommeil des justes. Et dur réveil pour les enfants de la patrie. Quand ils ouvriront les yeux, ce sera pour apprendre ceci : « Le drapeau français accroché sur la façade de la mairie de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) a été brûlé dans la nuit et remplacé par un drapeau algérien. » Intolérable catastrophe. Criminel agissement. Traumatisme collectif.

Pour dire l’émotion de toute une ville, la maire a pris la plume ce matin, sitôt le méfait connu ; il fallait exorciser la macabre découverte. Élue (PCF) de Villeneuve-Saint-Georges, Sylvie Altman a pondu un communiqué, largement relayé dans les médias. Le titre ? Martial et sensible : "Rien ne peut justifier que le drapeau tricolore soit brûlé." Entends-tu ? Rien ne peut le justifier !

Il a bien fallu mettre des mots sur l’horreur. Conter l’abjection. Dire l’indignation et la colère. Sylvie Altman, posant le décor, a fait ça très bien « Ce matin, les employés communaux ont découvert un drapeau français brûlé sur le perron de l’Hôtel de ville. Un drapeau algérien remplaçait celui-ci sur l’un des mats de la mairie. Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ? Nul ne peut le dire à cette heure. »

Ce qu’on peut dire, par contre, c’est que cette heure est grave.

Très.

Solennelle, même.
- 

Un tel drame ne pouvait rester inconnu, il fallait le faire connaître à la France entière, fière nation résistant encore et toujours à ceux qui (basanés, forcément) tentent de la mettre bas.

C’est là le rôle des médias, qui ont su accorder à l’information la place qu’elle méritait.

Ainsi du site du Figaro, qui l’a placée tout l’après-midi en haut de sa homepage, entre deux nouvelles d’égales importances ("Barack Obama déterminé à faire payer BP" et "Rigueur : la France suit la voie de l’Allemagne") :

Un choix éditorial conséquent et logique, justement apprécié des lecteurs du lieu : à 16 h 30, juste avant que la première version de l’article ne soit remplacé par une autre, censément enrichie, le papier avait engrangé 500 commentaires, tous plus haineux les uns que les autres.

Une criminelle atteinte au drapeau - Villeneuve -Saint-Georges, ville martyre ! - qui était aussi relayée (même si moins mise en avant) sur le site du Nouvel Observateur (86 commentaires), sur celui de RTL - qui avait jugé bon d’envoyer un journaliste sur place, lequel précise qu’il « reste dix-huit drapeaux français sur la façade de l’Hôtel de ville », tout n’est pas encore perdu… - , ainsi que sur ceux du Monde, du JDD, de L’express, du Parisien et de 20 Minutes [1].

C’était bien le minimum…
- 

Qu’il s’agisse de l’acte d’imbéciles nationalistico-footeux [2] algériens ou - c’est au moins aussi plausible, voire davantage - de celui d’imbéciles provocateurs d’extrême-droite, il n’y a pas à tortiller : rien, au regard de l’importance du délit commis, ne justifie une telle couverture médiatique.

Rien, sinon sa supposée charge symbolique : un drapeau français brûlé et un drapeau algérien prenant sa place au fronton d’une collectivité publique - il ne saurait y avoir de plus efficace façon de conter et mettre en scène la menace pour la patrie qu’incarnent censément les populations immigrées.

Le Front National ne s’y est pas trompé, qui s’est cet après-midi engouffre par communiqué dans le boulevard ainsi proposé : «  Il est des actes qui ont au moins le mérite de délivrer un message clair », attaque bille en tête la secrétaire régionale du Front National d’Île-de-France [3], qui tient à apporter son « soutien aux Villeneuvois profondément choqués par cet acte odieux ».

En accordant une large place à cette pathétique histoire, les médias cités plus haut se sont donc prêtés - plus ou moins complaisamment - à une double manipulation.

De un, l’information montée en épingle ne vaut que pour ce qu’elle est supposée dire en filigrane, non pour son importance réelle.

Et de deux, elle ne prend son sens que dans un débat idéologiquement biaisé, celui de l’identité nationale - conjointement entretenu par l’UMP et l’extrême-droite.

En sorte que les titres de presse n’ont fait ici que mener la plus basse des besognes au service de la plus rancie des idéologies.

Tu en conviendras : c’est désolant.
- 

Mais voilà : il se trouve que - la nouvelle est tombée en fin d’après-midi [4] - ce n’est pas le glorieux drapeau français qui a été lâchement incendié.

Non, révèle tout juste Le Parisien, alors même que Google Actualités recense une cinquantaine d’articles déjà publiés sur le sujet, tous respirant une semblable consternation face à l’odieux attentat : « Ce n’est pas le drapeau français qui a été brûlé, mais celui… de la ville ! C’est ce que vient de reconnaître, cet après-midi la municipalité. »

Un bête oriflamme local et non l’étendard national : autant pour le symbole…

En sorte que - derechef - l’emballement médiatique n’était pas seulement bidon, basé sur un biais idéologique évident, mais aussi totalement mensonger, bâti sur une présentation - par la maire de la ville - volontairement fallacieuse de la réalité.

Je ne doute pas que Sylvie Altman, élue communiste, fournira une juste explication à cette scandaleuse manipulation.

Et qu’elle trouvera un moyen de justifier les mots du communiqué par elle publié quelques heures plus tôt ; ceux-là, même : « Ce matin, les employés communaux ont découvert un drapeau français brûlé sur le perron de l’Hôtel de ville. Un drapeau algérien remplaçait celui-ci sur l’un des mats de la mairie. Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ? Nul ne peut le dire à cette heure. »

Qu’est-ce qui engendre un tel comportement ?, feignait-elle de demander.

Réponse évidente : dans les médias comme chez les élus d’un bord politique censément opposé à l’UMP, la petite musique haineuse de l’identité nationale mène le jeu.

Et celle-ci autorise les pires manipulations.

Notes

[1] Note que ce dernier site, de même que celui de RTL, a préféré fermer l’article aux commentaires.

[2] Hier se tenait un match de coupe du monde entre La Slovénie et l’Algérie.

[3] Je ne te mets pas le lien, hein, tu pourras le trouver tout seul comme un grand, si tu veux.

[4] Alors même que je terminais ce billet. Le monde est bien fait, quand même…

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