Une tribune pour les luttes

Entretien avec Pierre Stambul, membre du Bureau National de l’UJFP.

" L’avènement de la démocratie dans la région est un espoir."

Article mis en ligne le samedi 12 février 2011

Propos recueillis par Keltoum Staali

Les événements en Tunisie, en Algérie, en Egypte, au Yémen et en Jordanie préfigurent-ils selon vous un changement des rapports de force dans la région en faveur de l’instauration d’un Etat palestinien ?

Il est difficile de faire des prévisions. Mais on est peut-être en train d’assister à un basculement. Dans les années 1960-70, il y avait dans tous les pays arabes une poussée progressiste, un foisonnement de mouvements de révolte. L’Occident et les Etats-Unis ont tout fait pour faire refluer les mouvements progressistes et révolutionnaires. La victoire israélienne de 1967 a joué un rôle capital dans ce reflux. Par la suite, les régimes arabes sont quasiment tous devenus des gendarmes garantissant la sécurité de l’Occident face au « péril islamiste », ce qui paraît un peu curieux quand on pense à ce qu’est le régime saoudien.
Ces régimes sont tous devenus des dictatures avec parti unique, élections truquées, corruption généralisée, clans mafieux, répression violente, misère du plus grand nombre et richesse insolente d’une minorité.
En même temps, ces régimes ont ouvertement trahi le peuple palestinien en le poussant à des «  pseudo-négociations » qui étaient surtout des demandes de capitulation. Tous ces pays auraient pu depuis longtemps exercer de véritables pressions pour faire cesser l’impunité d’Israël. Ils ne l’ont jamais fait. Le plan de paix Saoudien (2002) aurait pu être la base d’un règlement. Les dirigeants arabes n’ont rien fait pour l’imposer et ils ont laissé les Palestiniens désarmés face à la répression.
Si des changements démocratiques se multiplient dans le monde arabe, cette politique de capitulation et de trahison des Palestiniens pourrait être remise en cause. Mais encore une fois, ce qui a fait descendre les peuples dans la rue, ce sont surtout la soif de liberté, la pauvreté et la corruption, pas la question palestinienne.

Comment les Palestiniens vivent-ils ces événements ?

La division de la Palestine avec deux gouvernements rivaux et pas d’Etat est une victoire de l’occupant. À Gaza, les manifestations de soutien au peuple égyptien ont été autorisées. D’autant que le Hamas est lié aux Frères Musulmans. Par contre en Cisjordanie, l’Autorité Palestinienne continue de soutenir Moubarak et a fait interdire les manifestations. Très critiqué pour sa soumission face à l’occupant, Mahmoud Abbas court le risque d’être assimilé à Moubarak. Lors de mon dernier voyage en Palestine (oct-nov 2010), j’ai entendu des propos très durs du genre : « nous aurions aimé n’avoir qu’un ennemi et pas deux ». Cet appui à Moubarak va renforcer son impopularité. Fondamentalement, les Palestiniens espèrent avant tout la fin rapide du blocus de Gaza.

La question palestinienne est intimement liée à cet équilibre de l’oppression que les puissances occidentales maintiennent à travers Israël, considéré comme la seule démocratie dans cette région. Quelles sont les perspectives qui se dessinent ?

L’historien israélien Shlomo Sand écrit que « Etat Juif et démocratique, c’est une contradiction ». Le caractère démocratique de l’Etat israélien ne concerne que les Juifs (et encore, plusieurs «  anarchistes contre le mur » ont été arrêtés). Il n’a jamais concerné les Palestiniens : 700000 d’entre eux ont connu la prison depuis 1967 et aujourd’hui, on trouve en prison des maires, des députés, des dirigeants politiques de tous les partis, des animateurs/trices d’associations en très grand nombre. Israël n’a jamais été le seul Etat démocratique de la région, mais c’est le seul Etat occidental devenu le gendarme de l’Occident au Proche-Orient. En face, il y avait des dictatures corrompues voire mafieuses, ce qui garantissait une situation immuable. L’avènement de la démocratie dans la région est un espoir.

Pierre Stambul , propos recueillis par Keltoum Staali

http://www.aloufok.net

Mardi, 08 février 2011

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