Une tribune pour les luttes

La grève des travailleurs sans papiers

Des milliers de travailleurs-euses sans papiers régularisables

Bernard Rondeau

Article mis en ligne le dimanche 20 juin 2010

Avec les photos :
http://grevesanspapiers.blogspot.co...

Samedi 19 juin 2010

Il est 18 heures à Bastille ce vendredi après midi, et il faut encore attendre pour ces centaines de travailleurs sans papiers qui se pressent autour du piquet de grève qu’ils ont installé depuis 3 semaines devant l’opéra. Attendre encore quelques heures que la délégation syndicale emmenée par Francine Blanche de la CGT revienne du ministère de l’immigration avec ce texte de régularisation tant espéré.

Attendre après 8 mois de grève que le gouvernement accepte de revoir sa copie, et confirme par écrit les avancées de la semaine dernière. Malgré la fatigue, les visages restent souriants et affichent une sérénité qui s’est forgée au fil de la lutte. La confiance dans la justesse de leur combat et la détermination dont ils font preuve depuis le 11 octobre 2009 se retrouvent encore aujourd’hui, et c’est une foule paisible qui accueille vers 20 heures le retour des négociateurs. C’est Raymond Chauveau qui prend la parole en premier, juché avec Francine Blanche sur le désormais célèbre Land Rover qui accompagne toutes les actions des travailleurs sans papiers depuis plusieurs semaines. Comme d’habitude, la sono n’est pas à la hauteur de l’évènement et pourtant tous sont suspendus aux propos du coordinateur CGT du mouvement des travailleurs sans papiers qui entonne le "on bosse ici, on vit ici, on reste ici" repris en coeur par la foule.

Le texte exigé par les onze syndicats et associations qui avaient écrit au premier ministre le 1er octobre 2009 existe, Raymond Chauveau l’a dans les mains : "la négociation a été longue et difficile (...) elle s’est menée sur les questions du travail, sur les travailleuses et travailleurs présents en France qui luttent maintenant depuis plus de 8 mois pour être considérés comme tels, pour être intégrés dans le monde du travail (...) nous avons un texte avec des critères de régularisation opposables dans toutes les préfectures, quelles que soient l’ entreprise ou le département". La foule acclame, les visages s’illuminent. Les critères sont ceux exposés la semaine dernière pour les salariés, les intérimaires et pour ceux travaillant dans l’aide à la personne, avec les 8 mois de lutte pris en compte comme 8 mois de travail déclaré. Le fait d’avoir eu plusieurs employeurs l’année précédent le dépôt de dossier entre aussi dans ces critères. Autre avancé notable pour Raymond Chauveau : "tous les métiers où vous travaillez seront considérés comme des métiers de recrutement pour les travailleurs sans papiers". Les listes de métiers en difficulté de recrutement par département semblent avoir vécu. Une liste nationale de métiers devrait voir le jour correspondant à la réalité du marché du travail.

Dernière grande nouvelle de la soirée, peut-être la plus importante pour les grévistes : "tous les camarades auront une autorisation provisoire de travail après la levée des piquets de grève".

Pour Francine Blanche : "Nous avons aujourd’hui des critères nationaux et opposables pour tous les travailleurs sans papiers de France. C’est ce que nous voulions. Il y a encore beaucoup à faire pour gagner spécifiquement pour les grévistes. Ces 8 mois de lutte valent quelque chose de plus. Tout le monde aura dans les prochains jours une autorisation de travail(...) c’est le début de la liberté ce soir à Bastille".

La foule l’acclame, se congratule, déjà les tentes commencent à être démontées. En quelques minutes, les bâches sont pliées, les duvets et couverture rassemblées, il ne reste plus du "piquet des piquet" que 3 amas de matériaux qui attendent la venue des personnels de la propreté de Paris.

Dans le même temps, le ministère de l’immigration reconnait la nécessité de procéder à des ajustements techniques sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans un communiqué à l’AFP. "Ces ajustements permettront de traiter dans de meilleurs délais chacun des dossiers présentés et de mieux tenir compte des spécificités de certains secteurs professionnels (intérim, nettoyage et aide à la personne)".

Un groupe de travail piloté par le ministère de l’immigration et associant le ministère en charge du travail "sera mis en place pour suivre au minimum trimestriellement la mise en oeuvre de ces ajustements".

Seul bémol à cette magnifique soirée, le retour de la notion de 5 années de présence en France comme critère de régularisation, qui réapparaît en fin de réunion au ministère de l’immigration. Comme si le ministre Eric Besson continuait à nier l’évident et salutaire changement de cap du gouvernement sur la question des travailleurs sans papiers.
Ceux-ci se réuniront demain dimanche à la CGT à Montreuil pour décider des suites à donner au mouvement.


Samedi 19 juin 2010

Libération d’Abou N’Dianor, figure du mouvement des sans-papiers

Le professeur de mathématiques sénégalais Abou N’Dianor, figure du mouvement des sans-papiers, a été libéré, vendredi après-midi, après avoir été interpellé deux jours auparavant en vue d’une expulsion, a indiqué une porte-parole du collectif Soif d’utopies, Muriel Elkolli.

Abou N’Dianor, 41 ans, avait été interpellé, mercredi, à Orléans, puis transféré au centre de rétention administrative de Rennes pour être expulsé, selon Mme Elkolli. Il a été libéré, muni d’une autorisation de circuler d’une semaine, en raison de problèmes de procédures soulevés par son avocat.

Arrêté une première fois, fin 2007, dans un commissariat de police où il tentait de régulariser sa situation, l’enseignant avait acquis une notoriété en dénonçant les conditions de rétention au centre de Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) où il avait été conduit. Relâché pour vice de forme, ce professeur de mathématiques diplômé de l’Ecole normale supérieure de Dakar, avait été interpellé à nouveau en octobre 2009 et relâché pour la même raison.

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