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CADTM

Quand l’Islande réinvente la démocratie

par Jean Tosti

Article mis en ligne le samedi 18 décembre 2010

http://www.cadtm.org/Quand-l-Islande-reinvente-la

16 décembre 2010

Depuis le samedi 27 novembre, l’Islande dispose d’une Assemblée constituante composée de 25 simples citoyens élus par leurs pairs. Son but : réécrire entièrement la constitution de 1944 en tirant notamment les leçons de la crise financière qui, en 2008, a frappé le pays de plein fouet.

Depuis cette crise dont elle est loin d’être remise, l’Islande a connu un certain nombre de changements assez spectaculaires, à commencer par la nationalisation des trois principales banques, suivie de la démission du gouvernement de droite sous la pression populaire. Les élections législatives de 2009 ont amené au pouvoir une coalition de gauche formée de l’Alliance (groupement de partis composé des sociaux-démocrates, de féministes et d’ex-communistes) et du Mouvement des Verts de gauche. C’était une première pour l’Islande, tout comme la nomination d’une femme, Johanna Sigurdardottir, au poste de Premier ministre.

Très vite, le nouveau gouvernement se trouve face à un problème épineux : le règlement aux Pays-Bas et au Royaume-Uni d’une dette de 3,5 milliards d’euros suite à la faillite d’Icesave, banque en ligne dont les opérations étaient tournées principalement vers ces deux pays. Sous la pression de l’Union européenne, à laquelle les sociaux-démocrates souhaiteraient adhérer, le gouvernement fait voter en janvier 2010 une loi autorisant ce remboursement, ce qui reviendrait, pour chaque Islandais, à débourser pendant huit ans une somme d’environ 100 euros par mois. Mais le président de la République refuse de ratifier la loi, dont le texte est alors soumis à un référendum. À plus de 93%, les Islandais votent contre le remboursement de la dette (6 mars), et depuis le problème reste en suspens.

C’est dans ce contexte que l’Islande décide de modifier sa constitution, qui en fait n’a jamais été vraiment rédigée : lorsqu’en 1944 la république avait été proclamée, on s’était contenté de recopier dans les grandes lignes la constitution du Danemark, pays dont l’Islande dépendait depuis plusieurs décennies, en remplaçant simplement le terme de “roi” par celui de “président de la République”. C’est donc une nouvelle constitution qu’il s’agit d’écrire entièrement, et pour cela on a décidé de faire confiance au peuple souverain. Il y a eu d’abord un appel à candidatures (tout le monde pouvait se présenter à l’exception des élus nationaux, à condition d’avoir dix-huit ans révolus et d’être soutenu par au moins trente personnes) auquel ont répondu 522 citoyennes et citoyens. C’est parmi eux qu’ont été élus les 25 constituants.

Ces derniers commenceront à se réunir à la mi-février et rendront leur copie avant l’été. Parmi les propositions qui reviennent le plus souvent, on peut noter la séparation de l’Église et de l’État, la nationalisation de l’ensemble des ressources naturelles et une séparation claire des pouvoirs exécutif et législatif.

Certes, l’Islande n’est qu’un petit pays d’environ 320 000 habitants. Elle donne cependant là une belle leçon de démocratie aux grands États dont la France : songeons que, dans notre pays, la réforme constitutionnelle de 2008 a été entièrement rédigée à l’Élysée, et que les parlementaires ne l’ont adoptée qu’à deux voix près après avoir été soumis pendant des semaines à des pressions intolérables de la part du chef de l’État.


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Vos commentaires

  • Le 19 décembre 2010 à 20:57, par Christiane En réponse à : Irlande - Islande : 2 réponses opposées sur la gestion de la crise de la dette

    Quelle est la différence entre l’Islande et l’Irlande ? Une lettre et 6 mois. Ces deux pays ont connu le même boom de croissance pendant la période d’euphorie, pendant lesquelles les banques ont pris des risques incensés dépassant leur possibilité. Le résultat on le connaît, des pays dans lesquels le système bancaire a sauté mais c’est là que la comparaison s’arrête.

    L’Islande a laissé ses banques faire faillite et n’a pas utilisé l’argent des contribuables pour sauver les banques et l’Irlande a nationalisé les dettes des banques en difficulté, de ce fait elle a subi les attaques et la crise que l’on connaît. L’Islande aujourd’hui se porte bien, c’est là la surprise, son budget sera excédentaire en 2012, son chômage régresse et sa croissance va s’aligner sur celle des pays nordiques. Du coup, le gouvernement de la banque centrale d’Islande s’est même permis hier de donner une leçon aux pays de la zone euro, en déclarant que c’était abherrant que les gouvernements garantissent les emprunts des banques qui ont fait des erreurs et tant pis pour les investisseurs. L’Islande est un tout petit état mais qui a sa propre monnaie, ce qui est bon pour l’Islande n’est pas forcément bon pour tous les pays. Elle ne compte que 320 000 habitants et elle a pu dévaluer sa monnaie de prés de 30% ce que l’Irlande ne peut pas faire.

    Tout de même, il y a matière à réflexion, il faut rappeler que les Etats sont en grande difficulté car ils ont pris la décision en 2008 de prendre à leur charge totalement les erreurs des banques. Deux ans après, les banques font des bénéfices et les Etats sont attaqués. Sans que l’Irlande ou les autres Etats puissent même bénéficier du ballon d’oxygène d’une dévaluation, car c’est le principe de l’euro, il est difficile aujourd’hui de demander aux contribuables de payer plus d’impôt, de recevoir moins de service public à cause des banques qui continuent à spéculer et qui vont distribuer des bonus records en 2010 et des dividendes à leur actionnaires. Entre l’Islande et l’Irlande, il y a finalement bien plus qu’une lettre de différence.

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