Une tribune pour les luttes

Réseau des enseignants du primaire en résistance

Campagne d’informations et d’actions "L’éducation est un droit, pas un privilège"

Article mis en ligne le lundi 30 août 2010

Communiqué de presse - Lundi 30 août 2010

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance a tenu sa 2ème université d’été à Lyon du 23 au 25 août. A l’issue de cette rencontre qui a réuni de nombreux enseignants-désobéisseurs du primaire de toute la France et qui a permis la rencontre avec plusieurs partenaires invités, a été adopté le texte d’orientations, d’actions et de propositions ci-joint.

Courant septembre, sera lancée une campagne d’informations et d’actions sur le thème "L’éducation est un droit, pas un privilège" afin d’ élargir la résistance à la mise en place d’une école élitiste tournée vers la compétition. Cette campagne permettra aussi de faire connaître l’école que nous défendons et les valeurs éducatives qui nous animent. Une lettre collective de résistance, commune au 1er et au 2ème degré, sera lancée à cette occasion et soumise à signatures.

Les enseignants du primaire en résistance participeront à toutes les initiatives associatives et syndicales qui favoriseront la convergence des luttes dans les services publics et plus largement pour une autre société plus fraternelle, plus tolérante et plus solidaire.

Dès la rentrée et lors des rassemblements du 4 septembre prochain, l’ Appel à l’insoumission à la politique sécuritaire du gouvernement que nous avons lancé le 18 août dernier sera largement diffusé.

http://resistancepedagogique.org/


http://resistancepedagogique.org/site/articles.php?lng=fr&pg=312

Texte d’orientations, d’actions et de propositions du Réseau des enseignants du primaire en résistance adopté lors de l’université d’été de Lyon le 25 août 2010.

Réunis en Université d’été à Lyon, le Réseau des enseignants du primaire en résistance a élaboré un programme d’orientations, d’actions et de propositions en défense de l’école publique.


Une politique de régression

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance inscrit sa réflexion dans une analyse globale de la société et de son évolution. Il s’indigne de récentes mesures et réformes liberticides et répressives stigmatisant une partie de la population qui signent une évolution inquiétante de la société. Il dénonce les attaques incessantes contre les services publics dont l’Education Nationale et la volonté du gouvernement de les privatiser à terme.
Les fondamentaux de la politique de régression initiée par Xavier Darcos et poursuivis par Luc Chatel sont maintenus avec notamment la disparition de la formation pédagogique initiale des nouveaux enseignants. Au mois de juin, il a été demandé aux recteurs de « mobiliser les gisements d’efficience visant à respecter la contrainte du non remplacement d’un départ sur deux pour la période 2011/2013 ». 16 000 suppressions de postes sont programmées pour 2011 faisant suite aux 13 500 suppressions pour 2010. Elles vont continuer à aggraver sérieusement les conditions d’enseignement et d’apprentissage déjà difficiles et altérer profondément les missions dévolues au service public d’éducation.

Suite à ces instructions données par le Ministère aux recteurs :

- Les classes seront plus chargées, particulièrement en maternelle. La scolarisation des enfants de moins de trois ans va disparaître.
- Les postes d’enseignants spécialisés et de psychologues scolaires du RASED seront supprimés ; les enfants en difficultés d’adaptation et/ou d’apprentissage ne recevront donc plus aucune aide spécialisée, ni leurs parents, ni leurs enseignants.
- Des écoles en milieu rural seront fermées, d’autres regroupées.
- Le nombre des conseillers pédagogiques sera réduit, les temps de formation continue proposés seront également limités.
- Les remplacements de courte durée ne seront plus assurés. Des vacataires, toujours plus nombreux, seront embauchés en CDD, sans statut et sans formation. Les intervenants en langue restants seront remerciés.
- Plusieurs mouvements pédagogiques (GFEN, CRAP, ICEM) dont la qualité du travail n’est plus à démontrer voient leur action sérieusement remise en cause du fait de la réduction des moyens alloués par le ministère.

La situation est tellement grave que même les syndicats d’inspecteurs ont dénoncé les risques de dégradation du service public d’éducation (SIA). Certains d’entre eux ont même annoncé qu’ils ne voulaient pas être « les fossoyeurs » de l’Education Nationale (SNPI-FSU).

Les timides reculs du gouvernement

Les multiples mobilisations et résistances à la déconstruction de l’école publique ont commencé à faire reculer le ministère, certes timidement.

- La semaine de 4 jours a été officiellement remise en cause dans de nombreux rapports officiels. La Conférence nationale sur les rythmes scolaires installée par Luc Chatel le 7 juin dernier semble s’acheminer vers son abolition. Mais rien n’est formellement décidé, d’autant que le débat public n’a pas encore eu lieu.
- L’application stricte du dispositif de l’aide personnalisée ne fait plus l’objet d’un contrôle tatillon de la plupart des inspecteurs qui laissent généralement les équipes pédagogiques décider de la meilleure utilisation de ces deux heures, y compris dans le cadre de projets fédérateurs pour tous les élèves.
- Les évaluations nationales, notamment celles de CM2 en milieu d’année scolaire, sont remises sur le chantier dans le cadre d’une commission où les syndicats d’enseignants sont associés.
- Le projet des EPEP (Etablissements Publics d’Enseignement du Primaire), qui consacrerait la municipalisation des écoles, est pour l’heure en suspens.


La résistance pédagogique

La résistance collective à la destruction de l’école publique est donc plus que jamais d’actualité.

L’administration ne cesse de rappeler aux enseignants qu’un fonctionnaire doit « fonctionner », mais un fonctionnaire et plus encore un éducateur doit être animé d’un sens éthique et critique. Le ministère attend des instituteurs et des professeurs des écoles qu’ils appliquent les nouveaux programmes, l’aide personnalisée, les évaluations nationales, le livret de compétences et autres dispositifs inadaptés aux nécessités de l’école d’aujourd’hui. En réalité, la mise en œuvre de ces dispositifs qui nient l’intérêt des élèves signerait l’acceptation de sa politique régressive. La recherche de performances et la sélection mènent à l’exclusion et à une école à deux vitesses. C’est pourquoi nous avons un devoir de résistance pour ne pas être complices de ces pseudo-réformes contraires à l’éthique de notre métier d’enseignant et à l’esprit de l’école de la République. Nous avons un devoir d’insoumission pour neutraliser l’application de ces « réformes » néfastes.
La résistance pédagogique, démarche éthique et responsable, est un levier qui porte l’exigence d’une école respectueuse des droits de l’enfant, une école au service du progrès de tous, une école qui préfigure une société plus juste et plus solidaire. Elle s’appuie directement sur la liberté pédagogique inscrite dans la loi, mais bafouée dans les faits. Elle s’inscrit dans la durée, tout en étant complémentaire d’autres formes de luttes, syndicales, associatives et politiques.
Nous poursuivrons nos efforts pour expliquer aux parents d’élèves et à l’opinion publique les valeurs éducatives que nous défendons et le sens de notre démarche de résistance qui, en aucun cas, ne pénalise les élèves. Nous les inviterons à participer à un mouvement le plus large possible de défense de l’école publique.


Charte de la résistance pédagogique

La Charte de la résistance pédagogique, issue de la 1ère université d’été en août 2009, compte à ce jour près de 3 000 signataires. Elle témoigne de l’engagement permanent et transparent de nombreux enseignants du primaire à refuser de collaborer aux réformes destructrices et de leur volonté de mettre en place des alternatives pédagogiques qui respectent l’intérêt supérieur des enfants. Nous appelons les enseignants du primaire à continuer à signer et faire signer cette Charte et à s’engager à faire vivre les valeurs de coopération et de progrès pour tous qu’elle implique en opposition avec celles de compétition et de sélection portées par les dernières réformes.

Campagne nationale « Le service public d’éducation un droit, pas un privilège »

L’université d’été a décidé l’organisation d’une nouvelle campagne nationale d’actions et de propositions en faveur d’une école laïque, gratuite et solidaire, pour le respect et l’épanouissement de l’enfant et contre une école élitiste tournée vers la compétition.
Cette campagne s’appuiera sur deux piliers :

1.
Une lettre de résistance soumise à la signature des enseignants du 1er et 2ème degré adressée au Président de la République, au 1er ministre, au ministre de l’Education nationale. Cette lettre est en cours d’élaboration. Elle sera finalisée dans les prochains jours et diffusée courant septembre.

2.
Le développement et l’amplification des actions de résistance pédagogique tout au long de l’année, particulièrement :

- La non application à la lettre des nouveaux programmes du primaire, réducteurs et simplistes, sans ambition.
- Le boycott du dispositif de l’aide personnalisée, inapproprié et inefficace. Cette action de refus constructif, en défense des RASED et d’une autre conception de l’aide aux élèves en difficulté, peut prendre différentes formes selon les situations : détournement des modalités d’application du dispositif de l’aide personnalisée avec la mise en œuvre de projets pédagogiques fédérateurs pour l’ensemble des élèves, utilisation des 2 heures pour rencontrer les familles et/ou pour élaborer des projets en équipe, particulièrement avec les équipes du RASED encore existantes.
- Le boycott des évaluations nationales CE1 et CM2, la non passation partielle ou totale des épreuves, le refus de remontée des résultats par le fichier informatisé.
- Le refus de cautionner les projets d’école qui intègrent des objectifs chiffrés concernant les taux de réussite aux évaluations nationales.
- Le refus d’élaborer ou de participer à l’élaboration des rapports d’activités des RASED contenant des bilans quantitatifs.
- Le non renseignement du livret national de compétences, informatisé dès 2011, et du fichier base-élèves.
- Le boycott des stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires, la non transmission de listes d’élèves de CM1 et de CM2 pour alimenter ces stages, le refus de se porter volontaires pour les encadrer.

Chaque fois que cela sera possible, le dialogue sera recherché avec les inspecteurs de circonscription afin d’être entendu dans notre démarche de résistance. Nous appelons les inspecteurs départementaux de l’Education Nationale à saisir cette main tendue pour le dialogue, à se mettre à l’écoute des requêtes des enseignants en résistance, à refuser toute injonction hiérarchique visant à enclencher un processus de répression et de sanction à leur encontre qui ne ferait qu’accroître inutilement les tensions, tout en étant par ailleurs inefficace.
La caisse nationale de solidarité avec les enseignants-désobéisseurs, structurée en association, a permis jusqu’à ce jour de compenser tous les retraits de salaire décidés abusivement par les inspections académiques. Nous continuerons à faire appel aux citoyens et aux parents d’élèves pour alimenter cette caisse de soutien. Nous contesterons systématiquement devant les tribunaux administratifs les sanctions financières.
D’autre part, tout au long de l’année, nous appelons les enseignants du primaire à ne pas cautionner la mise en place du Service Minimum d’Accueil (SMA) en refusant de remplir la déclaration préalable de grève.

Développer un programme constructif

Notre résistance veut impliquer indissociablement un programme de non-coopération qui s’oppose aux mesures qui nous semblent nocives pour l’avenir de l’école et un programme constructif qui propose les solutions qui nous semblent susceptibles de préparer cet avenir.
C’est pourquoi dans la perspective d’une transformation profonde de l’école, nous formulons les premières propositions suivantes qu’il nous apparaît urgent de mettre en œuvre pour aller vers une école rénovée, au service du progrès de tous les élèves.

- L’arrêt des suppressions massives de postes et du développement des emplois précaires ; la titularisation des enseignants vacataires.
- La réaffirmation de la place centrale de l’aide spécialisée pour l’aide aux élèves en grande difficulté, la restauration complète des moyens et postes dévolus aux RASED et le développement de RASED complets dans les écoles qui n’en bénéficiaient pas. Cette décision doit être l’axe majeur du rééquilibrage budgétaire en faveur
de l’enseignement primaire.
- L’abandon des jardins d’éveil payants, le maintien de la spécificité de l’école maternelle avec la possibilité pour tout enfant de 2 ans d’y être inscrit.
- L’abandon définitif de la semaine de 4 jours, la mise en place d’une semaine équilibrée et d’une année scolaire respectant les rythmes biologiques de l’enfant.
- L’abandon du projet des EPEP, le développement d’écoles à taille raisonnable (moins de 10 classes) centrées sur le bien être des enfants dans l’esprit de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
- La mise en place d’une politique de formation initiale et continue de qualité au sein d’IUFM rénovés.
- Le retour de la confiance envers les enseignants du primaire avec son corollaire pratique le respect de leur liberté pédagogique, le respect du travail des équipes pédagogiques.
- Le retrait de la circulaire sur le dispositif de l’aide personnalisée, la valorisation et la recommandation de dispositifs coopératifs de soutien au sein de la classe et le développement du travail en partenariat avec les familles, les RASED et les structures d’aide extérieure à l’école.
- L’abandon des évaluations nationales actuelles dont l’objectif à terme est la mise en concurrence des établissements scolaires. La mise en place mutualisée d’évaluations diagnostiques et formatives dont les résultats ne seraient communiqués qu’aux parents d’élèves.
- L’abandon du fichier Base élèves, instrument du contrôle social, de l’INE, de la BNIE et la destruction de toutes les données déjà entrées.

Soutien aux directeurs qui refusent Base Elèves

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance apporte tout son soutien aux directrices-teurs qui refusent de renseigner le fichier Base élèves condamné par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Ces directeurs ont acquis le « statut de défenseurs des droits de l’homme menacés en raison de leurs activités en faveur des droits de l’enfant ».
Nous nous réjouissons de la dernière décision du Conseil d’Etat sanctionnant l’arrêté créant Base Elèves. Tout particulièrement la mention de l’illégalité de la collecte de données sur la santé des élèves et l’annulation de la disposition qui interdit à une personne de s’opposer à son enregistrement dans le fichier. Nous demandons la levée immédiate des sanctions à l’encontre des directeurs en résistance à ce fichier illégal.

Suite aux 2 000 plaintes de parents d’élèves enregistrées en 2009/2010, nous soutenons l’action initiée par le CNRBE en direction des parents consistant à refuser le fichage de son enfant directement sur le formulaire de renseignements rempli à la rentrée ou par lettre auprès du directeur d’école (voir http://retraitbaseeleves.wordpress.com/).

Convergences et partenariats

L’Université d’été a été l’occasion de rencontres et d’échanges avec de nombreux partenaires associatifs et mouvements pédagogiques (Appel des appels, Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui, ICEM-pédagogie Freinet, notamment).

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance est solidaire des 4 prévenus de Tours poursuivis par le Ministre de l’Intérieur pour avoir dénoncé la chasse aux sans-papiers à travers leurs enfants et l’utilisation par l’administration du fichier Base Elèves.

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance participera au projet initié par le CHRA (Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui) consistant en l’élaboration d’un nouveau programme de société pour cette première moitié du 21ème siècle, conçu selon les principes de justice sociale, de démocratie et de fraternité du programme du Conseil National de la Résistance "Les jours heureux" en 1944.

Les membres du Réseau continueront à participer localement et nationalement aux initiatives de l’Appel des appels. Le Réseau organisera un Forum des résistances dans les services publics le 4 décembre à Paris et participera activement au colloque sur les résistances dans les services publics au printemps à Lyon à l’initiative du Mouvement pour une Alternative Non-violente (MAN).

Le Réseau des enseignants du primaire en résistance poursuivra le dialogue avec les structures syndicales, tant sur le plan local que national, pour favoriser toutes les convergences, y compris dans les méthodes d’action et de luttes. Il les invite d’ores et déjà à ne plus cautionner le SMA en donnant des consignes claires aux enseignants de ne pas remplir la déclaration préalable de grève.

Insoumission aux lois sécuritaires

Le 18 août dernier, le Réseau des enseignants du primaire en résistance a lancé un appel à l’insoumission à la politique sécuritaire du gouvernement en défense des valeurs et des institutions de la République. Il appelle tous les citoyens et les forces de la société civile à se mobiliser et se déclarer en insoumission à cette surenchère sécuritaire qui fait honte à notre pays. Nous appelons à rejoindre tous les rassemblements pacifiques, notamment ceux du 4 septembre, pour dénoncer cette politique nauséabonde.

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