Une tribune pour les luttes

Communiqué du 11 mars de L’Association des Victimes de l’incendie de l’hôtel Paris Opéra (AVIPO) et Le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP)

Procès de l’incendie du boulevard Vincent Auriol

Justice des pauvres, justice indigne

Article mis en ligne le jeudi 17 mars 2011

Après près de 6 ans d’instruction, le procès de l’incendie du boulevard
Vincent Auriol s’est ouvert le 9 mars 2011 dans des conditions scandaleuses
et irrespectueuses eu égard au nombre de victimes et à la douleur des
familles touchées par ce drame.

Ainsi, 17 morts ne méritaient, aux yeux de l’institution judiciaire, pas
plus de 2 demi-journées d’audience, dans des salles sous dimensionnées et
une sonorisation hors service rendant parfaitement inaudibles les
interventions de la Présidente.

Aucune leçon n’ayant été tirée des mauvaises conditions de tenue de la
première audience, la seconde a commencé dans des conditions aussi
désastreuses que la première. Il a fallu une protestation par murmure du
public au cours de la deuxième audience pour changer de salle. Ce changement
de salle a amputé le seconde audience de plus d’une heure.

Excédées par autant de mépris de l’institution, les parties civiles ont
demandé le report du procès aussitôt refusé par la Présidente. La réponse du
public et des parties civiles a été immédiate et sans appel : Ils ont quitté
la salle d’audience pour protester contre ce refus.

Cela a obligé la Présidente à revenir sur sa décision et à reporter le
procès.

L’AVIPO et le MRAP qui assistaient au procès en soutien aux familles,
restent profondément choqués par les conditions dans lesquelles les victimes
ont été reçues par l’institution judicaire. Nous dénonçons plus
particulièrement le mépris affiché par cette institution à l’égard des
victimes qui comptaient sur ce procès pour faire la lumière sur cet incendie
criminel.

L’AVIPO et le MRAP joignent leur protestation à celle des familles des
victimes et exigent de l’institution l’organisation d’un procès dans des
conditions dignes de la justice qu’elle est censée rendre sans
discrimination aucune.

Paris, le 11 mars 2011.

— 
Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples -43 bd
Magenta - 75010 Paris - Tél. : 01 53 38 99 99 - Site web :
http://www.mrap.fr - Aider le MRAP : http://secure.mrap.fr - Recevoir nos


Editorial

Justice des pauvres, justice indigne

12.03.11

Il y a des affaires judiciaires où l’indignité le dispute à la désinvolture.
Il en est ainsi du procès de l’incendie criminel du boulevard Vincent-Auriol
(Paris 13e). Ouvert mercredi 9 mars, sans qu’aucun coupable se trouve au
banc des accusés, il a été renvoyé, jeudi 10 mars, à l’issue de deux
demi-journées chaotiques, à une date indéterminée, au mieux à la fin de
l’année 2011.

Les faits imposaient que la justice traite l’affaire avec humanité. Le 26
août 2005, un incendie déclenché volontairement dans une cage d’escalier
provoquait la mort de dix-sept personnes : trois femmes et quatorze enfants
de moins de 10 ans. L’immeuble, vétuste et en infraction avec les normes de
sécurité, abritait 123 habitants, des familles d’origine africaine auprès
desquelles l’Etat s’était engagé, en 1991, à veiller à un "relogement
définitif dans un délai de trois ans
". Quatorze ans après, ces familles,
logées dans des conditions extrêmement précaires et exposées au saturnisme,
s’y trouvaient encore.
En 2004, sans que la Préfecture de police juge utile de faire évacuer les
familles, des toiles de verre puis des plaques de contreplaqué sont posées
dans l’immeuble pour lutter contre le saturnisme. Lesdites plaques, très
inflammables, favoriseront la propagation du feu dans les six étages.

Au terme de plus de cinq ans d’instruction, la justice a ouvert un procès
sans vrais coupables. L’incendiaire n’a jamais été identifié. La Préfecture
de police de Paris a été exonérée de toute responsabilité. Seules étaient
poursuivies l’association Freha, qui gérait l’immeuble, et la société Paris
Banlieue Construction, à laquelle on reprochait d’avoir entrepris des
travaux de rénovation en n’ayant pas respecté les normes de sécurité. "Des
lampistes"
, aux yeux des parties civiles.
Face à ce drame de la misère, la justice a donné l’image, insupportable pour
les familles des victimes, d’un fonctionnement à deux vitesses. Dans
d’autres catastrophes - de l’explosion dans une usine AZF en 2001 à
l’incendie dans le tunnel du Mont-Blanc en 1999 ou à l’accident aérien du
mont Sainte-Odile -, la justice s’est donné le temps, avec des audiences
échelonnées sur plusieurs semaines ou plusieurs mois. Le procès "du
boulevard Vincent-Auriol
", lui, devait durer une matinée et un après-midi.
Une misère.

Le procès aurait pu être jugé rocambolesque s’il n’avait pas été simplement
sordide : des familles de victimes ballottées d’une salle à l’autre, une
sono désespérément défaillante, un manque de places, une absence de débats.
"Des enfants sont morts, a lancé l’avocat de plusieurs parties civiles, en
incriminant cette désinvolture. Ce ne sont pas des sacs de farine." "Le
tribunal baisse les bras"
, a cruellement observé la présidente de la chambre
du tribunal correctionnel de Paris en renvoyant le procès. Elle y a vu
"l’illustration de la misère de la justice".

La cause est entendue : la justice manque de moyens. Mais elle parvient à
les trouver pour certaines "grandes" affaires, comme le procès de Jacques
Chirac. Pour des victimes de la misère, elle passe son tour. Il y a là
quelque chose de profondément indigne.

Article paru dans l’édition du Monde du 13.03.11

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