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Témoignage

Pendant le farniente et le sable fin de Paris-plage, on fait disparaître les Afghans du canal saint-Martin

+ Communiqué du collectif de soutien des exilés du 10e

Article mis en ligne le mercredi 21 juillet 2010

Ce matin, 9h30, rue Louis Blanc, dans le 10ème arrondissement. 5 cars de CRS stationnent discrètement devant la ZAC de la Grange aux Belles. Une dizaine de fonctionnaires de police sont positionnés sur le pont et à l’entrée de la rampe qui mène aux berges. Des badauds, interloqués par cette présence policière matinale, s’arrêtent quelques instants et passent leur chemin sans intervenir. Tout a lieu dans le plus grand silence ; déjà, un employé de la Mairie ratisse le sol afin d’effacer toute trace du campement afghan qui se tenait là quelques heures auparavant. On devine encore, dans la benne, les formes d’un matelas double récupéré qui disparaît sous les décombres des habitations de fortune qu’ils s’étaient construits là. « Ils », sont regroupés sur le pont, une vingtaine environ, moyenne d’âge : 20 ans. Face à deux agents qui regardent par terre. « Ils ont pris tous nos papiers, nous n’avons rien pu sauver », me dit l’un d’eux en persan, répondant à mes interrogations. De fait, ils n’ont rien, rien dans les poches, rien dans les mains, pas même les sempiternelles petites sacoches en plastiques qui agrémentent les silhouettes discrètes de ces ombres du canal st Martin.

On s’y était pourtant habitué, à ces ombres, fuyant leur pays en guerre -fuyant notre guerre- pour se réfugier, quelques jours ou quelques mois, dans les détours de quartiers parisiens, anciennement populaires . Un samovar fume, un barbecue laisse échapper une odeur nauséabonde de plastique brûlé, une ombre lave son T-shirt dans le canal ; on s’était habitué à ce bidonville à ciel ouvert venant tempérer l’ambiance estivale des pique-niques et des réjouissances urbaines. Seuls certains, acteurs associatifs ou citoyens concernés, ne s’habituaient pas et continuaient à assurer un soutien quotidien, approfondi, et responsable. Mais cela n’a plus lieu d’être. Comme les réformes, les opérations éclairs, orchestrées par l’Etat ou par la Mairie, peu importe, finalement…passent mieux fin juillet…


Communiqué du collectif de soutien des exilés du 10e du 20 juillet 2010

Exilés afghans

Le collectif de soutien des exilés du 10e a appris ce matin à 8 h l’évacuation matinale du "campement" afghan du canal Saint Martin.
Dans la matinée trois communiqués - la Mairie de Paris, l’association France terre d’Asile et le Ministre Besson se sont félicités de cette opération.

Le collectif dénonce depuis longtemps le non respect de la réglementation par l’Etat en ce qui concerne l’hébergement/logement obligatoire des demandeurs d’asile, comme il est rappelé dans le communiqué FTDA. En ce qui concerne les exilés en procédure Dublin nombre de ceux pour qui obligation avait été faite à l’Etat de les loger suite aux référés faits, sont restés à la rue.

Malgré les affirmations d’usage de FTDA, de la Mairie et du ministère quand au relogement et à l’hébergement de tous les "déplacés", qu’ils soient en situation régulière de demande d’asile ou en situation irrégulière, le collectif s’inquiète du sort réel et final qui sera fait à chaque catégorie.

Il s’étonne qu’aucune mention n’ait été faite des mineurs présents, devant dormir chaque soir sous les tentes faute de place dans le dispositif d’accueil au mépris de la réglementation obligatoire de l’Aide Sociale à l’enfance dont M. Le maire de Paris est président.

Le collectif ne comprend surtout pas pourquoi il n’a pas tout simplement été proposé des logements aux jeunes demandeurs d’asile, logements qu’ils auraient évidemment troqués avec empressement contre leurs tentes de fortunes sur le canal. Rappelons ici qu’un logement décent, c’est ce qu’attendent aujourd’hui des milliers de demandeurs d’asile en France.

Il n’était pas besoin d’amener les CRS, pour convaincre de se rendre dans un lieu d’hébergement tous ceux qui, depuis des mois, réclament à FTDA le logement auquel ils ont droit.

Le collectif souligne par ailleurs que de nombreux exilés ont "perdu" leurs documents et autres affaires personnelles précipitamment embarqués et jetés par les agents municipaux au mépris de la loi.

Le collectif dénonce cette sordide opération politique d’été, nouvelle tentative de dissuasion à l’asile et visant à impressionner les exilés mais qui n’apporte pas plus de solution que l’évacuation du square Villemin le 18 août 2009. D’ici quelques semaines autant sinon plus d’exilés, mineurs comme majeurs, dormiront la nuit dans les rues du 10ème. Tel est le cycle infernal de ce lieu : campement/expulsions, re-campement/ré-expulsions sans cesse.

Paris le 20 juillet 2010

Le collectif de soutien des exilés du 10e

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