Une tribune pour les luttes

Le massacre de Srebrenica, c’était il y a quinze ans.

Les responsables n’ont toujours pas été jugés.
+ Impunité Srebrenica, un crime européen par Bernard Dréano, Eros Sana.

Article mis en ligne le mardi 13 juillet 2010

11 juillet 2010

Le massacre de Srebrenica, c’était il y a quinze ans.

Le 11 juillet 1995, les forces serbo-bosniaques emmenées par le général Ratko Mladic chef de l’état-major de l’armée des Serbes de Bosnie, s’emparaient de cette ville de l’Est de la Bosnie, que l’Onu avait déclarée "zone de sécurité".

S’ensuivait le plus impitoyable massacre, en Europe, depuis la deuxième guerre mondiale. Quelque 8000 hommes et jeunes garçons furent exterminés.

Après le massacre, les Serbes avaient jeté les corps des victimes dans des charniers avant de les déplacer à l’aide de bulldozers dans des tombes plus petites pour tenter de dissimuler l’ampleur des faits.

La liste préliminaire des personnes disparues compte 8 373 noms. En juillet 2009, 6.186 victimes avaient été identifié par l’analyse ADN des restes humains trouvé dans les charniers et 3.647 victimes inhumées au mémorial de Srebrenica-Potocari.

Des restes humains continuent a être retrouvés et identifiés dans des tombes anonymes, comme celle découverte en juin dernier dans le village de Zalazje, où des experts ont trouvé jusqu’à présent les restes de six victimes.


Srebrenica : « Une paire de chaussures – une vie »

Par Philippe Bertinchamps

Une centaine de paires de chaussures usées s’étendait en ligne sur la Knez Mihailova, la rue piétonnière du centre-ville de Belgrade, ce mercredi 7 juillet.

« Une paire de chaussures – une vie » est une initiative des Femmes en noir, une organisation de féministes mobilisées contre les crimes de guerre.

« Le but de cette action est de créer un espace pour 8372 paires de chaussures, ce qui correspond à la liste préliminaire des personnes disparues à Srebrenica », explique Nataša Lambić, une activiste des Femmes en noir.

« Donner une paire de chaussures revient à accepter que le génocide a eu lieu et à témoigner de sa solidarité et de sa compassion », dit-elle.

Les chaussures, déposées par des citoyens serbes, étaient accompagnées d’un message manuscrit destiné aux familles des victimes de Srebrenica.

«  Nous vivons dans le souvenir de vos morts et de votre douleur », « Vous n’êtes pas seuls », « Nous ne vous oublierons pas », pouvait-on lire.

« Cette action est une première étape. À présent, nous allons demander aux autorités de Belgrade d’ériger un monument permanent aux victimes du génocide de Srebrenica », ont annoncé les Femmes en noir.

Pour ces militantes, la Déclaration de condamnation du crime de Srebrenica, adoptée par le Parlement serbe le 31 mars 2010, témoigne plus des « dictats politiques imposés par l’Union européenne » que d’un « respect sincère pour les victimes du génocide ».

« Nous pensons qu’il est très important de constamment mobiliser les citoyens et de rappeler ses devoirs au gouvernement. La société serbe vit dans le déni et les institutions évitent de se confronter au passé. Refuser de qualifier le massacre de Srebrenica de génocide revient à le considérer comme un crime de guerre parmi d’autres et à fuir ses responsabilités », estime Nataša Lambić.

La veille, l’organisation avait été menacée par le groupuscule d’extrême droite Naši. L’action « Une paire de chaussures – une vie » s’est déroulée en présence de la police. Aucun incident n’a eu lieu, malgré une contre-manifestation de jeunes portant drapeaux serbes et tee-shirts à l’effigie de Radovan Karadžić.

Des activistes des Femmes en noir se sont ensuite rendues en bus à Nezuk, près de Tuzla, en Bosnie-Herzégovine, pour une « marche pour la paix » de trois jours jusqu’à Srebrenica.

Chaque 11 juillet depuis 2002, les Femmes en noir se rendent au mémorial de Potočari, parfois au prix de nombreuses difficultés, comme l’explique Ljiljana Radovanović au micro de Balkanophonie.

http://balkans.courriers.info/article15550.html


Basta !

http://www.bastamag.net/article1113.html

Impunité
Srebrenica, un crime européen

Par Bernard Dréano, Eros Sana (13 juillet 2010)

Il y a quinze ans, huit mille hommes et adolescents étaient massacrés par les troupes bosno-serbes de Ratko Mladic. C’était le dernier massacre de la guerre la plus meurtrière qu’ait connue l’Europe depuis 1945 : 150.000 morts, soit en proportion autant que la première guerre mondiale en France. L’Europe continue de faire payer aux Bosniaques le prix de sa propre lâcheté.

Ce massacre était tout sauf imprévisible. Au terme de la première année de combat, en 1992, trois « enclaves », peuplées de Musulmans Bosniaques, étaient encerclées par les troupes nationalistes Serbes de Bosnie et de Serbie. Srebrenica, la plus grande, Zepa et Goradze.

Après de multiples atermoiements, le refus des troupes françaises de l’Onu de livrer Srebrenica aux nationalistes serbes et la résistance de l’Armée Bosniaque à Goradze, l’ONU décide de décréter ces enclaves « zones de sécurité ». Srebrenica est placée sous la protection du bataillon néerlandais de l’Onu.

L’ONU abandonne les habitants

En juillet 1995, la guerre de Bosnie arrive à son terme. En coulisse, on discute déjà du partage du territoire. Mais les « zones de sécurité » empêchent la constitution d’un territoire serbe homogène dans la vallée de la Drina. On envisage, secrètement, d’en déplacer les populations Bosniaques Musulmanes. Comme depuis le début de la guerre de Bosnie, ces « initiatives diplomatiques » sont perçues par les nationalistes comme un feu vert pour agir : parachever l’épuration ethnique de l’ouest de la Bosnie qui n’a pas été complète en 1992-1993. Avec l’accord évident de Milosevic, le général Ratko Mladic, accentue sa pression militaire sur Srebrenica.

Très vite, il apparaît que, contrairement aux français quelques années plus tôt, les néerlandais n’ont nullement l’intention de résister. Ils évacuent progressivement leurs positions autour de la ville, les abandonnant aux milices serbes. Aucun appui aérien des forces de l’Onu, commandées à l’époque par le général français Janvier, ne vient contrecarrer les plans serbes.

Femmes déportées, hommes exécutés

Dès lors, le massacre est programmé. Comme depuis le début de la guerre, comme dans toute guerre d’épuration ethnique, le « vainqueur » veut frapper les esprits par des exactions, s’assurer du départ définitif de la population rejetée, empêcher tout rapprochement futur. Les casque bleus néerlandais assisteront sans réagir à l’arrestation et au tri de la population qu’ils étaient censés protéger. Femmes et enfants sont emmenés dans des bus vers la ligne de front, les hommes seront exécutés à l’abri des collines boisées environnantes. Le dernier massacre ethnique de Bosnie ne fait que prolonger les massacres perpétrés par les mêmes forces dans la même région deux ans plus tôt.

Évidemment, l’ampleur de ce massacre là « fait tâche ». Il n’empêchera pourtant pas les négociateurs des accords de Dayton d’accepter la division ethnique de la Bosnie selon les lignes fixées par les massacres, à l’exception de Goradze, sauvée par sa résistance et ses habitants.


Impunité des criminels

Quinze ans après, la Bosnie reste régie par ces accords fixant le partage criminel. Le pays n’est plus en guerre, on peut y circuler, mais il n’est pas sorti du système créé par l’armistice de Dayton. Les Européens punissent les bosniaques de leur propre lâcheté en les maintenant dans un statut de souveraineté limitée et en leur imposant des visas pour circuler. Certains anciens criminels circulent librement grâce à des passeports croates ou serbes obligeamment délivrés par les pays voisins.

Le 4 juin dernier, lors d’une visite à Paris, Sven Alkalaj, du Ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine, rappelle cette triste réalité : « De nombreux citoyens de Bosnie-Herzégovine jouissent d’une autre nationalité, Serbe ou Croate. Ils ont donc un double passeport et peuvent circuler librement dans toute l’Europe. Alors que le reste de la population, surtout la jeunesse, est assignée à résidence. »

Quinze ans après, l’Europe devrait se souvenir non seulement du crime perpétré par Ratko Mladic et ses troupes, mais aussi de la passivité européenne qui l’a rendue possible.

Ratko Mladic est toujours en liberté.

Bernard Dreano et Eros Sana

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