Une tribune pour les luttes

Les mots ont un sens, par Napakatbra

L’Autorité de la concurrence fait sauter les banques... vraiment ?

Dans cette affaire, les banques gagnent tout de même près de 400 millions d’euros ! Et l’Etat réduit petit à petit les sanctions pour ce genre de braquages organisés...

Article mis en ligne le mardi 21 septembre 2010

21 septembre 2010

381 millions d’euros d’amende pour cause de chèques trop chers ! Un "record", lit-on un peu partout. Sauf que dans cette affaire, les banques y gagnent tout de même près de 400 millions d’euros ! Et que l’Etat réduit petit à petit les sanctions pour ce genre de braquages organisés...

Cartel des banques - condamnation pour frais bancaires liés aux chèques

Onze banques françaises (*) se sont entendues pour fixer le tarif des commissions interbancaires prélevées pour le traitement des chèques. La petite gâterie a commencé en 2002 pour se finir en 2007, "sous la pression de l’enquête en cours", dixit l’Autorité de la concurrence, qui a vu rouge. Et d’une, l’entente illicite (un des plus graves délits économiques *) est avérée, car la mise en place de ces commissions s’est faite "de manière concertée". Et de deux, ces commissions sont tout simplement... "non justifiées".


Le cartel des banques

En gros, les banques affirmaient que l’automatisation du traitement des chèques leur faisait perdre des montagnes de kopeks : puisque les flux d’argent étaient plus rapides, elles en disposaient moins longtemps, les placements furtifs rapportaient donc moins d’intérêts. Il fallait donc y remédier et compenser le manque à gagner. Sauf que l’Autorité de la concurrence dit exactement le contraire : "Les pertes de trésorerie sur les chèques tirés étaient compensées par les gains de trésorerie sur les chèques remis et par les économies de coûts de traitement retirés de la dématérialisation des échanges". Autrement dit, les banques gagnaient déjà de l’argent avant de mettre en place leur (grosse) commission...

Un gain net de 386 millions d’euros, tout de même !

Au final, les établissements concernés ont raflé quelque 767 millions d’euros, à raison de 4,3 centimes d’euro par chèque (80% des chèques sont concernés). Montant de l’amende : 381,1 millions d’euros. Et encore celle-ci comprend-elle quelques majorations pour cause de récidives. Intéressant. Mais où sont passés les 386 millions d’euros restants ? Bien au chaud, ne vous inquiétez pas. Et les clients floués (particuliers et entreprises) ne pourront pas faire valoir leur droit... puisque les class-actions n’existent pas. Et ce n’est pas demain la veille : Dame Parisot, la patronne des patrons, estimait en 2006 que ce genre d’actions de groupe "aurait un impact économique lourd" qui ferait "perdre 16,5 milliards d’euros, soit un point de PIB par an aux entreprises". Difficile de faire plus cynique. Quoi que...


La crise adoucit les moeurs...

Question cynisme, Mâme Lagarde n’est pas en reste. Récemment, l’Autorité de la concurrence a condamné onze entreprises sidérurgiques françaises (le "cartel de la sidérurgie") à verser 575 millions d’euros pour s’être entendues sur les prix. Une sentence ridiculisée, quelques mois plus tard, par la Cour d’appel de Paris qui a divisé par huit le montant de l’amende, à 72 millions d’euros ! Soit environ sept fois moins que le préjudice réel subi par les clients (collectivités locales en premier lieu). La raison invoquée est à se tordre de rire : C’est la crise et de grosses amendes risquent de mettre en péril "les capacités d’investissement" des resquilleurs et "menacent finalement l’emploi" ! Qu’a fait notre ministre de l’Industrie, qui avait la possibilité de se pourvoir en Cassation ? Rien. Elle a simplement ordonné la formation d’une commission, qui vient de pondre son rapport, en loucedé.


Vers un allègement des sanctions pour "entente illicite" ?

Pas piqué des hannetons. Le gouvernement souhaite "clarifier le mode de fixation des amendes". Bah oui, quoi de plus stressant pour un fraudeur de ne pas pouvoir calculer sa future amende ? Mieux, le montant de base de l’amende "doit correspondre à un pourcentage de la valeur des ventes des produits ou services concernés par la pratique anticoncurrentielle (par exemple 5% à 15% de la valeur des ventes)", affirme le communiqué de presse du groupe de travail. Ce qui réduirait l’amende des onze banques cartéllisées à 115 millions, grand max. Ouah ! Un véritable manuel du petit délinquant exemplaire. Tu es entrepreneur, tu veux faire du fric, alors arrange toi avec tes concurrents : si tu gonfles frauduleusement tes tarifs de plus de 15%, t’es sûr d’y gagner. Pourquoi se gêner ?

[* : BPCE, Crédit Agricole, BNP Paribas, Société Générale, La Banque Postale, CIC, LCL, HSBC, Crédit du Nord, Crédit Mutuel et la Banque de France]

[* : S’il est un concept fondamental de notre culture économique libérale, c’est bien celui de la concurrence libre et non faussée. A tel point que feu le TCE l’avait élevé au rang d’objectif principal de l’Union Européenne, devant même les Droits de l’Homme]

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