Une tribune pour les luttes

Mais c’est un Homme ...
Appel contre les soins sécuritaires

+ L’avenir radieux de la flichiatrie, par Olivier Labouret, Médecin Psychiatre

Article mis en ligne le samedi 13 novembre 2010


Signez l’appel en ligne !
http://www.maiscestunhomme.org/

Les politiques sociales et sanitaires, les lois récentes et à venir transforment nos représentations : les soins y deviennent un marché concurrentiel et la « folie » y est représentée comme un état forcément dangereux.
Il est douloureux pour nous, et pourtant fondamental dans la période que nous vivons, d’avoir à rappeler que ce qu’on appelle un «  fou » , est d’abord un homme !

Après la loi « HPST » qui organise la concurrence entre public et privé lucratif pour les missions de service public, vient le « Projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et à leurs modalités de prise en charge », qui est l’application attendue du discours du président de la République du 2 décembre 2008.
Ce projet fait du « soin sans consentement » le modèle du soin psychique. Il maintient l’exception française en Europe d’une loi spécifique pour le traitement sous contrainte en psychiatrie, sans qu’un juge intervienne dans l’autorisation de cette privation de liberté. En posant le principe d’un soin sous contrainte imposable tant à l’hôpital qu’au domicile du patient, il y ajoute l’atteinte à la vie privée. Ainsi, les patients, fichés et contraints, se verraient enfermés dans une véritable trappe psychiatrique : considérés à vie comme des malades mentaux potentiellement dangereux.

L’entrée dans le soin est annoncée de fait comme une garde à vue psychiatrique de 72 heures , durant laquelle toute action de traitement contraint serait autorisée. C’est plus encore qu’un régime de liberté surveillée, puisque pouvant autoriser toute intrusion dans l’intimité et le corps du patient.

Nous sommes également opposés à des soins sans consentement en « ambulatoire  ». Ce serait la partie immergée d’une psychiatrie sécuritaire, autoritaire et paternaliste. Pour les professionnels comme pour les usagers ce serait accepter que l’obligation de moyens pour l’Etat en vue d’une psychiatrie d’accueil et de soin, soit au contraire celle de l’organisation d’un nouveau «  grand renfermement » actualisé. Depuis décembre 2008, l’État a trouvé l’argent pour construire 4 unités pour malades difficiles, pour installer ou rénover des chambres d’isolement et installer la vidéosurveillance ! N’oublions pas qu’une telle disposition entre aussi dans le cadre de la nouvelle gouvernance : cela coûterait moins cher et cela pourrait donner lieu au développement de services à but lucratif.

Au vu de l’application de fichiers dans d’autres domaines (que nous dénonçons), ce projet contient la perspective d’un fichage national généralisé de toute personne bénéficiant de soins spécialisés. Cette disposition adhère à l’amalgame entre « folie » et « dangerosité », amalgame que nous condamnons. Toutes les études sur le sujet en démontrent la fausseté. En insistant sur la figure de l’aliéné, le pouvoir justifie sa politique de la peur et la société de surveillance qu’il met en place. Tel est le véritable sens du « soin sans consentement » prévu dans ce texte

Citoyens, élus, usagers, professionnels, nous devons tenir bon.

Le soin psychique ne concerne pas que des « états aigus », des « troubles du comportement », auxquels la réponse unique serait simplement médicale, médicamenteuse et normalisatrice. Le soin psychique demande des approches complexes, des disponibilités d’accueil, d’écoute, d’accompagnement, d’hospitalité, des pratiques de négociation avec le patient et son entourage, avec des intervenants souvent nombreux, en difficulté, et aux intérêts différents. Cela implique que la « personne présentant des troubles psychiques » soit pensée et vécue comme un corps, une subjectivité singulière, une personne, un individu social, et un sujet de droit. Une telle fondation éthique a pu et peut toujours s’illustrer dans des pratiques concrètes. L’État se doit de les favoriser.

On comprendra alors notre appel pour une mobilisation publique contre un tel projet de « condamnation au soin », et contre le projet politique qu’il promeut. Si une obligation de soin peut s’imposer, elle doit être cadrée de manière à assurer l’articulation du droit à des soins garantissant la préservation de l’intégrité de la personne et de ses droits, et de droits de recours effectifs. La mise en œuvre d’une telle obligation ne peut se dérouler que pour une durée limitée sous le contrôle de la justice dans un lieu de soins spécialisé agréé et assurant des soins 24h / 24. Nous soutenons qu’il est possible pour l’essentiel d’aménager des espaces et des temps d’accueil, de traitement actif de la demande des tiers, de négociation et d’élaboration avec une personne présentant un état psychique pouvant éventuellement conduire à un traitement contraint.

Il faut en finir avec l’exception psychiatrique ; le droit commun doit s’appliquer. Il faut en finir avec le pouvoir du Préfet, qui a toujours signifié loi de police et mesure de sûreté. Il faut une mesure de protection de la personne, qui relève alors de recommandations médicales et d’une obligation de prendre soin pour les services psychiatriques dans le respect de la dignité de la personne et de sa parole, autant que d’une autorisation et d’un contrôle par l’instance d’un juge judiciaire.

Ce projet de loi est un leurre démagogique à l’égard des familles, des voisins, de l’ordre public. Voté, il aurait des conséquences lourdes pour les libertés individuelles, les droits collectifs et le soin psychique. Nous demandons instamment aux parlementaires de repousser un tel projet. Nous invitons professionnels, élus, usagers, citoyens à débattre partout et à faire valoir l’alternative esquissée ici pour répondre à la situation.

http://www.maiscestunhomme.org/

http://www.uspsy.fr/spip.php?article1313


Premiers signataires :

Organisations Signataires :

Collectif Non à la Politique de la Peur,
Advocacy France,
Association pour la Recherche et le Traitement des Auteurs d’Agressions Sexuelles (ARTAAS),
ATTAC France,
Collectif d’associations d’usagers en psychiatrie (CAUPsy),
Fédération pour une Alternative Sociale et Écologique,
Fondation Copernic,
Groupe Information Asiles (GIA),
Ligue des droits de l’Homme,
Nouveau Parti Anticapitaliste,
Parti Communiste Français,
Parti de Gauche,
Parti Socialiste,
Les Sentinelles Egalité,
SERPsy,
Solidaires,
Sud Santé Sociaux,
Syndicat de la magistrature,
Syndicat de la Médecine Générale,
SNPES-PJJ-FSU,
Union Syndicale de la psychiatrie,
les Verts.

Signataires individuels :

Alain Acquart, Infirmier de secteur psychiatrique, Sud Santé Solidaires ;
Étienne Adam, FASE ;
Pouria Amirshahi, Secrétaire National du Parti Socialiste ;
Michel Antony, Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et des maternités de proximité ; Maïté Arthur, Collectif d’associations d’usagers en psychiatrie (CAUPsy) ;
Etienne Balibar, Philosophe, Professeur émérite ;
Baron Sophie Laforêt, psychiatre, Vice Présidente de l’ARTAAS ;
Martine Billard, Députée de Paris, Porte-parole national du Parti de Gauche ;
Fabienne Binot, secrétaire de Sud Santé Sociaux ;
André Bitton, Président du Groupe Information Asiles (GIA) ;
Guilhem Bleirad, Collectif Non à la politique de la Peur, Collectif des 39 La nuit sécuritaire
Éric Bogaert, Psychiatre, USP ;
Paul Brétecher, psychiatre, PROGRES/Agapes ;
François Capron, Psychanalyste, Président de la société de psychanalyse de Tours ;
Robert Castel, Sociologue ;Alain Chabert, Psychiatre, USP ;
François Xavier Corbel, Ligue des droits de l’Homme ;
Claude Corman, médecin et essayiste ;
Pierre Cours-Salies, FASE ; Pierre Delion, Professeur de Psychiatrie ;
Nelly Derabours, Sud Santé Sociaux ;
Claude Deutsch, Advocacy France ;
Françoise Devambez ;
Gilles Devers, Avocat ;
Bernard Doray, Psychiatre, CEDRATE ;
Jean-Pierre Dubois, Président de la Ligue des droits de l’Homme ;
Antoine Dubuisson, Vice Président du GIA ;
Cécile Duflot, Secrétaire Nationale des Verts ;
Dumont Françoise, Vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme ;
Bernard Durand, Psychiatre, Fédération des Croix Marine ;
Louis Dureu, Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et des maternités de proximité ;
Martine Dutoit, Advocacy France ;
Hélène Franco, Responsable nationale commission « Institutions, justice et libertés », Parti de Gauche ;
Jacqueline Fraysse, Député, FASE ;
Marie Gaille, Philosophe, CNRS, codirectrice du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin ;
Philippe Gasser, psychiatre, USP, ATTAC ;
Claire Gékière, Psychiatre, USP ;
Jean Luc Gibelin, Responsable commission santé et protection sociale, Parti Communiste Français ;
Dominique Guibert, Secrétaire Générale de la Ligue des droits de L’Homme ;
Jean-Marie Harribey, Economiste ;
Isabelle Hocher, Infirmière de secteur psychiatrique ; Marie Ines, SNPES, PJJ, FSU ;
Albert Jacquard, écrivain et chercheur ;
Pierre Januel, Les Verts ;
Eva Joly, Député européen, Europe Ecologie ;
Thierry Jouanique, GIA ; Serge Klopp, Cadre de santé, Parti Communiste Français ;
Anik Kouba, Psychologue Clinicienne ;
Annie Labbé, CAUPsy ;
Olivier Labouret, Psychiatre, ATTAC, USP, LDH, commission santé des Verts ;
Eric Labrune, GIA ; Thomas Lacoste, Cinéaste et Editeur ; Jean-Claude Laumonier, NPA ;
Dominique Laurent, CAUPsy ;
Pierre Laurent, Secrétaire National du Parti Communiste Français ;
Anne Leclerc, Nouveau Parti Anticapitaliste ;
Henri Leclerc, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ;
Anne-Marie Leyreloup, SERPSY ; Claude Louzoun, Psychiatre, USP, Collectif Non à la politique de la Peur ;
Christian Mahaut, Advocacy France ;
Jean-Pierre Martin, Psychiatre, USP, Collectif Non à la politique de la Peur ;
Bernard Meile, Advocacy France ;
Philippe Meirieu, Vice-président Rhône Alpes, Europe Ecologie ;
Jean-Luc Mélenchon, Député européen, Président du Parti de Gauche ;Jacques Michel, Universitaire ; Miossec Yvon ;
Françoise Nay, Médecin, Coordination Nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité ;Frédéric Neyrat, Sociologue ;
Pierre Paresys, Psychiatre, USP ;
Philippe Rappard, Psychiatre des hôpitaux émérite ;
Gislhaine Rivet, Ligue des droits de l’Homme ;
Patrick Silberstein, Médecin, FASE ;
Evelyne Sire-Marin, Magistrate, Fondation Copernic ;
Taalba Farid, FSQP ;
Michel Tubiana, Président d’honneur de la Ligue des droits de l’Homme ;
Jean Vignes, Sud Santé Sociaux ;
Sophie Wahnich, Historienne, Directrice de recherche au CNRS ;
Elisabeth Weissman, Journaliste.


http://www.uspsy.fr/spip.php?article1330


L’AVENIR RADIEUX DE LA FLICHIATRIE

Par Olivier LABOURET, Médecin Psychiatre

L’Etat français néolibéral, après une campagne médiatique sécuritaire commandée avec acharnement par celui qui l’incarne, compte réformer la loi de 1990 sur les soins sans consentement.

Contrairement à l’analyse qui en est faite par de nombreux confrères psychiatres, le danger principal de ce projet de loi ne réside pas dans la multiplication des hospitalisations à la demande de l’autorité publique, qui signerait le retour du grand renfermement asilaire. L’internement coûte cher, et le personnel soignant comme les places manquent : que la surpopulation devienne la règle à l’hôpital comme c’est le cas en prison, est une hypothèse improbable - on n’a pas encore trouvé par quel mécanisme schizophrénique faire rentrer deux patients dans une seule chambre d’isolement…

Non, la conséquence la plus redoutable de cette loi (si elle est adoptée) va être la généralisation des soins sans consentement en ambulatoire[1], et la société de contrôle panoptique qu’elle annonce et va entraîner irrémédiablement dans son sillage… Ce que cette loi présage, ce n’est en effet ni plus ni moins que le grand renfermement… à domicile !

Tels sont les symptômes avant-coureurs de cette évolution sociale tout à la fois psychologique et politique, d’un enfermement chez soi et en soi croissant, compatible avec la poursuite d’objectifs économiques nécessitant un parfait conformisme des masses à l’ordre public dominant :

- L’inviolabilité du domicile n’existe plus depuis la loi Perben II de 2004 : la police peut rentrer chez n’importe qui à toute heure du jour et de la nuit. Cette intrusion est redoublée par la toute récente loi LOPPSI II, qui permet désormais l’espionnage par la police de toutes les communications électroniques privées.

- Le chef de l’Etat français lui-même, dans un discours qui a fait date, a promis l’aide technique de la géolocalisation pour surveiller les dangereux schizophrènes (c’est devenu un pléonasme pour le bon peuple). L’assignation à domicile (ou à proximité) par bracelet électronique est déjà largement étendue depuis 1997 comme peine substitutive à l’enfermement carcéral.

- L’hospitalisation à domicile psychiatrique a été expérimentée et s’est développée dans de nombreux départements depuis 2004[2].

- Il appartient aux médecins de prononcer les arrêts de travail, comportant des heures fixes de présence quotidienne obligatoire à domicile[3]. Cette disposition vise à faciliter les contrôles, notamment à l’initiative des employeurs[4], pour lutter contre la fraude aux arrêts de travail abusifs. Il est particulièrement intéressant de constater comme le recours banalisé à la caution scientiste de la médecine permet ainsi d’enfreindre la liberté d’aller et de venir, droit pourtant constitutionnel[5] !

- Rappelons comment la propagande testée en 2008 autour de la grippe A, a répandu l’idée d’un confinement généralisé de la population, et planifié un état d’exception où les droits du travail et de la justice pourraient être bafoués du jour au lendemain.

- Un apartheid physique s’étend à l’échelle mondiale entre les riches, les méritants, les élus d’un côté, et les pauvres, les malades, les parias de l’autre : centres de rétention, murs de séparation entre ou à l’intérieur des états, délimitant des zones vertes et rouges[6], multiplication des résidences et maintenant des villes sécurisées ;

- Conséquence directe de la privatisation de l’existence comme du bouleversement des moyens de communication, se développent également le télétravail, la télémédecine, le téléachat, l’enseignement à domicile, l’éducation thérapeutique

- Garante de la santé mentale de toute la population, la psychiatrie s’occupe désormais de « traiter » tout trouble du comportement, autrement dit toute déviance par rapport à la norme sociale telle que, par exemple, le trouble oppositionnel (ce qui évoque irrésistiblement la psychiatrie du goulag soviétique, où l’opposition politique constituait une maladie mentale[7]). De la police intérieure pinelienne en passant par l’intériorisation surmoïque freudienne de la contrainte externe, jusqu’aux neurosciences qui permettent d’inscrire médicalement aujourd’hui toute défaillance, toute différence à l’intérieur même du cerveau voire du capital génétique de chacun : la métaphore médico-psychologique ne pouvait rester lettre morte après deux siècles de délire positiviste… Flicage psychiatrique et techno-scientiste destiné effectivement à tous nous surveiller : le fichage informatique se généralise[8], tandis que les députés du parti du chef de l’Etat français prônent le fichage de l’ADN à la naissance et du comportement des enfants dès la maternelle.
Désormais, le management comportementaliste par l’autoévaluation et l’amélioration continue de ses performances consacre partout la psychologisation hygiéniste du ministère de l’intérieur : chacun est devenu son propre policier, son propre médecin, son propre chef d’entreprise privée individuelle, s’auto-contrôlant et s’auto-développant pour se soumettre aux normes biologiques de la neuro-économie. Le repli sur soi obéit à la loi du marché et accomplit la sélection naturelle
Sauve qui peut ! Mais en rangs : la guerre économique mondiale nécessite que soit garanti jusqu’au bout le moral des troupes. Voici pourquoi la psychiatrie est désormais au cœur des enjeux politiques, instrumentalisée par le pouvoir psycho-économique, pour lequel seule compte la loi égoïste du profit et de la concurrence : la santé mentale positive néolibérale, n’est-ce pas savoir profiter des opportunités pour s’adapter à une situation à laquelle on ne peut rien changer[9] ? Chacun pour soi, chacun chez soi, et tous pour la compétition économique (comme l’explique la présidente de la fondation neuro-scientiste FondaMental, autre députée du parti au pouvoir)[10] !

- La loi de 1990 est une loi d’exception, dérogeant au droit commun : la seule où une mesure de privation de liberté est décidée non par un juge, mais par le représentant de l’Etat… Exception qu’aggravera la réforme annoncée, puisque le Préfet ne sera jamais tenu de suivre l’avis médical, et choisira lui-même l’expert psychiatre, exercice qu’il pourra répéter indéfiniment - jusqu’à ce que le Juge des libertés et de la détention, indépendant comme chacun sait de toute pression exécutive, ose s’y opposer. Bref, toute personne extériorisant son « trouble » hors de chez elle, ou se mettant hors d’elle, risquera demain légalement d’être « traitée », c’est-à-dire neuroleptisée, à vie…

- Il n’est pas hors de propos de rappeler enfin, last but not least, que le pic de Hubbert est déjà vraisemblablement derrière nous : la production de pétrole va se tarir inexorablement dans les 20 ans à venir… Cette crise énergétique ultime, sauf lapin sorti in extremis du chapeau par quelque allègre magicien, annonce le grand retour de la marche à pied, excellente au demeurant pour la santé physique et mentale du plus grand nombre, mais gênante pour que le plus grand nombre aille faire ses courses au centre commercial de plus en plus excentré, comme pour aller voir son psychiatre en consultation...

Que peut-on conclure de tous ces éléments juxtaposés, vers quelle perspective menaçante convergent-ils ? N’est-ce pas celle toute tracée par les idéologues ultra-libéraux de la post-modernité bien-pensante et bêlante, du TINA[11] de lady Thatcher à la fin de l’Histoire de mister Fukuyama[12] ? Le bonheur individuel du développement personnel, le must de l’épanouissement psycho-technique ne résident-ils pas dans le cocooning et l’hyperconsommation, chacun enfermé chez soi devant le miroir narcissique de ses écrans magiques, communiquant instantanément avec le monde entier par mails, blogs, textos et facebook - et grâce à cette bonne vieille télévision qui nous captive toujours de son star-système hypnotique, la réussite par l’argent facile et le succès médiatique, de l’enfant-roi au chef de l’Etat français bling-bling ?

Vers quelle post-humanité monstrueuse, vers quelle convergence funeste de l’hyper-individualisme de la jouissance immédiate et de l’hyper-étatisme du contrôle médicalisé et policé de nos consciences tendons-nous ainsi inexorablement ?

Le sociologue et philosophe Hartmut Rosa[13] a bien décrit cette « immobilité fulgurante » dans laquelle nous allons tous être bientôt emmurés vivants[14]… L’apocalypse intériorisée avant même l’heure dernière !

L’isolement à domicile, pour résumer, c’est que du bonheur : bénéfice économique (évitement de l’hospitalisation et marché florissant de la sécurité), bénéfice sécuritaire (préservation de la tranquillité publique), bienfait psychologique (promotion du confort narcissique), bienfait écologique (amortissement de la crise énergétique)… La paralysie sociale, la noyade collective programmées dans la bonne humeur communicative du troupeau normopathique !

L’avenir radieux de la psychiatrie
 : le grand renfermement à domicile ! Et les moutons seront bien gardés, en attendant de se jeter à l’eau comme un seul homme, le dernier homme, le meilleur pour la fin… Dans sa folie de plus en plus furieuse, l’Etat français néolibéral prendrait-il les psychiatres, ces garde-fous du désordre symbolique, pour d’ultimes Panurges ?

Olivier LABOURET
Médecin Psychiatre
Union Syndicale de la Psychiatrie _ Collectif contre la Nuit Sécuritaire
Conseil Scientifique d’Attac

[1] Pouvant comporter des soins à domicile, article L.3211-2-1 du projet de loi.
[2] Circulaire DHOS du 4 février 2004.
[3] Article L.323-6 du Code de la sécurité sociale, instauré par la Loi de financement de la sécurité sociale 2007.
[4] Loi relative à l’assurance maladie du 9 août 2004.
[5] Décision du Conseil Constitutionnel du 12 janvier 1977.
[6] Lire W. Brown, Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique, les Prairies ordinaires, 2009 ; N. Klein, la Stratégie du choc, Actes sud, 2008.
[7] Lire W. Boukovsky, Une nouvelle maladie mentale en URSS : l’opposition, Seuil, 1971.
[8] Fichage simultanément policier, financier, social et sanitaire, dont les trois finalités visent à éliminer toute déviance individuelle : interconnexion croissante, prédiction de tout « trouble » ou délit, contrôle des populations à problèmes sous le masque de la lutte contre la fraude et contre la délinquance (pauvres, jeunes, étrangers, malades, militants…).
[9] Lire le rapport du Centre d’analyse stratégique, la Santé mentale, l’affaire de tous, novembre 2009.
[10] Voir Un monde sans fous, documentaire de P. Borrel, Cinétévé, avril 2010.
11] There is no alternative.
[12] La Fin de l’histoire et le dernier homme, Flammarion, 1992.
[13] Accélération. Une critique sociale du temps, la Découverte, 2010.
[14] Sauf renouveau politique altermondialiste et alterpsychiatrique !

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