Une tribune pour les luttes

SARKOFRANCE

Sarkozy, Fillon : crise mystique au sommet de l’Etat.

Article mis en ligne le lundi 4 octobre 2010

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Samedi 2 octobre, les syndicats ont réussi leur pari. Malgré la pluie, les manifestants étaient plus nombreux que le 23 septembre dernier. Il n’y a toujours pas d’appel à la grève générale, donc les protestataires font avec ces mots d’ordre ponctuels. Le Figaro, contraint à l’aveu, parlait de « mobilisation contrastée suivant les régions » dès l’après midi. Mais Sarkozy était ailleurs, près de la France éternelle, agricole et chrétienne. Un sursaut de spiritisme bien opportun, sur fond de menace terroriste.

Les retraites, encore les retraites

Dès jeudi, Nicolas Sarkozy a pris le parti d’ignorer les manifestants qui devaient se rassembler deux jours plus tard. Il a ainsi minoré, à l’avance, l’importance des manifestations : «  Je peux dire aux 15 millions de retraités et aux 700.000 retraités de plus chaque année : vos retraites seront payées. » Ou encore : « Ça provoque du mécontentement, ça provoque des manifestations. Quand la réforme sera passée, les Français se diront : on n’a pas de soucis à se faire pour les retraites. »

Samedi, la police a pourtant compté 899 000 manifestants. Notez la précision. Le 23 septembre déjà, les préfectures avaient stoppé leur comptage sous la barre de la centaine de milliers supérieure, à 997 000 personnes. La police s’abstient de comptabiliser les piétons sur les trottoirs. Côté syndicats, on évoquait 2,9 millions de personnes. Mardi 5 octobre, la réforme arrive au Sénat. L’UMP n’y a pas la majorité ; « des avancées seront possibles au Sénat » a promis Luc Chatel, avant de lâcher, à son tour, un joli lapsus : « Ce qui me préoccupe, c’est mon domaine ministériel. Le président de la République m’a nommé Premier ministre... Ministre de l’Éducation nationale. » Lapsus mis à part, le gouvernement se fiche donc des manifestants. Chatel a noté qu’il n’y avait pas eu d’amplification de la mobilisation. Il est sans doute allé compter un à un les protestataires. Eric Woerth a lui aussi recyclé les mêmes éléments de langage préparés, comme d’habitude, à l’Elysée : « il n’y a pas d’augmentation de la mobilisation (...) Il y a une mobilisation qui est du même ordre, elle est forte, mais elle est du même ordre ».

Côté syndicats, certains pensent à des mouvements plus radicaux, telle une grève reconductible. A Marseille, le port est bloqué jusqu’à lundi. A la CGT, le prudent Bernard Thibaut est obligé de concéder que la grève reconductible, « non seulement, ça n’est pas exclu, mais ce n’est absolument pas à exclure. »


Fillon, à la recherche de la vérité

Dimanche soir, François Fillon intervenait sur M6 dans l’émission Capital. Sans surprise, il a critiqué les manifestants de samedi qui, dit-il, «  se trompent. » Le journaliste Laurent Delahousse avait des questions précises. Le premier ministre lâcha qu’il était prêt à ce que le Sénat amende le projet pour laisser les femmes, « sous certaines conditions », partir à 65 ans au lieu de 67 ans. S’agit-il d’un premier recul ? « Si j’ai commencé à travailler à 18 ans, je vais cotiser 44 ans » s’est exclamé Delahousse. « C’est injuste ! » Fillon bafouille sa réponse : « vous aurez une pension plus élevée »... On croit rêver. Le journaliste continue : « vous prévoyez déjà une nouvelle réforme en 2018. » La réforme actuelle ne suffirait-elle pas ?

Sur d’autres sujets d’actualité, Fillon a également battu en retraite, comme s’il signifiait son départ de Matignon par quelques déclarations empoisonnées, une « tournée des adieux » commentait le Jdd. Ainsi, avoua-t-il, la réduction de niches fiscales est bien une hausse d’impôts. «  C’est une augmentation d’impôts, bien sûr, mais ce n’est pas une augmentation généralisée et cela correspond à une liberté de choix. »

Sarkozy, à la recherche de son identité

A l’Elysée, les conseillers en communication se démènent pour montrer que leur Monarque est auprès de la «  France éternelle », qu’il adore les agriculteurs et la chrétienté. Surtout depuis mars dernier quand sa cote électorale est tombée sous la barre des 50% au sein de la France rurale. Jeudi dernier, Sarkozy visitait encore une exploitation agricole, à quelques kilomètres de Paris, dans l’Yonne. Sur le site Elysée.fr, un fonctionnaire présidentiel avait choisi un joli titre pour cet évènement : « Croire en la ruralité ». Le voyage fut rapide. Un hélicoptère militaire puis un jet, pour un déplacement à 150 kilomètres de Paris. Une grosse table ronde pas ronde. Des caméras, partout. Des photos avec des enfants d’une classe maternelle, ou avec des passants - sélectionnés - lui donnant quelques fleurs. Sacré Sarkozy ! Combien de fois s’est-il moqué de son prédécesseur Jacques Chirac et de ses visites avec embrassades d’enfants et dégustations des produits du terroir ? Inquiet pour sa réélection, l’homme fait de même, mais chut ! Ne le répétez pas. Jeudi dernier, il a même visité une église, la basilique de Vézelay, et salué des gendarmes. Trop fort !

« Dans le cadre de ce déplacement, le Président de la République visite la classe maternelle unique du village de Montillot, participe à une table ronde sur le thème de l’attractivité des territoires ruraux puis rencontre les gendarmes de la brigade de Vézelay. Il visite ensuite la cité médiévale et la basilique de Vézelay, inscrites depuis 1979 au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. » (source)

Il a surtout célébré «  l’héritage chrétien » de la France. Sarkozy a besoin de se réconcilier avec l’électorat catholique. Vendredi soir, il a soigneusement fait savoir qu’il organisait une projection privée du film de Xavier Beauvois « des hommes et des Dieux » à l’Elysée. Quelle passion cinéphile ! Le film est prêt depuis mai dernier, après sa projection au Festival de Cannes, et il a déjà atteint près d’un million et demi de spectateurs. Comme l’écrivait prudemment le Figaro, « il s’agissait avant tout jeudi de renouer le fil avec l’électorat catholique. » Les cathos sont-ils des dupes ? Vendredi 8 octobre, le président français se rendra au Vatican, pour rencontrer le pape. Les expulsions de roms ont laissé des traces.

Brice Hortefeux ne s’arrête jamais. Il s’est empressé de soutenir publiquement un gendarme mis en examen pour la mort d’un gitan en juillet dernier, qui avait déclenché une flambée de violences à Saint-Aignant et la chasse anti-roms de l’été. Dimanche, Michèle Alliot-Marie, garde des Sceaux déstabilisée par l’affaire Sénat, lui a prudemment apporté son soutien.

Dimanche 3 octobre, la télévision publique, France 3 en l’occurrence, diffusait un documentaire d’une grosse heure à la gloire de Carla Bruni-Sarkozy. Le résumé publié par la chaîne ne laissait aucun doute : «  Qui se cache vraiment derrière la première dame de France ? (...) De la décontraction du monde de l’art aux codes protocolaires de la politique, comment s’est elle adaptée ? Comment compose-t-elle avec les attaques des uns, les attentes des autres, ses admirateurs...et sa propre vie d’artiste ? »

Un passe-droit pour Eric Besson

La ruralité, chez Nicolas Sarkozy, est ainsi devenue un élément central de l’identité française. Or, l’identité nationale est un sujet d’importance dans la stratégie de réélection du Monarque.

Un confrère, Romain Blachier, s’interroge sur le mariage récent d’Eric Besson. La vie privée du ministre de l’identité nationale ne nous concerne pas... sauf quand ce dernier multiplie, par discours ou loi interposés, les intrusions dans la vie privée de nos concitoyens. La récente loi Besson, en examen à l’Assemblée nationale depuis le 27 septembre, contient plusieurs dispositions pour durcir les procédures de contrôle des mariages, et notamment contre les mariages dits « gris ». Récemment, Eric Besson s’est marié, en seconde noce, avec une jeune Tunisienne. Romain Blachier rappelle la loi : « Depuis quelques années, un français et un étranger qui veulent se marier doivent passer en commission des mariages. Ce n’est pas un choix des mairies, c’est la loi. » Et de préciser les critères d’évaluation de cette commission, composée de fonctionnaires : «  les cas où les écarts d’âge, de revenu, de situation existent ou si tout simplement le conjoint étranger a permis de séjour un tant soit peu précaire comme par exemple un visa d’étudiant. » La question vient d’elle même : «  Eric et Yasmine ont-il du se plier au même exercice que celui qui est demandé par les lois de la majorité à laquelle appartient le Ministre à tous les conjoints de leur situation ou la Mairie de Paris 7e où ils se sont mariés a-t-il fait une exception ? »

Alors, monsieur le ministre... un commentaire ?

Le terrorisme, le vrai

Le gouvernement américain veut décourager ses ressortissants à se rendre en Europe. Dimanche dernier, le département d’Etat a publié une note d’alerte, remise aux passagers en partance pour le vieux continent. La ministre britannique des Affaires Etrangères a renchéri : « Le niveau de menace reste élevé, ce qui veut dire qu’un attentat est hautement probable ». En France, les ministres confirment, tels Brice Hortefeux a pu renchérir : « Nous travaillons en étroite collaboration avec l’ensemble des services et des pays concernés. Nous sommes naturellement vigilants et tenons compte de ce que peut dire notre allié américain. » La France, engluée en Afghanistan pour une sale guerre sans objectif ni issue, se retrouve en première ligne.

Depuis 15 jours, le gouvernement Sarkozy a adopté une très curieuse attitude. Avant les manifestations du 23 septembre, il a largement insisté sur un retour des menaces terroristes, au point d’être accusé d’instrumentaliser le sujet pour divertir l’opinion. Des responsables des renseignements et de la police se sont même exprimés. Les fausses alertes se sont multipliées. Après la prise de 5 otages français au Niger, le gouvernement a encouragé publiquement les preneurs d’otages à dialoguer et négocier. Un changement de doctrine qui tranche avec la position de nos voisins allemands, britanniques ou espagnols qui refusent de négocier publiquement.

Le terrorisme, pour Sarkozy, est sans conteste un sujet d’inquiétude et de diversion.


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Dimanche 3 octobre 2010

Conflits d’intérêts : les « bons Français » du Fouquets

Il a pourtant installé une commission sur le sujet. Contraint et forcé par l’affaire Woerth/Bettencourt, il l’avait promis le 12 juillet dernier. Trois personnalités, un magistrat, un conseiller d’Etat et un président de la Cour des Comptes, ont été chargées par Nicolas Sarkozy il y a 3 semaine de réfléchir aux «  situations de conflit d’intérêts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du gouvernement, les responsables des établissements publics et entreprises publiques, ainsi que, le cas échéant, les autres agents publics dont la nature particulière des missions le justifierait ». L’heure est-elle si grave ?

Hirsch sème la panique

Cette semaine, l’ouvrage de Martin Hirsch a réactivé la polémique. L’ancien haut commissaire aux solidarités actives, qui a quitté le gouvernement en mars dernier, a dénoncé certaines pratiques, y compris parlementaires. Jean-François Copé, qui cumule les fonctions de maire (de Meaux), député, président du groupe UMP à l’Assemblée, et ... avocat à temps partiel (deux à trois après-midi par mois pour 20 000 euros annoncés) dans un cabinet d’affaires, a très mal pris d’être désigné à la vindicte médiatique par Hirsch. Copé a eu des mots très dures, invoquant la délation du temps de la Collaboration. Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, s’est lâché également, sur ordre évidemment : « Quand on se veut chevalier blanc, on commence par respecter la loi et par ne pas divulguer des informations confidentielles » A l’Elysée, Nicolas Sarkozy a demandé à ses ministres de ne pas réagir, afin d’éviter de donner trop d’importance à l’ouvrage.

La violence de ces réactions témoigne d’une chose : le conflit d’intérêts est un trait décisif de la droite décomplexée. Du Président des Riches à la bande du Fouquet’s, le mélange permanent, systématique, omniprésent des genres est une caractéristique essentielle du pouvoir en place. Les exemples se multiplient : privatisation des moyens de renseignement, cadeaux fiscaux, cumul des fonctions, lobbying installé au coeur du pouvoir de certains grands patrons jugés proches, etc. On ne sait plus où donner de la tête.

Vendredi, dans les colonnes de Libération, Martin Hirsch s’est défendu : «  il faut des règles, pas de l’autorégulation ». Sur ce point, il a raison. Copé, comme hier Woerth, répète qu’il est honnête et sait rendre étanche son mandat de député et son métier d’avocat. Là n’est pas la question. Hirsch ne dénonçait pas, le concernant, de malhonnêteté, mais la gestion personnelle et non encadrée d’intérêts potentiellement contradictoires. Est-ce si difficile à comprendre si l’on a rien à se reprocher ?


Le Premier Cercle

Avant, il y avait les enveloppes, le sponsoring, les emplois fictifs, les marchés publics truqués. Avec le Premier Cercle, la Sarkozie a inventé le militantisme bling bling, la cotisation à 2 SMIC, le retour d’ascenseur symbolique ET industriel. Quelques milliers d’euros de soutien légal, et voici un remboursement de bouclier fiscal d’une trentaine de millions d’euros décroché un jour d’hiver en 2008. Un simple dîner suffira. Le rendement est hors normes ; on dirait du Madoff. Un dîner au Bristol, avec la carte Premier Cercle qui va bien, et nous voici rassurés. Les impôts, ou plutôt nos impôts ne progresseront pas. Pour faire taire les gueux, on prélèvera bien un petit point d’impôt sur le revenu supplémentaire, contraint et forcé, pour financer les retraites. Allez, 230 millions d’euros - c’est la recette espérée par Woerth sur ce nouveau prélèvement -, ce n’est pas grand chose. La simple TVA sur les abonnements triple play rapportera 1 gros milliard d’euros.

L’inconscience sarkozyenne n’avait pas de limite, puisque le président français s’est acharné à décorer un à un ces heureux contributeurs de la Légion d’honneur, transformant la médaille napoléonienne en hochet pour riches. Les « bons Français » du Fouquets méritent bien quelque chose.

L’inconscience se loge partout en Sarkofrance se loge partout. Un voyage à Las Vegas payé par une entreprise de pari à un directeur de cabinet du ministère du budget, un terrain de courses hippiques cédés à bon compte à une entreprise amie, des proches placés ici ou là dans des établissements de crédit.

Le Sérigny-gate

En quelques mois, le sérieux Eric Woerth est devenu l’incarnation du conflit d’intérêt «  made in Sarkofrance ».

Coïncidence du calendrier, nous avons appris cette semaine qu’Eric de Sérigny, conseiller « bénévole » d’Eric Woerth en charge des «  relations avec le monde économique », était en fait un ange... des paradis fiscaux. Rue89, qui a sorti l’affaire, révélait, lundi dernier, que l’homme apparaitrait dans divers documents comme administrateur de sociétés dites « écrans » : dans le registre officiel des compagnies du Panama, on le trouverait ainsi dans les statuts, par ailleurs identiques, des sociétés anonymes Lorcha Overseas Inc., Magma Enterprises Inc. et Caliban Holdings Inc, créées le 5 août 1987 et toujours en activité. Eric de Sérigny a démenti, expliquant qu’il s’agissait de faux qui « mettent gravement en cause [s]on honneur et [s]on honnêteté ». Son avocat a annoncé avoir porté plainte contre X. Mais Rue89 a retrouvé l’un des autres administrateurs de ces sociétés, un ancien collègue d’Eric de Sérigny à la Chase Manhattan Bank, qui confirme la véracité des documents présentés. L’affaire, une de plus, ne fait que commencer. Et on attend toujours, depuis juillet dernier, le fin mot de l’affaire Molex - Sérigny travaillait pour Eric Woerth ET pour la société financière qui conseilla la direction de Molex.

Les écoutes téléphoniques

François Mitterrand, en son temps, avait été pris les doigts dans le pot de confiture... des écoutes. Son cabinet élyséen à la fin des années 80, avait pris l’habitude d’écouter toutes sortes de personnalités, notamment pour protéger l’existence de la fille cachée Mazarine Pingeot. Sous Sarkozy, les écoutes servent aussi à protéger le président. Mais cette fois-ci, le président français ne cherchait pas à protéger sa vie privée, mais à démasquer une fuite au sein du gouvernement qui menaçait sa défense dans une affaire de gros sous, le fameux Woerthgate.

Mercredi, le Canard Enchaîné révélait que Jean-Paul Faugère, le directeur de cabinet de François Fillon avait autorisé les services de renseignement, hors de tout contrôle et de toute légalité, d’accéder à la liste des appels passés depuis un téléphone. Une autorisation rapidement utilisée pour débusquer David Sénat, conseiller pénal de Michèle Alliot-Marie, viré dès le mois d’août dans le cadre de l’affaire Woerth/Bettencourt. Cet été, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) avait pourtant rappelé, de façon expresse, aux services de Matignon que les opérateurs téléphoniques ont «  la stricte consigne de ne jamais répondre directement à des services de police ».

David Sénat, justement, a été placé en garde à vue mardi dernier dans une autre affaire. Il est assez probable, évident, clair que cette garde à vue tombe à point nommé. M. Sénat avait été espionné par les services de renseignement français en juillet dernier, pour prouver qu’il était à l’origine des fuites à la presse des PV d’audition de Patrice de Maistre. Le voici mêlé à une autre affaire, vieille de 5 ans : il était l’interlocuteur de Fabien Chalandon, fils d’un ancien garde des Sceaux, et conseiller de la société Visionex. Cette dernière commercialise des bornes internet permettant d’accéder, dans les bars, à des sites de paris en ligne.

Comme par hasard, les services de police ont découvert des documents relatifs à l’affaire Bettencourt, en perquisitionnant le domicile de M. Sénat. Incroyable ! Selon TF1, « les enquêteurs ont retrouvé des rapports et des copies de rapports portant sur l’affaire Bettencourt et qui correspondraient aux éléments transmis à la presse ». Sans blague ? Les policiers ne cherchaient-ils pas des informations sur l’affaire ... Chalandon/Visionex ? Le procureur de Nanterre a parlé de « saisie incidente » Les ficelles sont toujours grosses en Sarkofrance.

L’affaire Kouchner

Il n’était pas de droite. Mais avant d’être récupéré (et politiquement enterré) par Nicolas Sarkozy en mai 2007, Bernard Kouchner cumulait la présidence d’une association internationale para-publique visant au développement des systèmes de santé en Afrique avec le conseil rémunéré au prix fort des chefs d’Etat africains de la région sur des thèmes similaires. Devenu ministre, l’ancien consultant de quelques présidents autoritaires de l’Afrique francophone réclama son du pour quelques factures impayées. Sarkozy fut inquiet... des remous, pas du conflit d’intérêt manifeste.

Et que dire de la nomination de sa compagne, Christine Ockrent, journaliste par ailleurs émérite, à la direction générale de l’audiovisuel extérieur ? Pour sauver les apparences, la tutelle de l’activité fut confiée au secrétariat d’Etat à la Coopération qui dépend ... de Bernard Kouchner.

Lagarde et Tapie

On pourrait aussi parler de Bernard Tapie. En 2007, l’ancien mentor du groupuscule radical de gauche annonce qu’il préfère Sarkozy à Royal à quelques semaines de l’élection présidentiel. Le soutien, à l’époque, fait sourire. Mais un an plus tard, on apprend que la ministre de l’Economie a accepté de transiger, dans l’affaire qui oppose l’homme d’affaires au Crédit Lyonnais depuis plus de 10 ans. Grâce à un arbitrage privé, sollicité par le gouvernement Sarkozy, Tapie devient millionnaire ! Déduction faite des impôts en retard, Tapie ne devait toucher que 30 à 40 millions d’euros, dixit Christine Lagarde. Il y a une dizaine de jours, on apprenait que la somme avoisinerait les ... 220 millions d’euros, évidemment payés par le contribuable. Au gouvernement, on explique qu’on n’a fait qu’appliquer une décision de justice. C’est faux, mais ce n’est pas grave.

Cette semaine, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale réclame, une fois encore, des explications et une audition de la ministre. Celle-ci refuse. Mardi, quand un député socialiste lui demande l’ampleur exact de l’enrichissement de Bernard Tapie, Lagarde s’obstine : « Vous ne cherchez pas vraiment la vérité avec votre question, vous cherchez l’affrontement, vous cherchez le règlement de comptes. »

Avant de régler les comptes, encore faut-il les connaitre...


Samedi 2 octobre 2010

178ème semaine de Sarkofrance : les mauvaises affaires du Président

Ce samedi, on manifeste, à nouveau, contre la réforme des retraites. L’Elysée reste serein, nous répète-on. Sarkozy serait passé à autre chose. Effectivement, la semaine fut riche en affaires et en «  story-telling ». Eric Besson a bien tenté de mobiliser les polémiques sur son projet de loi sur l’immigration. De petites phrases en grosses provocations, il fallait masquer son inefficacité, et ces affaires qui menacent la Sarkofrance. Les proches du président préparent surtout la nouvelle pirouette de leur patron, la fin du bouclier fiscal et de l’ISF. Mercredi, le projet de budget 2011 fut l’occasion d’un story-telling historique par François Baroin et Christine Lagarde : on a voulu nous faire croire que l’an prochain les niches fiscales allaient baisser que rentiers et fortunés allaient contribuer à l’effort national.
On a failli les croire.

L’affaire électorale

On approche de l’heure du bilan, des dernières semaines d’action politique. Il y a 6 mois, Sarkozy avait promis à ses proches que le remaniement gouvernemental prévu pour octobre annoncerait une nouvelle séquence, celle du combat exclusif pour sa réélection. Et Sarkozy a peur. Il craint Marine Le Pen, comme l’a confirmé cette semaine un conseiller élyséen. Vues ses surenchères insécuritaires depuis juillet, on l’avait deviné.

Mardi, la grande loi d’Eric Besson était présentée au Parlement. Après Loppsi II, adoptée la semaine dernière, sur la sécurité intérieure, voici sa petite soeur contre l’insécurité extérieure. Le ministre de l’identité nationale, fidèle exécutant, a pris soin de «  droitiser » comme il faut son texte. Il s’est inspiré des meilleures sources, auprès d’un certain Maxime Tandonnet, célébrité administrative d’un jour, conseiller de Sarkozy qui pond en secret les pires raccourcis sécuritaires sur l’immigration. Pour relancer la polémique, et attirer les regards d’un certain électorat chéri, Eric Besson a joué la provocation. Mardi, dans le Parisien (version journal comme version video), il s’est exclamé : « Si mon ministère peut être une machine à fabriquer de bon Français, je serai très heureux. »

Mais tout ceci n’est que masque, affichage et manipulation. Le masque est grossier : Eric Besson s’abrite derrière trois directives européennes que la France devrait adapter dans sa législation. Qu’elle a beau rôle, l’Europe ! Quand Viviane Reding trace un parallèle vichyssois et menace la France de sanctions contre sa politique discriminatoire envers les roms, Sarko se révolte contre l’Europe. Quand une directive européenne est adoptée sur les «  standards minimaux en matière de durée de rétention et d’interdiction de retour », Eric Besson accourt, se précipite, fait du zèle.

L’affichage est évident : l’élargissement de la déchéance de nationalité prévu dans le texte est non seulement honteux mais inutile : il ne concernera qu’un nombre anecdotique de cas, et on imagine mal des truands, fussent-ils naturalisés récemment, hésiter à commettre leur crime au motif qu’ils perdraient leur carte tricolore. Sarkozy se fiche bien d’être efficace. Il veut d’abord cliver sur sa distraction sécuritaire , et notamment coincer l’opposition.

La manipulation fait pleurer : la politique migratoire de Sarkofrance est inefficace. Brice Hortefeux puis Eric Besson ont eu toutes les peines du monde à satisfaire les objectifs d’expulsions de sans-papier. Il a fallu rafler des citoyens de l’Union européenne (Roumains, Bulgares, etc), traquer des sans-papiers dans les écoles de leurs enfants, ou ajouter des Comoriens attrapés à Mayotte pour parvenir, coût que coûte, aux 27 ou 30 000 expulsés, quitte à provoquer des situations individuelles, voire collectives, aussi absurdes que dramatiques. La loi Besson assouplit les contraintes, élargit les zones d’attente, allonge les délais de rétention, définit des car, désormais, les juges si tatillons sur les libertés individuelles, sont désignés comme les obstacles à la libre expulsion des clandestins, fussent-ils européens.

Sur le fond, Eric Besson est devenue une caricature de Sarkofrance, inutile car inefficace. La malheureuse cote de popularité de Nicolas Sarkozy ne progresse pas depuis les saccades sécuritaires de l’été. «  Un discours sécuritaire pour rien ? » s’interrogeait Marie-Eve Malouines de France Info.


L’affaire fiscale

Mercredi, François Baroin et Christine Lagarde ont livré une conférence de presse « historique » sur le projet de budget 2011. Historiques étaient leurs mensonges. Il fallait comparer leur story-telling à la réalité des chiffres présentés. Grâce à la reprise et au plan de relance, l’Etat récolterait 12 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires l’an prochain. Vraiment ? Le budget présenté mercredi affiche des recettes ... en baisse de 900 millions d’euros. Et pourquoi donc ? A cause des niches fiscales qui ne baissent pas. Le coup de rabot si largement vanté depuis de semaines ne parvient même pas à écorner l’ampleur des exonérations fiscales.

La maîtrise des dépenses publiques serait historique. En fait, le gouvernement gèle son budget, et celui des collectivités locales, mais cela ne suffit pas à réduire le déficit. La vraie économie n’a rien à voir avec une quelconque réduction drastique des dépenses. En 2011, Sarkozy ne reconduit pas quelques 40 milliards d’euros d’investissement. Voici la belle économie ! Au final, Sarkozy et son fidèle Baroin rognent partout où ils peuvent, sauf sur la rente, le patrimoine et les hauts revenus : TVA sur 20 millions d’abonnements ADSL, fin des déclarations fiscales séparées pour les jeunes mariés, suppression de la rétroactivité de 3 mois précédent la demande d’aide au logement, réduction des crédits d’impôts écolo, réduction du nombre de fonctionnaires à l’éducation nationale et dans la police, etc... Sans compter le plan de réduction du coût de la Sécu, confirmé mardi, pour 2,5 milliards d’euros : les seuls déremboursements de médicaments se chiffrent à près d’un milliard d’euros.

La seconde arnaque de la semaine concerne le bouclier fiscal. Sarkozy s’apprête à y renoncer, ... tout en supprimant l’ISF, le tout sous couvert de la fameuse convergence fiscale franco-allemande que Nicolas Sarkozy a appelé de ses voeux en juillet dernier. D’une main, on reprend un cadeau de 600 millions d’euros capté par une poignée de millionnaires, mais de l’autre, on rend 3 milliards d’euros d’ISF à ces derniers. La belle affaire ! Mais il y a plus gonflé dans cette manipulation : l’Elysée invoque désormais l’Allemagne comme modèle pour justifier ... la fin du bouclier fiscal. Or depuis des mois, Sarkozy aimait répéter le même exemple, archi-faux et systématiquement démenti, sur le prétendu bouclier fiscal allemand mis en oeuvre par les sociaux-démocrates il y a 15 ans.


Quel mépris !

La séquence était bien rodée. Dimanche dernier, Christine Lagarde se pointe à Europe1 pour expliquer qu’on réfléchit à une harmonisation fiscale franco-allemande. Sarkozy l’avait annoncé fin juillet. Sur le coup, les journalistes ne relèvent pas. La ministre glisse ensuite qu’en Allemagne, il n’y a ni bouclier, ni ISF. Elle insiste surtout sur l’ISF. Le lendemain, Baroin stresse un peu. Il a un budget à boucler. Il prévient qu’il ne sait pas comment récupérer 3 milliards d’euros d’ISF. Mais Jean-François Copé, le président du groupe UMP à l’Assemblée, apporte son soutien à la suggestion de Lagarde.
Et samedi, un opportun article du Figaro, puisé aux meilleures sources élyséennes, confirme les intentions présidentielles : si l’ISF est supprimé, le bouclier fiscal « peut être abandonné, ou maintenu seulement pour certains foyers modestes qui seraient exposés à des prélèvements excessifs », précise un conseiller. Plus que jamais, Sarkozy s’affiche comme le président des Riches. Transférer la charge d’un impôt sur le patrimoine des plus fortunés sur les revenus du travail du plus grand nombre est la plus belle des arnaques de cette fin de mandature. La boucle est bouclée.


It’s the economy, stupid !

Ce slogan, utilisé par Bill Clinton pour bouter George Bush senior hors de la Maison Blanche en 1992 pourrait s’adresser à Nicolas Sarkozy. Le Monarque refuse visiblement de voir la réalité économique du pays.

Grâce au plan de relance de 2009, la reprise économique serait là, et bien là. Christine Lagarde l’a encore répété dimanche dernier : la croissance du pays sera de 2% l’an prochain. La totalité des économistes et analystes de marché se gaussent des prévisions fantaisistes du gouvernement en matière de croissance.

Vendredi, lors de sa visite au Salon de l’Automobile, Sarkozy a dénoncé les délocalisations. Crier contre le grand marché européen ne coûte rien. Quand il se déplace à Bruxelles, le président français se tait, comme ses prédécesseurs. Vendredi toujours, il s’est félicité de l’efficacité de la prime à la casse (« un triomphe » paraît-il copié partout en Europe), un feu de paille qui n’a servi qu’à passer le cap de l’année 2009. Les ventes de voitures ont reculé en septembre de 8,1% par rapport à la même période l’an passé, ... pour le cinquième mois d’affilée. La reconversion de la filière vers le transport collectif et durable n’est pas pour demain.

L’affaire du remaniement

Certains ministres sentent leurs derniers jours ministériels arriver. Le départ de Bernard Kouchner a été salué à l’Assemblée nationale... par les députés socialistes. D’autres s’accrochent. Eric Besson a répété qu’il a « envie de rester au gouvernement. » L’ancien socialiste est devenu une icône de la droite la plus dure du gouvernement. Une vraie reconversion réussie ! Son collègue de la Gauche Moderne, Jean-Marie Bockel, trépigne depuis juillet. Il multiplie les interviews et les déplacements, tente de convaincre, dans le brouhaha sécuritaire du moment, que la prévention de la délinquance des jeunes est un sujet important en Sarkofrance. Fadela Amara, elle, croit qu’elle a un avenir post-gouvernemental dans la «  société civile. » Elle est comme Kouchner. A chaque virage à droite de son patron, elle a toujours refusé ... de démissionner ! Une vraie leçon de courage politique...

Ces ministres de « l’ouverture » sont devenues des créatures de Nicolas Sarkozy, de simples marionnettes sans avenir politique autre que la fidélité sans faille ni recul à celui qui les a fait ministres.

François Fillon n’a pas ce problème. Ancien gaulliste proche de Philippe Séguin, il termine dans quelques semaines sa parenthèse sarkozyste. Jean-Louis Borloo devrait le remplacer. L’entretien qu’il a donné à France 2, diffusé lundi dernier, fut frappant ... pour Nicolas Sarkozy. Il recadre son patron qui, voici 3 ans, le traitait de « collaborateur » : «  Nicolas Sarkozy n’a jamais été mon mentor. J’ai fait alliance avec lui. » Il paraît qu’à l’Elysée, Sarkozy s’est étranglé.

Les affaires d’intérêt

Quand on quitte le gouvernement, la parole se libère. Parfois trop, jusqu’au lapsus. Rachida Dati, ancienne égérie Bling-Bling version « minorité visible » de Sarkofrance, ne cesse de s’imposer au débat, fustigeant indirectement Hortefeux ou les dérapages de la finance mondiale. Dimanche dernier, sa langue a fourché, pour le plus grand bonheur des 2,6 millions d’internautes qui se sont précipités sur la séquence : « Quand je vois certains qui demandent des taux de rentabilité à 20, 25 %, avec une fellation quasi-nulle. »

Autre ancien membre de l’équipe sarkozyenne, Martin Hirsch a préféré l’écrit, en publiant un livre sur les conflits d’intérêt. Il ne pouvait mieux tomber. L’ancien haut commissaire aux Solidarités actives a dénoncé certaines pratiques, y compris parlementaires. Copé, Longuet et d’autres se retrouvent directement ou indirectement épinglés. A droite, certains enragent. Sarkozy s’énerve. Il demande à ses ministres d’éviter de commenter l’ouvrage. Mais son porte-parole Luc Chatel n’a pu s’empêcher, mercredi : « Quand on se veut chevalier blanc, on commence par respecter la loi et par ne pas divulguer des informations confidentielles. » La violence des réactions témoigne d’un malaise : le conflit d’intérêts est un trait décisif de la droite décomplexée, une marque de fabrique en Sarkofrance. Le Président des Riches lui-même a donné très tôt l’exemple, à des années-lumières de la République irréprochable qu’il avait promise. Il était avocat d’affaires quand il était maire de Neuilly et président du conseil général des Hauts-de-Seine. Il tenta de placer son fils à l’EPAD à l’automne 2008. Il réussit à placer ses proches à la tête de certaines banques (Dexia, Banques Populaires). Il permit à la BNP dirigée par le proche Michel Pébereau de racheter Fortis. Il accepta des séjours luxueux offerts ici ou là.

Ce mélange des genres, permanent, systématique, omniprésent, est une caractéristique essentielle du pouvoir en place. Le système de petites compromissions et grosses facilités révélé autour d’Eric Woerth est un bel exemple. Lundi, un juge, Jean-Louis Nadal, a défié le procureur de Nanterre, ce Philippe Courroye qui a saucissonné le dossier Woerth/Bettencourt en d’innombrables enquêtes préliminaires : le procureur général près la Cour de cassation a expliqué publiquement qu’il décidé de ne pas saisir pour l’instant la Cour de Justice de la République concernant le ministre du Travail Eric Woerth dans l’affaire Bettencourt, car l’enquête du procureur Courroye est trop incomplète. Pire, il recommande la saisine d’un juge d’instruction. On appelle cela un désaveu.

Mardi, Rue89 a trouvé le nom d’Eric de Sérigny, ce conseiller bénévole du ministre depuis 2007, et proche de Sarkozy, dans les statuts de sociétés offshore basées au Panama. Sérigny dément, mais un autre administrateur confirme.

Le cadeau, injustifiable, fait à Bernard Tapie est un autre exemple : l’ancien leader du PRG, qui avait appelé à voter Sarkozy en 2007, a gagné 220 millions d’euros de dédommagements dans son litige décennal avec le Crédit Lyonnais. Sarkozy lui-même a décidé de recourir à un arbitrage privé, plutôt que de laisser les procédures en cours se poursuivre. Et quand un quarteron de magistrats trancha en faveur de Tapie, la ministre Lagarde expliqua rapidement que l’homme d’affaires ne toucherait «  que » 30 millions d’euros. Deux ans plus tard, la facture se précise : 220 millions d’euros. Interpelée à l’Assemblée, Lagarde s’agace et refuse de confirmer.

Face à de telles manipulations, la réaction populaire est timide. Les syndicats, très prudents, espéraient motiver les foules en conviant tout le monde à manifester ce samedi contre la réforme des retraites. La grève générale n’est pas à l’ordre du jour. Le Président des Riches s’en sort bien. Mais à l’Elysée, on sous-estime encore et toujours l’amertume générale. Même la presse la moins critique et la plus complaisante n’est plus dupe.

Ami sarkozyste, où es-tu ?

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