Une tribune pour les luttes

Communiqué de Reporters sans frontières du 7 janvier 2011

Condamnation d’Emine Demir, ancienne rédactrice d’Azadiya Welat, seul quotidien en langue kurde de Turquie, à 138 ans de prison.

Article mis en ligne le vendredi 7 janvier 2011

Avec les liens sur :
http://fr.rsf.org/spip.php?page=article&id_article=39239

L’ancienne rédactrice du quotidien kurde Azadiya Welat condamnée à 138 ans de prison

Publié le 7 janvier 2011

Reporters sans frontières apprend avec effroi la condamnation surréaliste d’Emine Demir, ancienne rédactrice d’Azadiya Welat, seul quotidien en langue kurde de Turquie, à une peine de 138 ans de prison pour «  propagande en faveur des rebelles kurdes » et « appartenance à une organisation terroriste ».

La journaliste peut encore faire appel de la sentence. Son avocat, Servet Osen, a demandé l’acquittement de sa cliente au nom de la liberté d’expression. Il a souligné qu’Emine Demir n’était pas aux ordres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et que ses articles devaient être considérés comme des reportages, et non comme des actes de propagande. La cour a émis un mandat d’arrêt contre la journaliste qui ne s’est pas présentée à l’audience.

Emine Demir, âgée de 24 ans, est accusée d’avoir soutenu la cause du PKK, considéré comme une organisation terroriste par de nombreux Etats, dont la Turquie, l’Union européenne et les Etats-Unis. La rédactrice a été condamnée le 30 décembre 2010, en vertu de l’article 314 du code pénal turc et de l’article 7 alinéa 2 de la loi anti-terroriste (LAT), à un an et demi de prison par publication, pour 84 articles écrits entre 2008 et 2009. Reporters sans frontières réitère sa condamnation de l’usage abusif et insensé de la loi anti-terroriste par les autorités turques.

Le journal Azadyia Welat a déjà été suspendu huit fois par la justice turque. Au moins neuf journalistes du quotidien sont actuellement en prison, dont deux autres anciens rédacteurs en chef, qui ont été inculpés pour les mêmes motifs qu’Emine Demir. Le 13 mai 2010, Vedat Kursun a été condamné à une peine de 166 ans de prison. Le 9 février 2010, Ozan Kilinç avait été condamné par contumace à 21 ans de prison. Il a également été privé de ses droits civiques. Ainsi, les trois anciens rédacteurs en chef totalisent pas moins de 325 ans d’emprisonnement.

Ce véritable harcèlement judiciaire contre le seul journal en langue kurde du pays contraste avec les déclarations politiques en faveur de l’ouverture à la minorité kurde prononcées depuis 2009. La question kurde reste taboue et prétexte à la poursuite judiciaire de trop nombreux médias et journalistes en Turquie.

Ainsi, le rédacteur en chef du journal Hawar et responsable des Editions Aram, Bedri Adanir, encourt 50 ans de prison pour la publication d’articles au sujet du PKK et l’édition de livres rassemblant les plaidoiries réalisées dans le cadre du procès du leader du PKK, Abdullah Öcalan, devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le procès de Bedri Adanir, incarcéré depuis le 5 janvier 2010, se poursuivra le 3 mars 2011.

La journaliste Berivan Eker, ancienne rédactrice en chef du Renge Heviya Jine, est également exposée à une peine de 21 ans de prison. Elle a été arrêtée le 5 décembre 2010 et inculpée pour “appartenance au PKK” et “propagande de cette organisation”. Elle doit comparaître le 25 janvier 2011. La procureur estime qu’elle a commis un délit au nom de cette organisation même si elle n’en fait pas concrètement partie. Ce qui illustre, une fois de plus, l’instrumentalisation de la loi anti-terroriste, dont les textes en eux-mêmes sont déjà condamnables.

Cette partialité a d’ailleurs été avouée à demi-mot à travers la libération du journaliste Erdal Güler, ancien rédacteur en chef du quotidien Devrimci Demokrasi. Le 26 octobre 2010, la cour d’assises d’Istanbul a établi que la décision de sa condamnation prise en 2007 ne lui avait pas été annoncée conformément à la loi. Bien que cette libération soit largement motif de réjouissance, elle illustre les dissensions au sein de l’appareil judiciaire turc lorsque la loi est détournée au profit du politique.

Reporters sans frontières appelle la cour d’assises de Diyarbakir à annuler le mandat d’arrêt contre Emine Demir et la cour d’appel à rejeter la condamnation inique et démesurée de la journaliste. L’organisation demande à nouveau la modification de la loi anti-terroriste et la libération de Berivan Eker, Bedri Adanir, Vedat Kursun, Ozan Kilinç et de tous les autres journalistes emprisonnés en vertu de cette loi et pour leur activité journalistique.

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Vos commentaires

  • Le 10 janvier 2011 à 10:05, par Christiane En réponse à : Le kurde, une langue inconnue des juges du tribunal de Diyarbakir et … des manuels scolaires français

    Anne Guezengar

    Lundi 10 janvier 2011

    http://www.turquieeuropeenne.eu/article4529.html

    Connaissant le sens de l’humour des Kurdes, je suis sûre qu’on a dû bien rire dans les restaurants de Diyarbarkir en apprenant la nouvelle. Des avocats chargés de la défense de certains des nombreux élus, cadres du parti BDP, militants ou représentants de la société civile kurde dont le procès se déroule (et vient d’être ajourné au 13 janvier) dans la principale ville kurde de Turquie, avaient décidé de s’exprimer en kurde. Ils ont été expulsés du tribunal. Motif : ils s’exprimaient dans une langue…inconnue !

    Ces messieurs (et peut-être dames) travaillent - et donc vivent - à Diyarbakir, mais n’ont même pas réalisé que le kurde y était parlé et même écrit ! Ils ont bien dû avoir dans les mains un ou deux exemplaires du journal kurde Welat pourtant, dont certains des journalistes sont emprisonnés. Si la langue dans laquelle ils ont écrit leurs articles est une langue inconnue, et donc indéchiffrable, sous quel motif ont-ils été inculpés alors ? Certes, ce ne sont peut-être pas les mêmes juges qui les ont envoyés en prison. Mais à défaut de rencontrer de temps à autre les indigènes locaux, ils pourraient au moins se parler entre collègues, histoire d’être moins ignorants des réalités.

    Pour ces juges donc, il existe en Turquie une chaîne de TV d’Etat (TV6) qui s’exprime dans une langue inconnue, Aynur a chanté dans une langue inconnue lors du gala d’ouverture d’Istanbul capitale européenne de la culture, et dans ses meetings à Diyarbakir, Recep Tayyip Erdogan, le chef du gouvernement adresse régulièrement quelques mots d’une langue inconnue à son auditoire…

    Certes, il y a sûrement pas mal de gens en Turquie pour considérer le kurde comme une langue de gueux. Certains supportent difficilement d’entendre les convives de la table de restaurant voisine s’exprimer en kurde, pensant y déceler un acte subversif mettant l’unité de la République en grave danger (ceux là doivent considérer que la Suisse doit être au bord de la dislocation avec le nombre de langues qui y sont parlées). Mais ceux qui ignorent qu’il existe une (en fait plusieurs) langue kurde ne doivent pas être légion.

    Ouf, les juges du tribunal de Diyarbakir sont quand même assurés de trouver quelques soutiens indéfectibles. Et c’est dans les manuels scolaires d’histoire géographie de l’Etat qui a servi de modèle à leur république jacobine, qu’on en trouve un magnifique exemple. Dans un chapitre sur la diversité des langues d’un cours de première de lycée français, on apprend que le breton, le basque ou le catalan sont des langues qui existent et que les langues minoritaires sont défendues au sein de l’UE (et que c’est magnifique). Mais qu’on ne trouve qu’une seule langue en Turquie : le turc.

    Espérons que cette solidarité à l’idéologie kémaliste n’ira pas jusqu’à interdire le Q, le X et le W, comme en Turquie. Quoique les ados ne seraient peut être pas fâchés de voir la langue de leurs manuels scolaires commencer à ressembler à celle de leurs messages : Ki, Ke pkoi etc…(même si les kentin, kzavier et autres vilfried ne seraient sans doute pas ravis).

    Des lettres très subversives, comme le sait le sociologue turc Ismail Besikci qui a déjà passé plus de 20 ans en prison pour avoir refusé de prétendre qu’il ne croyait pas à ce qu’il avait écrit. Il est à nouveau traîné devant les tribunaux pour un article qui ne convient pas à l’idéologie officielle. Et avoir choisi d’orthographier (avec un Q et non un K) Qandil , la montagne kurde où se trouve les principaux camps du PKK, constituerait un élément à charge de son soutien à une organisation terroriste, selon des juges du tribunal d’Istanbul.

    Allons bon, Kandil serait une montagne turque, mon Q dirait Zazie, que les juges du tribunal de Diyarbakir ne doivent certainement pas connaître non plus. Avec un nom pareil, Queneau, est sûrement sympathisant d’une organisation terroriste.

  • Le 13 avril 2011 à 23:34, par ceren abla En réponse à : Le kurde, une langue inconnue des juges du tribunal de Diyarbakir et … des manuels scolaires français

    Vous dites n’importe quoi. vous ne savez même pas de quoi vous parlez. vous dites qu’en turquie, il n’y a qu’une seule langue : le turc ! et qu’en france il y a le catalan, le breton...
    oui, le turc est la langue officielle du pays tout comme le français en france.

    le catalan et le breton sont des langues régionales et la langue officielle reste le français !

    en turquie, il a aussi des dialectes comme le laze par exemple. il n’est pas interdit bien au contraire, on l’apprécie bien.

    concernant le terrorisme, vous demandez à n’importe quel kurde du sud-ouest de ce qu’il pense et s’il soutient le pkk, il vous répondra sans hésiter que "pkk=peuple kurde" et "peuple kurde=pkk". c’est leur devise.

    c’est ainsi... tous les kurdes soutiennent et aident financièrement le pkk s’ils le peuvent sinon ils envoient leur enfant rejoindre le camp (de gré ou de force).

    un kurde qui ne soutient pas le terrorisme, pour eux c’est un vendu, utilisé, agent travaillant pour la turquie etc...

    Lepen a bien été arrêté pour ses propos sur les chambres à gaz et autres. où est la liberté d’expression ???

    bien entendu la liberté d’expression a des limites, surtout s’il s’agit de propos incitant à la haine ou la violence.

    pour un pays européen, c’est normal. pour la turquie, on parle tout de suite de droit de l’homme, droit d’expression etc...

    quant à la langue kurde au tribunal, c’est purement de la provocation. ils parlent couramment le turc mais c’est pour faire kkter le pays. sinon bien sûr qu’ils doivent parler leur langue.

    j’espère que vous publierez mon comm.
    je n’ai rien contre les kurdes (j’en ai dans ma famille comme bcp de turcs d’ailleurs) mais je suis contre le pkk et la séparation du pays. il y a de la place pour tout le monde...

    Au revoir...

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