Une tribune pour les luttes

Publication du rapport d’activité 2010 de la Défenseure des enfants.

Passages concernant les enfants mineurs de familles étrangères ainsi que ses observations sur la loi Besson et la situation des enfants Roms.

Article mis en ligne le mardi 26 avril 2011

Par mail

Dernier baroud d’honneur de Dominique Versini, alors que le machin Défenseur des droits (qui n’est toujours pas nommé !) devrait exister le 1er mai. La défenseure des enfants publie son rapport d’activité.
A télécharger à http://www.defenseurdesenfants.fr/p... ou sur le site du RESF : http://resf.info/article35967.html.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas le temps de décortiquer les 150 pages du rapport, quelques infos, en fichier joint, sur les situations dont a été saisie la Défenseure des enfants en ce qui concerne les enfants mineurs de familles étrangères ainsi que ses observations sur la loi Besson et la situation des enfants Roms.

De tout cela, il ressort bien que l’administration et le pouvoir mettent toujours plus de freins et d’obstacles à régler positivement la situation des enfants étrangers et de leurs familles, qu’il s’agisse du regroupement familial, des demandeurs d’asile, des enfants rroms, de ceux sous kefala, des enfants handicapés, etc. … sauf en ce qui concerne la délivrance des APRF et l’envoi en rétention !

Certains rappels aux lois et/ou à la jurisprudence du rapport sont d’autant plus intéressants qu’ils sont réutilisables et reproductibles.

N.


La Défenseure des enfants : ÉDITORIAL du 31/03/2011, par Dominique Versini

http://www.defenseurdesenfants.fr/actus.php

Le projet de loi relatif au Défenseur des droits présenté par le Gouvernement en septembre 2009 a finalement été voté par le Parlement le 15 mars 2011 et publié le 30 mars au Journal officiel de la République française. Ce vote a donné lieu à des débats longs et passionnés entre les tenants d’une Autorité indépendante spécifique pour les enfants et les tenants d’un adjoint auprès du nouveau Défenseur des droits.

Le Parlement a tranché. A compter du 1er mai, le Défenseur des droits aura absorbé le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) ainsi que la Commission nationale de la déontologie de la sécurité (CNDS).

Rappelons que le Parlement avait créé en mars 2000 par un vote unanime un Défenseur des enfants doté d’un statut indépendant du politique, suite à un rapport parlementaire constatant que les engagements pris lors de la ratification (en 1990) de la Convention Internationale des droits de l’enfant étaient loin d’être concrétisés en France. Depuis, Claire Brisset, la première Défenseure des enfants et moi-même avons largement œuvré en ce sens en faisant de nombreuses propositions de modifications de textes législatifs et règlementaires, de pratiques professionnelles mais aussi de politiques publiques concernant les enfants et adolescents.

Ces actions ont abouti à des progressions reconnues par le dernier rapport du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies de juin 2009, notamment dans le domaine de la protection de l’enfance et du handicap. Toutefois, de nombreuses atteintes aux droits des enfants, non seulement n’ont pas été réglées malgré tous nos avis, mais sont montées en puissance ces dernières années ce qui vaudra sans nul doute à la France des observations de la part du Comité de l’ONU : ainsi en est-il de certaines évolutions contraires à l’esprit de la Convention internationale, notamment en matière de justice des mineurs ou de traitement des enfants étrangers isolés, des enfants roms ou des enfants placés avec leur famille en centre de rétention. De même, doit-on s’alarmer de l’aggravation de la pauvreté qui concerne plus de 2 millions d’enfants en France et contraint 600 000 d’entre eux à subir les effets du mal-logement. Les conséquences sont inquiétantes en termes d’accès aux soins, de scolarisation et de risques de placement à l’aide sociale à l’enfance. Il y a urgence à suivre les recommandations du Comité des Nations Unies de réduire d’ici 2020 la pauvreté insupportable que vivent ces enfants.

Le vœu que je forme pour les enfants est que le nouveau Défenseur des droits ne se transforme pas en une nouvelle super structure administrative rendant impossible sa saisine par les enfants et que l’adjoint dénommé « défenseur des enfants », qui n’a malheureusement aucun pouvoir propre de par la loi, se voit déléguer des moyens d’action lui permettant d’être au plus près des enfants afin d’entendre leur parole et de réagir en temps réel face à leurs difficultés. Car le temps des enfants n’est pas celui des procédures administratives.

Dominique Versini
Défenseure des enfants


RAPPORT D’ACTIVITE 2010 DE LA DEFENSEURE DES ENFANTS –
EXAMEN ET CHIFFRES PORTANT SUR LES ENFANTS ETRANGERS

Généralités :

pendant la période de référence (1/07/2009 – 30/06/2010) la défenseure a été saisie de 1 349 réclamations, mais nous ne connaîtrons jamais le nombre de saisine au cours du 2e semestre 2010,
la défenseure est intervenue sur la situation de 2 899 enfants, dont 53% de garçons.


Enfants de familles étrangères en situation régulière :

Il y a eu 66 réclamations «  collectives  », i.e portant « sur une problématique collective dont le nombre d’enfants et/ou leur identification ne peuvent être définis avec précision. C’est notamment le cas lorsque la réclamation porte sur le fonctionnement d’un établissement scolaire ou éducatif, voire d’un groupe issu des populations Roms ou encore sur la définition d’une politique locale ou nationale relative aux enfants ou ayant des répercussions sur eux. Les situations collectives peuvent ainsi concerner des groupes allant de quelques enfants à plusieurs centaines. »
Il y a eu 44 « traitements immédiats  » de situations, notamment celles « d’enfants retenus avec leur famille en Centre de rétention administrative et dont l’expulsion peut intervenir à tout moment  »
20% des réclamations ont été réorientées (la situation ne relevant pas de la compétence de la Défenseure) « lorsqu’aucune intervention n’est envisageable, notamment lorsque le réclamant n’a pas fait les démarches préalables auprès des autorités compétentes et qu’aucun danger immédiat n’est repéré pour l’enfant (par exemple lorsqu’une famille sollicitant un titre de séjour n’a pas déposé de dossier auprès de la préfecture).  » …
61% des saisines effectuées par les associations concernent des mineurs étrangers (pas nécessairement de familles sans papiers), pour un taux global de saisines concernant les mineurs étrangers de 16% de l’ensemble des réclamations, soit le deuxième motif des réclamations (94% pour des mineurs étrangers hors U.E).
Ces réclamations portent essentiellement sur le regroupement familial de familles dont les parents sont en situation régulière, notamment des réfugiés.

La défenseure a constaté que la procédure actuellement suivie, instaurée pour faciliter la venue des familles de réfugiés, prend en général plus de temps que la procédure de regroupement familial classique. En outre, cette procédure n’est encadrée par aucun délai et n’est pas susceptible de recours, ce qui favorise l’opacité des décisions. Par ailleurs, il semblerait que les services consulaires locaux ne différencient pas la procédure spécifique aux familles de réfugiés de la procédure pour le regroupement familial classique.

La Défenseure a eu à traiter du retour en France des mineurs y résidant, suite au blocage du retour d’un enfant non titulaire d’un document de circulation pour mineur étranger (DCEM) et obligé de rester sur le territoire étranger, éventuellement sans ses parents, le temps de la délivrance d’un visa. En particulier, elle a eu à tenter de régler à plusieurs reprises de la situation de mineurs algériens, qui doivent justifier d’un séjour de 6 ans sur le territoire français avant la délivrance d’un DCEM, et de ceux sous kefala.
A ce sujet, on lira avec attention l’analyse que fait la Défenseure de la situation en droit français des enfants sous kafala (pages 107 & 108), avec le problème de la délivrance des visas, laissée à la décision souveraines des consuls, et celui du regroupement familial, refusé à ces enfants. A noter qu’une dérogation est accordée aux enfants algériens sous kefala, «  en application de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, modifié par le protocole additionnel du 11 juillet 2001 publié par le décret n° 2002-1305 du 20 décembre 2002, qui permet de demander un regroupement familial pour un mineur recueilli par kafala sous réserve d’une appréciation par le préfet de l’opportunité du regroupement familial au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant ».
Par ailleurs, « Une circulaire interministérielle du 17 janvier 2006 relative au regroupement familial des étrangers précise qu’exceptionnellement, certains enfants confiés à des tiers dans le cadre d’une délégation d’autorité parentale (et donc d’une Kafala) peuvent relever du champ du regroupement familial, se fondant pour cela sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et la Convention internationale des droits de l’enfant. »
Enfin, une proposition de réforme a été transmise au printemps 2010 au gouvernement par le médiateur de la République portant sur les points suivants :
« • définir une procédure d’agrément applicable à la kafala, susceptible de garantir les bonnes conditions d’accueil de ces enfants et de sécuriser la compétence des conseils généraux ;
• prévoir que les enfants recueillis en application d’une décision de kafala judiciaire par des personnes résidant régulièrement en France relèvent de la procédure de regroupement familial, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État ;
• édicter un texte précisant et rendant opposable de plein droit les effets juridiques de la kafala en France, notamment au regard de l’exercice de l’autorité parentale et du bénéfice des prestations familiales ; pour pouvoir solliciter la nationalité française pour les enfants recueillis par kafala judiciaire et élevés par une personne de nationalité française, la possession de celle-ci étant pour eux le seul moyen d’être adoptables ;
• inviter le législateur à reconsidérer l’interdiction d’adopter un enfant étranger lorsque la loi de son pays d’origine n’autorise pas l’adoption pour, a minima, ouvrir l’accès à l’adoption simple pour les enfants recueillis par kafala judiciaire
. »

La Défenseure des enfants a traité plusieurs réclamations relatives au refus de prestations familiales pour les enfants arrivés en France hors regroupement familial et y compris lorsque l’enfant handicapé étranger bénéficie de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé sur le plan médical sur décision de la Commission des droits de l’autonomie des personnes handicapées, pour non production du certificat médical ANAEM ou non production d’une attestation préfectorale précisant que l’enfant est entré en même temps que l’un de ses parents en situation régulière. On lira avec intérêt l’analyse de la Défenseure et les esquisses de solutions qu’elle apporte (page 111), même si un arrêt inquiétant de la cour de cassation du 15 avril 2010 remet en cause ces solutions.

Familles en situation irrégulière :

La Défenseure a été régulièrement saisie de situations de familles étrangères faisant l’objet d’un APFR ou d’une OQTF, principalement par RESF, la Cimade, la LDH, etc. ou par des collectifs.
Ces situations ont concerné de nombreuses réclamations, relatives à des enfants de tous âges, scolarisés ou non, dont les situations familiales sont très variées, mais précaires, de par l’impossibilité de travailler des parents.
Il y a eu plusieurs saisines pour soutenir des demandes de régularisation de familles, notamment de la part d’avocats confrontés aux difficultés administratives de leurs clients. Si la Défenseure est intervenue auprès des préfectures et du ministère de l’immigration au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, aucune donnée chiffrée n’est communiquée sur le nombre de ses interventions, ni sur les résultats.

Les demandeurs d’asile relevant de « Dublin II » :

Rappel bienvenu : les préfets ont toujours la possibilité d’admettre une personne au séjour pour des motifs humanitaires et familiaux en vue d’une demande d’asile (art 3-2, art 15 du règlement Dublin II), tout comme ils ont la possibilité d’accorder un titre de séjour (pour soins par exemple) qui annule la responsabilité de l’autre Etat (art 4 al 5, art 16-2 du règlement Dublin II).
Les réclamations reçues ont concernées essentiellement des familles arméniennes et tchétchènes, avec des interventions au cas par cas de la Défenseure pour demander des dérogations, basées sur l’intérêt supérieur de l’enfant… là non plus, pas de chiffres ni de résultats.

L’interpellation des parents SP :

La Défenseure a été saisie de situations dans lesquelles, à la suite de l’interpellation d’un ou de leurs parents, les enfants étaient laissés seuls au domicile ou confiés, par la police ou la gendarmerie, à des tiers non habilités.
Pas sûr que ce soit de l’humour, mais le rapport souligne que « toutefois, les forces de l’ordre chargées de procéder à ces interventions veillent le plus souvent à ce que ces enfants ne soient pas séparés de leurs parents  » !!! … donc, tous en rétention !
Il convient quand même de préciser que le rapport souligne les répercussions de ces interpellations et de ces enfermements sur les enfants (angoisse, trouble du sommeil et/ou de l’alimentation) « en raison de leur caractère soudain et dans un contexte violent ».
La Défenseure a parfois saisi la CNDS (qui, elle aussi, vit ses derniers jours) pour certains cas, nonobstant l’interpellation des préfets des départements concernés et du ministre.


La rétention :

Comme chaque année, la Défenseure des enfants a été saisie de nombreuses situations de familles ou de parents placés en rétention administrative après avoir reçu un APRF. Quand un enfant a été placé en rétention avec au moins l’un de ses parents, la Défenseure est intervenue pour rappeler aux préfets que les enfants, n’ayant pas commis d’infraction, « ne doivent pas être placés dans un lieu privatif de liberté conformément aux articles 3 et 9 de la CIDE  », et qu’il existe des alternatives, telles que l’assignation à résidence, à privilégier.

Les demandeurs déboutés du droit d’asile et les CADA :

Les situations de déboutés du droit d’asile auxquels les CADA mettent immédiatement fin à l’hébergement ont également fait l’objet de saisines de la Défenseure qui a tenté de faire en sorte que des solutions d’hébergement soient trouvées. Elle est intervenue pour « remettre du lien, lorsque cela est nécessaire, entre tous les intervenants afin de garantir que l’accompagnement de ces familles fasse l’objet d’une attention particulière en raison de la présence des enfants pour lesquels le chemin de l’exil et de l’errance est préjudiciable à l’équilibre psychique ». En dehors de la formulation particulièrement diplomatique, on ne sait pas si ces interventions ont permis à ces déboutés du droit d’asile rester sur le territoire en bénéficiant d’un titre de séjour ou d’un nouvel examen favorable de leur demande !


Les observations de la Défenseure des enfants sur le projet de loi Besson :


1) La création de zones d’attente ad hoc

Le projet de loi prévoit une extension importante de la possibilité de créer des zones d’attente, espace juridique où ont été dénoncées à plusieurs reprises des atteintes aux droits fondamentaux des enfants à la fois par les Nations Unies (Comité des droits de l’enfant : observations adoptées du 12 juin 2009 dans le rapport sur la France, § 84 et 86), par la Commission nationale consultative des droits de l’homme (avis sur la traite : § 88 et suivants) ou par le Conseil de l’Europe (notamment dans son rapport de 2006 : § 287).
La zone d’attente est le seul lieu, en France, où le droit des étrangers permet de priver de liberté un mineur isolé étranger. Le projet de loi implique que cette exception puisse être étendue sans en préciser réellement les limites, ce qui vient en contradiction avec les engagements pris par la France à travers sa ratification de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) dans ses articles 37b (enfermement en dernier recours uniquement) et article 37c (enfermement dans un lieu séparé des adultes). Dans ces espaces qui seraient créés au cas par cas, des interrogations importantes doivent être soulevées :
• la représentation légale du mineur isolé étranger par des administrateurs ad hoc.
Cette obligation est prévue par la loi pour les mineurs étrangers isolés en zone d’attente (article L 221-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), sachant que cette disposition rencontre de nombreuses difficultés d’application dans les zones d’attente existant depuis plusieurs années (Roissy).
• La possibilité pour les mineurs isolés étrangers de présenter une demande d’admission au titre de l’asile sachant que le cadre actuel ne prend déjà pas en compte la spécificité de la situation des mineurs en zone d’attente, ce qui dans les faits aboutit à une protection moindre et à un taux d’admission nettement inférieur à celui des adultes.
• Les mesures d’éloignement des mineurs à partir de ces zones d’attente sachant qu’en droit français, un mineur ne peut faire l’objet d’une telle mesure et que la zone d’attente est le seul lieu dans lequel un mineur isolé peut être réacheminé dans son pays. Cette disposition pose d’autant plus de questions que les éloignements de mineurs pratiqués ces dernières années à Roissy n’auraient, d’après les associations intervenantes dans ces zones, pas toujours été conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant : réacheminement vers des pays qui ne sont pas ceux d’origine.


2) Le développement des possibilités d’assignation à résidence

Le projet de loi (article 33) prévoit que cette mesure d’astreinte à l’extérieur d’un centre de rétention, qui comporte des obligations de présentation très étendues, puisse durer plus d’une année. La Défenseure des enfants a toujours demandé que cette alternative à la rétention soit utilisée plus systématiquement pour les familles avec enfants dans la mesure où elle
lui paraissait plus conforme à l’intérêt et au bien-être des enfants. Or, force est de constater que les conditions de l’assignation à résidence judiciaire (2 pièces d’identité dont un passeport en cours de validité) exigées pour cette assignation à résidence administrative par le projet de loi ne semblent pas avoir été assouplies pour les familles avec enfants.

3) Le statut des mineurs étrangers isolés atteignant l’âge de 18 ans.
L’article 19 du projet de loi prévoit la délivrance d’un titre de séjour temporaire pour les mineurs confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance entre 16 et 18 ans. Cette disposition, qui, à première vue, semble constituer une avancée, risque de s’appliquer aux « mineurs placés à l’Aide Sociale à l’Enfance entre 16 ans et 18 ans » et notamment ceux qui n’ont pas pu entamer une formation professionnelle avant l’âge de 17 ans ½.
De plus, certaines réserves formulées dans l’article 19 mériteraient d’être précisées.
La condition posée, pour l’attribution du titre de séjour « salarié », de l’examen de la « nature [des] liens avec la famille restée dans le pays d’origine », évoquée dans les mêmes termes que lorsqu’il s’agit de l’attribution d’un titre « vie privée et familiale », ne se justifie pas dans le cadre d’un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » qui n’est pas fondé sur le lien familial. Cette condition peut être, en outre, l’objet de nombreuses difficultés tant sur le plan de la preuve que sur celui de la subjectivité.
Un courrier résumant ces arguments a été envoyé au ministre à l’issue de cette audition et nous restons dans l’attente que des garanties et des réponses soient apportées à ces questionnements.

Par ailleurs à l’occasion d’autres rencontres avec le ministre de l’Immigration la Défenseure des enfants lui a fait part de son inquiétude sur les deux points suivants :
• La création de l’interdiction administrative de retour sur le territoire français (art. 23 du projet de loi) qui risque de porter durablement atteinte à l’unité des familles dans la mesure où elle peut accompagner n’importe quelle Obligation de quitter le territoire français et toucher n’importe quel conjoint de français ou d’étranger en situation irrégulière pour deux ou trois ans, voire plus puisqu’elle peut être prolongée.
• L’allongement des délais de placement en rétention du fait des nouvelles règles de saisine du juge des libertés et de la détention (JLD) lorsque l’étranger est placé en rétention (art. 37 à 45 du projet de loi). En effet le juge des libertés et de la
détention (gardien de la liberté individuelle selon l’article 66 de la Constitution) serait désormais saisi pour la prolongation en rétention de l’étranger après son placement en rétention à l’issue d’un délai de 5 jours (au lieu de 48 heures actuellement). Il pourra prolonger la rétention de 20 jours (au lieu de 15 actuellement). Au terme de ce nouveau délai, la rétention pourra encore être prolongée de 20 autres jours. La durée maximale de rétention passerait ainsi de 32 jours à 45 jours, sans pour autant se mettre en infraction avec la directive européenne du 16 décembre 2008 qui prévoit une durée maximale de 18 mois.
Il faut toutefois préciser que l’esprit de la directive est de fixer une limite maximale pour amener les pays qui ont des délais supérieurs mais qu’en aucun cas la France n’est tenue d’allonger la durée de séjour en rétention.


Enfants Roms :

La Défenseure a eu à traiter de nombreux refus d’inscription scolaire d’enfants de plus de 6 ans par des mairies, sur le fondement du principe de liberté d’organisation des collectivités territoriales. Ces refus concernaient principalement les familles sans domicile fixe, telles que les familles de gens du voyage et les familles Roms, pour lesquelles la Défenseure a saisi les Maires des communes concernées afin de leur rappeler le droit des enfants à être scolarisés, sans discrimination liée à leur mode de vie

Ci-dessous le texte du CP du 31 août 2010, dans lequel la Défenseure s’inquiétait du sort des enfants du voyage et des roms à la veille de la rentrée scolaire :

« Adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989, la Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) est entrée en vigueur en France depuis le 2 septembre 1990. La France peut s’honorer légitimement d’être parmi les premiers pays à l’avoir ratifiée et de s’être ainsi engagée à faire respecter les droits fondamentaux de tous les enfants vivant sur l’ensemble du territoire de la République, quelles que soient leur nationalité ou la situation administrative de leurs parents.
Si, dans l’ensemble, cet engagement a progressé au fil des années, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a reproché à notre pays, dans son dernier rapport (juin 2009), des manquements à l’égard des enfants des gens du voyage et des roms. Les décisions gouvernementales de cet été et les débats suscités amènent la Défenseure des enfants, à la veille de la rentrée des classes, à rappeler l’obligation impérative pour la France de respecter cette convention internationale sans discrimination.
Alors que tous les enfants vont retrouver le chemin de l’école, certains d’entre eux seront en difficulté pour obtenir l’effectivité de ce droit fondamental du fait du mode de vie de leurs parents (gens du voyage), ou d’un retour dit “volontaire” vers un pays où leur scolarisation ne sera absolument pas garantie (roms).
Concernant les enfants de Voyageurs, dont les familles sont françaises, rappelons que la loi prévoit qu’ils doivent bénéficier de la scolarité commune, avec les adaptations indispensables liées à l’itinérance, au stationnement précaire et à l’accompagnement parfois nécessaire pour eux-mêmes et leurs parents. La loi du 5 juillet 2000 dite Loi Louis Besson “relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage” a permis l’élaboration, aujourd’hui obligatoire, de schémas départementaux prévoyant des aires d’accueil ou de stationnement (voire même des terrains familiaux), l’accès à l’habitat social et aux services publics les plus proches possibles (dont les écoles). Force est de reconnaître que si elle a amélioré nombre de situations, cette loi peine à être réellement effective sur l’ensemble du territoire. Quoi qu’il en soit, le droit français est clair, rien ne peut s’opposer à la présence d’un enfant dans une école, même si les conditions du stationnement de ses parents sont contestables ou illégales, et même si l’autorité municipale responsable des inscriptions scolaires le refuse. Le préfet doit alors l’inscrire sans délai dans une école publique de la commune concernée.
Concernant les enfants de familles roms, rappelons qu’ils sont généralement roumains (plus rarement bulgares, serbes ou kosovars) et donc européens.
L’association Romeurope chiffre leur nombre à plusieurs milliers. C’est la misère et les discriminations vécues dans leur pays d’origine qui ont conduit leurs parents à vivre dans une très grande précarité à proximité des agglomérations françaises. Leur scolarisation est souvent rendue difficile par le fait que leurs parents vivant dans la survie et la peur des expulsions récurrentes de leurs campements ne connaissent ni ne savent faire valoir les droits fondamentaux de leurs enfants (école, santé). Ainsi, seuls 15 % de ces enfants seraient à jour de leurs vaccinations.
S’il est vrai que certains enfants mendient et, sous la contrainte d’adultes, peuvent être conduits à commettre des actes délictueux, dans tous les cas leur droit premier à être protégé doit être rappelé et effectivement mis en oeuvre par tous les détenteurs d’une autorité publique : services de l’Etat, des conseils généraux et des communes. La répression des adultes qui exploitent leur vulnérabilité d’enfants relève directement de la responsabilité de l’Etat.
Tout le monde convient que des réponses doivent rapidement être élaborées au niveau européen pour ces familles roms ballotées d’une région vers une autre. Mais cet impératif politique qui va prendre du temps ne peut pas dispenser la France de la nécessaire prise en compte indispensable des besoins des enfants : habitat, hygiène, nourriture convenable, fréquentation de l’école et possibilité d’accéder à une formation professionnelle, accès aux sports, aux loisirs et à la culture, etc. Au lieu de cela, des enfants vivent aujourd’hui dans l’incompréhension totale d’un retour brutal (obligé ou “volontaire”) vers un lieu souvent inconnu d’eux dans lequel leur scolarisation sera incertaine ; d’autres ont assisté à l’écrasement des roulottes ou des abris de fortune qui leur servaient d’habitat ; d’autres encore ont assisté à l’interpellation de leurs parents et à la séparation des hommes d’un côté, des femmes et des enfants de l’autre.
Ces traumatismes auront des conséquences difficilement évaluables pour leur avenir.
De plus, ces méthodes d’évacuation des campements réalisées dans le cadre d’une surmédiatisation voulue par les pouvoirs publics ont soulevé inquiétude et indignation chez les acteurs en charge de l’enfance ainsi que de nombreux citoyens tout en suscitant des interrogations de la part des organisations européennes et internationales en charge de la défense des droits de l’homme et de l’enfant. »

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