Une tribune pour les luttes

Communiqué de L’ « Association Jean ZAY en Provence – Pédagogie, Mémoire et Histoire »

Demain 7 décembre : il y a 70 ans Jean ZAY arrivait à Marseille

Article mis en ligne le lundi 6 décembre 2010

L’ « Association Jean ZAY en Provence – Pédagogie, Mémoire et Histoire » vous rappelle :

Notre but principal consiste à d’honorer et entretenir la mémoire de la vie et de l’oeuvre pédagogique de l’ancien ministre Jean ZAY qui fut en charge de l’Education Nationale et de la Culture de juin 1936 à septembre 1939, http://aegir.cndp.fr/crdporleans/crdp/jean-zay/ grand défenseur de l’école publique et laïque, résistant, condamné à la déportation par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand aux ordres de Vichy, emprisonné à Riom jusqu’au 20 juin 1944 où des miliciens viennent l’arracher à sa prison pour l’abattre dans un bois,

vous informe :

Il y a 70 ans à Marseille :

Jean ZAY, condamné par la justice de Vichy, arrivait au Fort Saint-Nicolas à Marseille le 7 décembre 1940... en route vers la Guyane, lieu ordinaire de déportation.
(voir http://aegir.cndp.fr/crdporleans/crdp/jean-zay/prisonnier/prisonpol.htm)

Jean ZAY écrit dans “Souvenirs et Solitude” [Ed de l’Aube], (p.31) :


Jeudi 7 décembre [1940]

A 4 heures du matin, sous la conduite d’un lieutenant de gendarmerie, que renforcent un brigadier et deux gendarmes – je ne me savais pas si dangereux-, j’ai quitté Clermont-Ferrand.
.../...
La Guyane ! C’est le lieu ordinaire de la déportation. L’île du Diable ! Quelle brusque évocation [C’est à l’île du Diable que fut déporté le capitaine Dreyfus en 1895.] Depuis mon procès, terminé le 4 octobre par une peine politique, dont le choix constituait un aveu, personne n’a supposé qu’on songeât à me déporter effectivement. Partait-il encore des bateaux pour le colonie ? Ne risquaient-ils pas d’être interceptés ? Vichy semblait embarrassé de son prisonnier ; je me croyais oublié dans ma cellule de Clermont-Ferrand. Pourquoi se détermine-t-on soudain à exécuter cette anachronique condamnation ?
.../...
On me conduit directement au Haut-Fort Saint-Nicolas qui, juché sur un piton, domine sans grâce le Vieux-Port. Il y souffle une bise glacée. Fit-il jamais si froid à Marseille ? Le directeur, corse et capitaine, me laisse entendre que c’est par faveur qu’il ne me fait pas raser les cheveux et fouiller à corps. Mais on me dépouille de mes livres, de mon stylo, de mon tabac, de mon rasoir, de ma montre et on m’enlève jusqu’à mon alliance... Comme je proteste contre un pareil traitement, en tout état de cause illégal, le directeur élargit les bras, dans un geste indéfinissable qui veut exprimer l’impuissance, mais révèle surtout une secrète satisfaction : “Ne vous plaignez pas, dit-il, vous allez avoir une cellule toute neuve.”

Nous traversons quelques cours, où tournent en rond des prisonniers transis, et nous arrivons, de l’autre côté du fort, sur le flanc nord, exposé au mistral et aux rafales maritimes, à la “Cour Nord”. C’est un quadrilatère dallé, fermé de murs interminables, et sur lequel s’ouvrent douze cellules [ le plan ci-dessus n’indique que 10 cellules face au Nord]. Elle sont neuves, en effet. La mienne mesure environ trois mètres sur cinq. Elle ne comporte point de lit, mais un bat-flanc avec une paillasse, un “sac à viande” et trois couvertures, une tablette de fer scellée au mur, un tabouret : le cachot classique. Pas de feu naturellement. Comme je n’ai rien mangé depuis le matin, on m’apporte une gamelle d’eau chaude où flottent des légumes gélatineux. Je n’y puis toucher. Quant on referme la porte de fer, et comme il n’est guère que 4 heures, je m’aperçois qu’une obscurité presque complète règne dans ce réduit : c’est qu’il n’y a point de fenêtre, seulement un étroit vasistas près du plafond et le verre grillagé en est dépoli.

Plan d’époque

8 décembre [1940]

Je n’ai point dormi, grelotant de froid et cherchant vainement à retenir sur moi les couvertures trop étroites. La “cour nord” est un entonnoir où tourbillonne un vent glacial [ voir le plan ci-dessus] qui pénètre à son aise sous la porte et par le vasistas disjoint. Comme je m’assoupissais tout de même vers 6 heures du matin, j’ai été réveillé par de terribles coups de clé, qui résonnaient longuement sur les ferrures de la porte ; c’est la ronde du réveil. Pas de café. Pour toute nourriture une gamelle comme celle d’hier, à 9 heures du matin et une autre à 3 heures du soir. Elles sont immangeables. On me les passe per le guichet percé dans la porte. J’aperçois donc confusément, quelques secondes, un visage humain, mais, comme on a prévenu le gardien que j’étais “au secret”, il ne m’adresse pas la parole. Si je lui demande l’heure, il referme le guichet sans répondre. On me remet une cuillère en même temps que la soupe, mais, en reprenant la gamelle vide, quelques instants plus tard, on reprend également la cuillère qui doit demeurer accrochée à un clou extérieur. Cet instrument est jugé dangereux. Heureusement il y a une cruche d’eau et c’est tout ce que réclame ma fièvre naissante.

9 décembre [1940]

.../...
Sous la surveillance d’un ex-adjudant corse – tout le personnel serait-il corse ? – qui dissimule mal sous sa pèlerine un énorme et ridicule pistolet d’opéra-comique, j’ai maintenant droit à deux “promenades” par jour : une heure le matin, une heure le soir. Elles ont lieu dans la cour qui sépare les deux rangées de cellules. Mais il faut le pas accéléré pour supporter le vent et les rafales de neige. Encore est-ce une faveur, parait-il, car, d’ordinaire, les prisonniers ne doivent prendre l’air que dans un emplacement de deux mètres sur trois à peu près, à ciel ouvert mais ceint de murs bas, qui précède chaque cellule comme une antichambre dérisoire. Il est impossible de s’y mouvoir à moins de tourner sur soi-même. Le surveillant, qui me parle parfois à la dérobée, jetant ses paroles comme une aumône, déclare que certains détenus ont habité de longs mois la ’”cour nord”, quelquefois plus d’un an, mais le cas est rare, car c’est en principe la cour des condamnés à mort. Quand ils en sortaient, ils chancelaient, ne pouvaient plus placer un pied devant l’autre. Chaque année on compte un ou deux suicides.
.../...

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L’association a pour buts :

- d’honorer et entretenir la mémoire de la vie et de l’oeuvre pédagogique de l’ancien ministre Jean ZAY qui fut en charge de l’Education Nationale et de la Culture de juin 1936 à septembre 1939, http://aegir.cndp.fr/crdporleans/crdp/jean-zay/ grand défenseur de l’école publique et laïque, résistant, condamné à la déportation par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand aux ordres de Vichy, emprisonné à Riom jusqu’au 20 juin 1944 où des miliciens viennent l’arracher à sa prison pour l’abattre dans un bois,

- d’honorer et entretenir la mémoire des Résistants de la Haute Vallée de l’Arc, et particulièrement d’ Albéric LAURENT, instituteur à Peynier dès 1932, membre des Forces Françaises de l’Intérieur dès 1943, mortellement blessé au combat dans le Haut-Rhin le 21 janvier 1945 ;

et, plus généralement

- d’approfondir et diffuser la connaissance de l’histoire des acteurs de la deuxième guerre mondiale, de la Déportation et de la Résistance dans les Bouches-du-Rhône et en Provence.

Comité scientifique :

Raymond AUBRAC, Résistant, Commissaire de la République à la Libération, région de Marseille, Marie Thérèse BRUN-CLAVERIE, Présidente Les Amis de la Résistance, ANACR Aix, épouse de René CLAVERIE, fils d’André CLAVERIE, Résistant maquis de Saint Antonin sur Bayon, Jean-Paul CHINY, Président, Les Amis de la Résistance, ANACR Marseille, Auguste DELEUIL, Résistant du maquis du Puy Saint Jean (Trets), José GOTOVITCH, Historien Académie Royale de Belgique, Jean-Marie GUILLON, Historien, Robert LAZENNEC pédagogue, Robert MENCHERINI, Historien, Catherine MARTIN-ZAY, fille aînée de Jean ZAY, Hélène MOUCHARD-ZAY, fille cadette de Jean ZAY, Antoine PROST, Historien de la pédagogie, Président de l’association nationale des Amis de Jean Zay, Joe RONSMANS-DAVRAY, Résistant, Engagé volontaire, débarquement de Provence, André SAMAT, neveu d’Albéric LAURENT, Guy VAN OOST, Pédagogue.

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Le 7 janvier 1941, Jean Zay, malade est transféré à la Maison d’Arrêt de Riom, où il obtient le statut de prisonnier politique : il peut recevoir la visite de sa famille, et, avec autorisation spéciale, de ses amis, il peut lire des journaux et des livres. Ce régime sera durci à plusieurs reprises, en particulier en septembre 1943, après l’évasion du général de Lattre, puis en avril 1944.

Le 20 juin 1944, trois miliciens munis d’un ordre de transfert à Melun signé par Baillet, directeur de l’administration pénitentiaire, également milicien, accompagné d’instructions de Clémoz, chef de cabinet de Darnand
conduisent Jean Zay, en voiture, dans les bois de Cusset, près de Vichy.
Ils le font descendre de voiture. L’un d’eux le matraque, puis Develle l’abat, d’une rafale de mitraillette. Les assassins dépouillent le corps de ses vêtements, lui arrachent son alliance, le jettent dans un ravin, "le Puits du Diable", qu’ils plastiquent pour empêcher toute identification.

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