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Le CADTM dénonce le retour de Jean Claude Duvalier en Haïti et soutient l’appel des organisations haïtiennes à le traduire en justice.

Duvalier, un ex-dictateur hors la loi jamais inquiété par la France

Article mis en ligne le jeudi 20 janvier 2011

18 janvier 2011

Jean Claude Duvalier, dit « Baby Doc », est de retour en Haïti depuis le 16 janvier 2011. Bien à l’abri dans un luxueux hôtel situé sur les hauteurs à Pétionville, il dit être « venu pour aider [son] pays », après 25 années d’exil. Une seule forme « d’aide » est acceptable de sa part : la restitution de tous les fonds que lui et sa famille ont détournés pendant la période où ils gouvernaient le pays d’une main de fer.

Entre les Duvalier et Haïti, c’est une longue histoire. Elle débute le 22 septembre 1957, lorsque François Duvalier (le père) accède à la présidence du pays. Il y restera jusqu’à sa mort, en 1971, et désignera son jeune fils de 19 ans, Jean Claude, comme son successeur. Ce dernier reste alors en poste jusqu’à ce qu’il soit chassé par une révolte populaire de grande ampleur en 1986. La dictature familiale a donc régné pendant presque 30 ans.


Les Duvalier ou l’apologie de la corruption

Les Duvalier font partie du club privilégié des dictateurs fortement soutenus par les États-Unis et les institutions financières internationales pendant la Guerre froide |1| . Avec l’aval et la complicité des « pays amis », ils vont consciemment et systématiquement piller les ressources d’Haïti. Si bien que cette période peut être analysée comme celle de l’apologie de la corruption à grande échelle. La dette sera le mécanisme central permettant le transfert des richesses des Haïtiens vers les Duvalier et leurs amis. L’endettement extérieur va exploser durant cette période, multiplié par 17,5 entre 1957 et 1986. Au moment de la fuite des Duvalier, elle atteint 750 millions de dollars. Une enquête a démontré que la fortune personnelle de la famille Duvalier (bien à l’abri sur les comptes de banques occidentales) représentait alors une somme équivalente à 900 millions de dollars, une somme plus élevée que la dette du pays. Transparency international évalue entre 300 et 800 millions de dollars les fonds détournées par « Baby Doc ». L’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, lui, évalue plutôt la fourchette entre 500 millions et 2 milliards de dollars. Des montants gigantesques comparés au PIB d’Haïti.

Hormis les nombreux comptes bancaires en Suisse, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en France, les Duvalier possèdent de très belles propriétés. En France, le château de Théméricourt (Val d’Oise), un appartement au 56 avenue Foch à Paris, deux appartements à Neuilly sur Seine, un 240 m² dans le XVIe à Paris (appartenant à la veuve de François Duvalier). A New-York, un appartement situé dans la Trump Tower, sur la 5e avenue à Manhattan. Ils possédaient aussi un luxueux yacht, le Niki, à Miami.


La dette d’Haïti : une dette odieuse

Cet endettement, loin de servir à la population qui s’est appauvrie, était donc destiné à enrichir la dictature en place : il constitue une dette odieuse. En effet, le droit international reconnaît la nécessité de prendre en compte la nature du régime qui a contracté les dettes, et l’utilisation qui a été faite des sommes versées. Les créanciers tout comme les IFI sont de fait responsables tout autant que le régime contractant. D’autant plus lorsqu’ils ne peuvent nier qu’ils traitent avec un régime illégitime. Selon Alexander Sack, théoricien de la doctrine de la dette odieuse : “ Si un pouvoir despotique contracte une dette non pas selon les besoins et les intérêts de l’Etat, mais pour fortifier son régime despotique, pour réprimer la population qui le combat, cette dette est odieuse pour la population de l’Etat entier (…) Cette dette n’est pas obligatoire pour la nation : c’est une dette de régime, dette personnelle du pouvoir qui l’a contractée ; par conséquent, elle tombe avec la chute de ce pouvoir ”. Ainsi, les dettes contractées à l’encontre des intérêts de la population du territoire endetté sont “odieuses” et, en cas de changement de régime, les nouvelles autorités ne sont pas tenues de les rembourser.

Justice pour les Haïtiens !

Outre le pillage organisé des richesses du pays, les Duvalier sont aussi responsables directement de plusieurs crimes. Le funeste souvenir des agissements des Tontons Macoutes est ainsi présent dans l’esprit de tous les Haïtiens ayant connu cette période. La milice de répression, au service du pouvoir en place, avait comme préoccupation première de freiner toute contestation populaire. La violence dont ils ont fait preuve n’est plus à démontrer. Les Duvalier et leur milice sont responsables de l’emprisonnement, de la mort et de la disparition de milliers d’opposants

Le retour de Duvalier au pays est souhaitable, mais pour une seule raison : il doit y être jugé ! Le CADTM considère que les autorités haïtiennes doivent mettre fin au cycle de l’impunité qui prévaut en Haïti depuis des décennies. Il soutient donc l’appel des organisations haïtiennes demandant la poursuite devant la justice de Jean Claude Duvalier, et la restitution des avoirs volés et des biens mal acquis par cette famille de sinistre mémoire.

Notes

|1| Eric Toussaint, Banque mondiale : le coup d’État permanent.



Duvalier, un ex-dictateur hors la loi jamais inquiété par la France

Par Mathieu Deslandes

22/01/2011

http://www.rue89.com/2011/01/22/duv...

A Baby Doc, la France complaisante. Celui qu’elle avait accepté d’accueillir « en transit » pour quelques jours en 1986 sera finalement resté vingt-cinq ans. Hors la loi mais jamais inquiété.

Dimanche 16 janvier, Jean-Claude Duvalier, 59 ans, est rentré en Haïti de son plein gré. Ultime pied de nez à ceux qui jugeaient indigne la bienveillance de la France à son égard et qui, depuis des années, réclamaient son expulsion.

L’expulser ? « Impossible, on a perdu sa trace. » C’est l’explication qu’ont toujours servie, mines contrites, les autorités françaises, à quiconque cherchait des noises à l’ex-dictateur haïtien. Mais c’est une fable absolue. Depuis son atterrissage à l’aéroport de Grenoble le 7 février 1986, Jean-Claude Duvalier ne s’est jamais évanoui dans la nature.

(...)

Pour s’endormir, il peut compter les ministres de l’Intérieur. Joxe. Pasqua. Marchand. Quilès. Debré. Chevènement. Queyranne. Vaillant. Sarkozy. Villepin. Baroin. Alliot-Marie. Hortefeux.

Aucun des treize qu’il voit passer place Beauvau ne remet en cause la confortable légende de l’hôte perdu de vue.

Même quand il flambe sur la Croisette. Même quand il parade en Ferrari Testarossa. Même quand il conteste en justice le divorce – ruineux – obtenu par sa femme. Ou quand un tribunal l’expulse pour impayés de sa somptueuse villa de Vallauris (Alpes-Maritimes).

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