Une tribune pour les luttes

La diplomatie du drone

par Geoff Simons

Article mis en ligne le mardi 3 mai 2011

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La diplomatie du drone
par : Geoff Simons
Avril - Mai 2011
The Link - Volume 44, N° 2

Il y a beaucoup de genres de diplomaties internationales destinées à protéger et à servir les intérêts des états-nations. Quand Hillary Clinton, Secrétaire d’état US dit que les Etats-Unis continueront à financer l’Autorité palestinienne uniquement dans le cas où Mahmoud Abbas reste son dirigeant, on assiste à un cas classique de diplomatie de dollars. Et pourtant malgré le financement US d’Israël et de l’Egypte, de l’ordre de milliards de dollars par an, Washington a été mystérieusement incapable d’utiliser la diplomatie du dollar pour mettre fin aux excès de la dictature de Moubarak et n’arrive toujours pas à mettre fin aux nombreuses violations israéliennes du droit international. Bien sûr, à côté des options diplomatiques que la domination économique apporte, il y a aussi le pouvoir diplomatique insaisissable facilité par le muscle militaire. Le diplomate international, quand il parle pour une superpuissance, peut à la fois soudoyer et intimider.

On l’appelle la diplomatie de la canonnière, et elle est aussi ancienne que les conflits entre nations.

Le terme est né à l’époque de l’impérialisme européen, quand le fait de montrer sa force militaire en face des côtes était suffisante pour intimider d’autres états à accorder des concessions commerciales ou territoriales. Les Etats-Unis ont pratiqué longtemps la diplomatie de la canonnière comme exercice de son hégémonie. Theodore Roosevelt préférait le «  gros bâton » et on estime que Woodrow Wilson a pratiqué la diplomatie de la canonnière conventionnelle en 1914 quand le rebelle Cándido Agular a occupé Veracruz pendant la révolution mexicaine (des cas innombrables du 19e siècle pourraient être cités).

L’exemple le plus dramatique de la diplomatie de la canonnière américaine a été le bombardement atomique de Hiroshima et Nagasaki – non pas pour impressionner le Japon, puisque la guerre était déjà gagnée, mais pour intimider l’Union soviétique. En mars 1944 le Professeur Sir Joseph Rotblat, Prix Nobel a été choqué d’entendre le Général Leslie Groves, à la tête du Projet Manhattan, dire : « Vous réalisez certainement que le but véritable de fabriquer la bombe est de soumettre notre ennemi principal, les Russes ». Le Japon était vaincu mais l’administration Truman voulait enseigner aux Russes une leçon de real politique. En 1948, le professeur Patrick Blackett commentait que l’utilisation des bombes atomiques « n’était pas tellement le dernier acte de la Seconde guerre mondiale, que la première guerre diplomatique avec la Russie ». Dans la même veine, le Secrétaire d’état James Byrnes a dit en juin 1945 : La bombe était nécessaire non pas pour défaire le Japon mais plutôt pour rendre la Russie plus malléable en Europe. »

Aujourd’hui, les Etats-Unis, l’état militaire le plus puissant de la terre, continue à utiliser la diplomatie de la canonnière de différentes façons. En novembre 2010, le Christian Science Monitor observait, dans un article dont le titre était «  Obama emploie la diplomatie de la canonnière avec la Corée du Nord – et la Chine » que le président avait effectué « une action intelligente » après qu’une attaque de missile nord-coréen ait tué quatre personnes sur une île sud-coréenne. Obama avait ordonné que la brigade d’intervention, le porte-avion U.S.S. Washington aille dans la mer Jaune, au large de la côte occidentale de la Corée du Nord mais aussi dans une région maritime que Pékin revendique comme sa propre zone régionale. Les stratèges chinois ont peut-être été assez impressionnés. Les anciens impérialistes européens auraient applaudi.

Mais il y a plus. Maintenant à l’arsenal du monde de jets, de porte-avions et de bombes nucléaires on peut ajouter les drones.

Décrits différemment comme véhicule aérien sans équipage (UAV) et véhicules pilotés de loin (RPV), ils ont facilités un niveau de diplomatie entièrement nouveau. Les principes généraux sont les mêmes. Nous avons la technologie. Faites ce qu’on vous dit ou on vous anéanti jusqu’à la soumission.

La diplomatie du drone est actuellement appliquée comme un moyen militaire pratique, déployé dans divers théâtres de guerre et servant comme une menace constante pour des états faibles qui peuvent être suffisamment irréfléchis pour défier les US et d’autres hégémonies, et en particulier la domination régionale d’Israël.

L’histoire de UAV

Les véhicules aériens sans équipage, comme la diplomatie de la canonnière a une longue histoire évolutionnaire.

Sous leur forme la plus élémentaire ils remontent à des siècles avant le Christ, quand les Chinois ingénieux lancèrent des cerfs-volants pour la première fois. Le 22 août 1849, les Autrichiens ont utilisé des ballons sans équipage, dont certains lancés à partir du bateau autrichien Vulcano, pour attaquer la ville italienne de Venise. Certains des ballons, chacun de 23 pieds de diamètre et bourrés d’explosifs ont fonctionné comme prévu pour faire peur aux Italiens, tandis que des vents imprévisibles en renvoyèrent certains vers les lignes autrichiennes.

Pendant la guerre civile américaine, une caméra de surveillance avait été placée dans un ballon attaché ; pendant la Première guerre mondiale, une caméra avait été placée à la patte d’un pigeon voyageur. En 1915, le « Kettering Bug » qui devait devenir le premier drone militaire était conçu comme une arme contrôlée de loin capable de suivre un trajet sommairement programmé, se dépouiller de ses ailes et plonger sur la cible choisie comme une bombe. Cela n’a jamais été totalement développé notamment par manque de fonds ; puis la guerre se termina, probablement avec un gros regret pour les techniciens du Bug.

Le premier UAV opérationnel a été la « cible aérienne de A.M. Low de 1916, suivi bientôt par une machine plus mortelle. Le 12 septembre 1916, l’avion automatique Hewitt-Sperry surnommé “bombe volante” et contrôlé par les gyroscopes de Elmer Sperry, a effectué son premier vol et a démontré la faisabilité d’avions d’assaut sans équipage. En 1924, le scientifique Hugo Gernsback constata les avantages d’un “avion sans pilote qui voit » via un contrôle radio et un lien télévisé, bien que la technologie du moment était inadéquate pour un tel dispositif.

Pendant les années 1930, la marine US commença à expérimenter avec des avions contrôlés par radio et en 1937 a produit des drones Curtiss N2C-2 contrôlé de loin par d’autres avions. L’année suivante, le Corps d’armée US aérien a signé un contrat avec la Compagnie Radioplane, plus tard Division Venture de l’entreprise Northrop, pour la production de trois drones à cible contrôlés par radio. Pendant la seconde guerre mondiale, la Force aérienne US (USAF) a acquis des centaines d’UAV à cible, des versions contrôlées par radio de Culver Cadet, des avions civils légers à deux sièges. et des milliers de modèles Culver plus élaborés. La bombe bourdonnante allemande V1, utilisée d’abord sur Londres pendant la guerre, a été classée comme un drone offensif, un véhicule aérien sans pilote transportant une bombe.

Le concept de « drones d’attaque » utilisant des caméras de télévision a connu le début de son développement au début des années 1940. En avril 1942, un drone a réussi à attaquer à la torpille un destroyer japonais dans un rayon d’action de 20 miles de l’avion de contrôle. Ensuite le Bureau naval d’aéronautique US a lancé un programme d’attaque par drone contrôlé à distance par télévision de 162 avions de contrôles et de 1000 drones d’attaque. A cette époque, l’idée d’utiliser des UAV comme véhicules d’assaut contre des cibles militaires était encore controversée pour des raisons de coût et de tactique, et des drones d’attaque n’ont pas été utilisés pendant les principales avances des alliés en 1944. A la fin de juillet 1944, quatre drones ont été utilisés pour attaquer un bateau marchand japonais échoué dans les Iles Russell, avec deux tirs réussis et deux ratés. Quelques 46 drones américains ont été lancés au nord des Iles Salomon mais alors que certains touchaient leur cible, d’autres échouaient.

Après la Seconde guerre mondiale, avec des stratèges militaires qui finalement percevaient les nombreux avantages des UAVs, les US se mirent à investir lourdement dans leur développement. En mai 1960, l’avion espion U2 piloté par Francis Gary Powers a été abattu en Union soviétique, ce qui a encouragé davantage le développement d’avion de surveillance sans équipage, cette fois sous le nom code de « Red Wagon ». Des drones porteurs de caméras ont largement été utilisés pour des opérations de surveillance pendant la guerre du Vietnam, la Première guerre du Golfe (1990-91), les conflits aux Balkans des années 1990, et dans beaucoup de théâtres d’opérations suivants. Vers 2000, les US étaient prêts à utiliser abondamment des drones comme véhicules pour lancer des missiles, et en 2001 les Afghans commencèrent à en sentir les bienfaits. Le 3 novembre 2002, des opérateurs de la CIA à Djibouti ont tiré des missiles Hellfire guidés au laser à partir d’un drone sur un véhicule de passagers au Yémen, tuant tous les passagers, y compris un citoyen américain.

Le Prédateur

L’UAV General Atomics MQ-1 Predateur et l’UAV GA MQ-9 Reaper (faucheuse), des systèmes Tier II, sont les drones les plus utilisés par l’armée US et la CIA.

Le Prédateur avait été conçu dans les années 1990 pour transporter des caméras et d’autres détecteurs pour des opérations de reconnaissance et a plus tard été mis à jour pour transporter et tirer deux missiles AGM-114 Hellfire et d’autres munitions. La CIA s’intéressa au drone «  Amber » développé par Leading Systems, Inc., dont le propriétaire Abraham Karem, qui était l’ancien chef concepteur pour la Force aérienne israélienne et qui avait émigré aux US à la fin des années 1970. La compagnie qui a repris Leading System a vendu cinq drones, appelés alors « Gnat » à la CIA, et Karem accepta de produire un moteur silencieux pour le véhicule. Jusque là, les drone résonnaient comme « une tondeuse à gazon dans le ciel ». La nouvelle machine dérivée de l’UAV GA Gnat 750 a été connue sous le nom de Prédateur. Après des essais réussis dans la moitié des années 1990, le Prédateur a été utilisé dans les Balkans au cours de l’été de 1995. A ce moment-là, un seul Prédateur coûtait $ 3,2 millions.

La CIA de plus en plus enthousiaste sur les possibilités techniques ouvertes par la technologie des drones organisa pour des équipes de forces aériennes US entraînées par le 11e escadron de reconnaissance à la base aérienne de Nellis, Nevada, les organismes pour envoyer des Prédateurs en Bosnie et ensuite au Kosovo. Quand un certains nombre de pertes furent occasionnées par des conditions de temps froid, les Prédateurs furent équipés plus tard de systèmes anti-gel, en même temps que d’un moteur majoré turbocompressé et des avioniques améliorés. Le nouveau système était désigné comme RQ-1B, ou comme MQ-1B quand on y ajoutait des munitions (« R » pour reconnaissance, « Q » système aérien sans équipage et « M » combinant un multi rôle de reconnaissance et de fonctions de bombardement). Maintenant, le Prédateur est équipé d’un système de ciblage multi-spectral, une caméra couleur pour le contrôle du vol, une TV de jour à ouverture variable et une caméra à ouverture variable infra-rouge pour des conditions nuageuses , de fumée ou de nuit. Les caméras transmettent une vidéo en pleine action et des images radars cadrées. Des signalisateurs laser, équipement standard de tous les Prédateurs, permettent au « pilote » d’identifier les cibles pour d’autres UAVs et même fournir une guidance au laser pour des avions à équipage. Le signalisateur est employé aussi pour aider à la localisation de la cible pour des missiles Hellfire.

Le Prédateur a été utilisé pour bombarder des cibles en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, en Serbie et au Yémen. Il peut voler pendant 400 miles nautiques, rôder pendant 14 heures, puis retourner à sa base. Il dépend d’une station de contrôle au sol (GCS) et de l’escorte d’un lien de communication d’un satellite important.

Pendant les opérations en ex-Yougoslavie les UAV étaient contrôlés par un pilote de Prédateur assis avec d’autres spécialistes dans un camion sur le chemin de la base d’opération du drone, envoyant parfois des Prédateurs secrètement de Hongrie ou de Gjadar en Albanie. Plus tard, il a été possible d’entrer en communication aux réseaux de satellites militaires reliés au pilote du camion et vers 2000, le développement de la technologie a permis aux opérateurs d’envoyer des drones au loin sur de grandes distances

Donc la technologie satellite de navigation n’est pas seulement utilisée pour nous aider à orienter notre voiture d’une ville à l’autre mais elle assure aussi que nous puissions bombarder avec succès des étrangers dans des villages distants. Le Prédateur moderne est très discret et comme le missile Hellfire est supersonique, les cibles peuvent être attaquées avec peu d’avertissement. Pour des buts de transport, le UAV peut être désassemblé et chargé dans un container appelé « le cercueil », tandis que tout le système de contrôle au sol peut être facilement roulé dans un avion C-130 Hercules

A la suite de l’invasion de l’Afghanistan en 2001, le Prédateur est devenu le principal UAV pour les opérations offensives dans les régions tribales en Afghanistan et au Pakistan.

Aujourd’hui, la grande majorité des Prédateurs sont opéré par les forces des Etats-Unis et de la CIA. Dans leur arsenal, il y a des dizaines de milliers de UAVs, y compris 7.000 de ce que certains observateurs appellent « les drones pour assassinat ». Cela fait des US, de loin, le plus gros utilisateur de véhicules aériens sans équipage dans une vaste série de types différents depuis des petits drones de surveillance qu’un soldat peut contrôler avec un combiné jusqu’aux grandes machines style Reaper qui peuvent pulvériser des villages entiers.

Depuis 2010, comme partie du programme d’automation du champ de bataille, la Force aérienne US affirme entraîner plus d’opérateurs de drones que de combattants et des pilotes bombardiers, avec des plans actuels d’élargir considérablement la flotte des UAV dans les prochaines décennies.

En 2006, l’USAF n’était capable de faire voler à tout moment uniquement une douzaine de drone, mais maintenant, elle peut en faire voler plus de 50. Lors d’une conférence commerciale significative en dehors de Washington en 2009, des fournisseurs de l’armée ont décrit une vision future d’une aviation sans pilotes servant de combattant, de bombardier, de transport et même des mini-drones automatiques capables d’attaquer en essaim. Des milliers de véhicules robotiques et de drones ont déjà été déployés en Irak et en Afghanistan et en 2015, le programme d’acquisition d’armes du Pentagone de +/- $230 milliards pour « les systèmes futurs de combat » prévoit qu’au moins 15% des forces armées US sera robotique.

Une étude récente, «  le Plan de vol 2020-2047 du système aérien sans équipage » a prédit qu’en 2020, $55 milliards seraient dépensés pour financer des drones. Le Général Norton Schwartz, le chef d’état major de la force aérienne a commenté ; “Les capacités offertes par l’aviation sans équipage est en train de changer les règles du jeu. Nous pouvons observer nos adversaires 7 jours sur 7 et 24h sur 24. » Dans les années qui viennent, la plupart des pilotes américains seront assis devant le clavier de leur écran plutôt que d’opérer dans les airs.

Même maintenant, l’USAF fait voler +/- 50 drones en Afghanistan, avec un nombre qui devrait augmenter jusqu’à 65 en 2013. En 2010, WikiLeaks révélait que des drones Prédateur et Reaper, pilotés par contrôle lointain à partir de la base de la force aérienne de Creech, Nevada, était de plus en plus utilisés dans tout l’Afghanistan. En janvier 2009, le Washington Post rapportait que le nouveau système de surveillance du drone « Gorgon Stare », capable de saisir des images vidéo en direct de mouvement de toute une zone urbaine était déployé en Afghanistan. Le Major Général James Poss, vice-chef de l’état major pour le renseignement était cité disant : « Gordon Stare observera toute la ville, ainsi il n’y aura pas moyen pour l’adversaire de savoir ce que nous regardons, et nous pouvons voir tout ; » Loren Thompson, chef responsable à l’Institut Lexington, un groupe de politique publique, a observé : «  La disponibilité de drones de surveillance et de drones d’attaque a grandi à pas de géant ces quelques dernières années, » et a suggéré que les drones auront «  saturé » l’espace aérien dans les années qui viennent.

Des morts par manette

Une conséquence de cette escalade de diplomatie du drone est appelée avec euphémisme «  dommages collatéraux ». Voici quelques exemples de ce qui est arrivé à l’autre bout du fossé digital :

* Le 4 février, 2002, à 3h, sur une colline près de Zhawa Kili, Province Paktia, Afghanistan. Un missile Hellfire de Prédateur tue Darz Khan, Jehangir Khan, et Mir Ahmed, pendant qu’ils récupèrent de petits morceaux de métal d’attaques de missiles antérieures. Les villageois locaux ont raconté à Doug Struck du Washington Post que les hommes, désespérément pauvres, espéraient vendre les morceaux de métal au Pakistan, où une charge de chameau d’acier difforme vaut 50 cents. La nièce de 16 ans de Daraz Khan demande : «  Pourquoi faites-vous cela. Pourquoi, vous Américains, tuez-vous Daraz ? Nous n’avons rien, rien et vous nous avez pris notre Daraz. » La porte-parole du Pentagone Victoria Clark dit, « Nous étions convaincu que c’était une cible appropriée – (bien que) nous ne savions pas exactement qui c’était ».

* 6 mai 2002, Province Kunar, Afghanistan. Un tir de Prédateur sur un convoi de voitures dans une tentative pour assassiner le chef de guerre Gulbuddin Hektmatyer à cause de son opposition à Hamid Karzan soutenu par les US, alors président de l’Administration transitionnelle afghane. Le chef de guerre n’est pas dans le convoi. 10 civils sont tués.

* 5 janvier 2006, la zone Saidqi du Pakistan. Un missile de Prédateur fait sauter une maison où le commandant en second d’Al-Qaeda, Ayman al-Zawahiri, est supposé se trouver. Il n’y est pas. Huit civils tués.

* 13 janvier 2006, avant l’aube, le quartier général au 6e étage de la CIA, Langley,VA. Un opérateur d’ordinateur ordonne à un Prédateur dans des zones 12 fois et demi plus loin de tirer quatre missiles Hellfire sur trois maisons à Demadola, Pakistan. Les missiles fabriqués par Lockheed Martin et coûtant chacun $45.000 anéantissent les maisons de trios bijoutiers. La cible, Ayman al-Zawahiri, n’est pas là. 22 civils y compris cinq femmes et cinq enfants sont tués alors qu’ils célébraient le conge musulman de Eid al-Adha. « Ils ont agi sur des renseignements faux, » a dit un fonctionnaire du renseignement pakistanais, des Américains. Un rassemblement évalué à 10.000 personnes à Karachi dont beaucoup criaient « Mort à l’agression américaine » et « stoppez de bombarder des gens innocents ».

* Le 22 août 2008, dans le village de Azizabad, Province d’Herat, Afghanistan. 78 à 92 civils, des enfants en majorité sont tués par des missiles de drones. Le Pentagone appelle l’attaque une frappe légitime contre les Talibans, et nie qu’il y ait des victimes civiles. Cinq semaines plus tard ; le Département US de la Défense admet que 33 civils ont été tués Une enquête de la Mission d’assistance à l’Afghanistan de l’ONU estime le nombre à 90 civils dont 60 enfants.

* Le 13 octobre 2008, dans la ville de Miran Shah, Nord Azizabad, Province d’Herat, Afghanistan. Un barrage de drones US tue cinq personnes. Les locaux clament qu’aucun des tués n’étaient des militants.

* le 23 janvier 2009, South Waziristan, trios jours après l’inauguration du Président Obama. Un Prédateur frappe la maison de Malik Gulistan Khan, un aîné tribal et membre du comité de paix local pro-gouvernemental. Cinq familles sont tuées. «  J’ai perdu mon père, trois frères et mon cousin dans l’attaque, » dit Adnan, son fils âgé de 18 ans. Son oncle ajoute : «  Nous ne faisions rien, et n’avions pas du tout de connexions avec les militants. »

* 2 avril 2009, dans le village de Data Khel, près de la frontière afghane. Des attaques de drones US tuent 13 personnes, y compris des femmes et des enfants. Des milliers de Pakistanais fuient la région pour échapper à ces attaques, causant une crise humanitaire colossale. Rabia Ali, le porte-parole du Haut commissariat des réfugiés de l’ONU et Maqbool Shah Roghani, administrateur pour le déplacement interne de populations (IDP) à la Commission pour les réfugiés afghans rapportent que 546.000 personnes se sont enregistrés comme IDPs. Des milliers d’autres non enregistrés trouvent un refuge auprès de parents. Le gouvernement pakistanais commence à manquer de ressources pour nourrir et loger ces réfugiés.

* 5 mai 2009, dans le village de Gerani près de la frontière iranienne en Afghanistan. Avec le taux de morts civils connu le plus élevé depuis le début des combats en 2001, plus de 100 personnes sont tuées pendant qu’ils cherchent un abri dans un enclos pendant des frappes aériennes de la coalition. Utilisant des outils rudimentaires, les villageois retirent les corps à la main.

* 19 mai 2009, , Khaisor, Nord Waziristan. Un drone US frappe les maisons de villageois soupçonnés de nourrir de présumés militants, tuant 14 femmes et enfants et deux vieillards et en en blessant une douzaine de plus.

* 18 juin 2009, Raghazai, Sud Waziristan. Un drone US lance des missiles contre un complexe soupçonné Taliban, tuant une seule personne. Quand des villageois se précipitent pour aider les survivants blessés, une drone rôdeur tire un second missile, tuant une douzaine de personnes de plus. La cible de l’attaque d’assassinat, Wali Mohammed, n’est pas dans le complexe d’après le reportage du New York Times.

* 14 juillet 2009, l’Institut Brookings, Washington DC. Daniel Byman, attaché de haut rang au Centre Saban pour la politique du Moyen-Orient, conclut qu’une moyenne de 10 civils sont tués par des attaques de drones US pour un militant.

* 9 octobre 2009, la région de Datta Khel au Nord Waziristan. Saddam Hussein, 13 ans, perd sa nièce âgée de 10 mois et sa belle-soeur dans une frappe de drone contre leur maison. « Les drones patrouillent jour et nuit, » raconte Saddam à la Campagne des victimes innocentes de conflit (CIVIC). «  Parfois, on en voit soudain six dans les airs. Quand ils descendent en piqué, les gens se ruent hors de leur maison, même la nuit ».

* 26 décembre 2009, la région Barbar Raghazi du Nord Waziristan. Des missiles de drones tuent quatre personnes et en blessent davantage lors d’une attaque contre une résidence privée. Des autorités locales racontent à Al-Jazeera que tous ceux qui ont été tués étaient des civils. Une semaine plus tard, l’organisation médiatique indépendante Global Research conclut que sur les 44 attaques par drones contre les régions tribales du Pakistan dans l’année écoulée, seuls cinq ont atteint leur véritable cible. Les autorités pakistanaises estiment le nombre d’enfants tués en 2009 à 708.

* Mars 2010. La New American Foundation située à Washington rapporte que 51 attaques par drone au Pakistan ont eu lieu pendant la première année de l’administration Obama à comparer avec les 45 pendant les deux termes entiers de la présidence de Bush.

* 8 septembre 2010, Yémen. Les US lancent une série d’attaques de drones contre des militants suspects. Le rapport original dit que 20 sont tués. Des rapports ultérieurs suggèrent que la plupart de ceux qui avaient été tués étaient des gens de tribus sans connexion avec des groupes militants.

* 13 novembre 2010, le village Ahmad Khel, dans la région de Mir Ali au Nord Waziristan. Un drone US tue cinq personnes. Un correspondant de Geo News, une chaîne d’informations basée à Karachi, rapporte sur le lieu de l’attaque que les morts semblent être des citoyens ordinaires.

* 16 novembre 2010, dans le village de Bangi Dar, Nord Waziristan, près de la frontière afghane. Quatre missiles de drone touchent une maison et un véhicule. Kamal Hyder de Al-Jazeera rapporte que 16 personnes, y compris des femmes et des enfants sont tués dans la maison et quatre dans le véhicule.

* 2 décembre 2010, Le centre de surveillance du conflit (CMC), un centre de recherche indépendant d’Islamabad publie un rapport sur les morts par drones. Il conclut que les US et les autorités pakistanaises négligent délibérément les morts civils, qui surpassent en nombre ceux des militants. Le CMC estime que 2.043 Pakistanais ont été massacrés par des attaques de drones de la CIA, ces cinq dernières années, dont la grande majorité des civils.

23 janvier 2011, Mir Ali, Nord Waziristan. Des drones US tuent 13 personnes dans la région. Quelques 2000 membres de tribus locales manifestent pour réclamer la fin des frappes par drones, disant qu’elles tuent d’innocents civils. 75% de tous les morts pakistanais ces cinq dernières années ont eu lieu pendant la présidence de Barack Obama.

Le co-pionnier

Israël est le co-pionnier des US pour la technologie du drone.

Aujourd’hui, c’est le leader mondial.r

Israël a modifié des modèles US pour son propre arsenal et pour l’exportation. Son modèle principal, le Hermes, est la réponse de l’Etat juif au Prédateur. Il peut rôder à 18.000 pieds pendant 20 heures. Ses détecteurs peuvent discerner des gens au sol et même distinguer entre adultes et enfants. Les drones déployés à Gaza pendant les 23 jours de l’Opération Plomb fondu israélienne, transportaient des missiles avec un rayon d’explosion mortelle de 10 à 20 mètres.

Voici quelques exemples de leurs « dommages collatéraux » :

* 27 décembre 2008, la ville de Gaza, le premier jour de l’attaque. Un missile lancé par un drone des FDI frappe un groupe de jeunes rassemblés autour d’une radio pendant qu’ils attendaient le bus, en face de la rue de l’Agence d’assistance et de travaux pour réfugiés palestiniens de l’ONU (UNRWA). 12 étudiants sont tués dont deux femmes, avec d’autres victimes civiles. Aucune activité militaire n’est rapportée à ce moment dans la région. « On a entendu un bruit vrombissant dans l’air avant l’explosion, » dit Ibrahim Rayyis, 19 ans, qui était dans un magasin voisin. «  Quand je suis sorti pour voir ce qui était arrivé, mes deux frères Hisham et Allam étaient couchés par terre, le sang giclant de leurs blessures ». Leur père, Nehru Rayyis, plus tard a trébuché sur le corps d’un autre membre de la famille tué dans l’attaque, Abd Allah âgé de 20 ans devant une morgue bondée à l’hôpital de Gaza.

* 27 décembre 2008, Gaza. Un missile de drone israélien frappe le quartier général de la police de la ville de Gaza, tuant au moins 40 cadets pendant une cérémonie de remises de diplômes. Les enquêteurs de Human Rights Watch sur le site ont trouvé 500 shrapnels métalliques parfaitement cubiques, des circuits imprimés et autres parties y compris certains marqués avec les nombres de série Motorola et quatre petit impacts de cratères, le tout compatible avec des missiles tirés par drone.

* 29 décembre 2008, à l’est du camp de réfugiés de Jabalya, nord Gaza. Un missile lancé par un drone israélien touche un camion devant un magasin de métaux tuant neuf civils, dont trois enfants. Les Forces de Défense d’Israël disent que des hommes chargeaient des rockets dans le camion, mais après une inspection sur place, la FDI a reconnu que c’étaient des tanks à oxygène.

* 5 janvier 2009, pendant la nuit, ville de Gaza. Un missile lancé par un drone israélien frappe l’école primaire Asma dirigée par les Nations Unies. Trois jeunes gens de la famille Sultan sont tués. L’école a des signaux lumineux, et l’ONU a fourni à la FDI un plan de toutes ses écoles et de tous ses établissements. Le même jour, dans la région de al-Shaaf de Gaza, un drone israélien tue Mo’men Allaw, 10 ans, écrasant ses jambes et répandant des cubes de shrapnel perçant sa poitrine. D’après The Nation, sa famille était assise sur le toit de leur maison à midi, quand le missile est venu littéralement du ciel.

* 16 janvier 2009, Gaza. Mounir al-Jarah prend le thé dans sa cour avec sa sœur, son mari et quatre de leurs enfants. Il les quitte pour aller chercher quelque chose dans la maison et quand il revient il voit une boule de lumière venant droit sur lui. Il y a une explosion et Mounir est jeté en arrière. Quand il se relève et trébuche dans la cour, il voit les enfants : Mohammed le corps coupé en deux, Ahmed, le corps en trois, Walid au corps gravement brûlé, et ayant perdu les yeux, et Nour, la tête décapitée qu’on ne retrouvera jamais. Ceci serait une des douzaines de cas répertoriés par Amnistie Internationale de civils morts par drones pendant l’attaque israélienne de 23 jours. Cinq mois et demi plus tard, Human Rights Watch publiera un rapport de 39 pages, «  Absolument mal : les civils de Gaza tués par des missiles lancés par des drones israéliens, » dans lequel Marc Garlasco, analyste militaire important de HRW conclut : « des opérateurs de drones peuvent clairement voir leurs cibles au sol et peuvent aussi détourner leurs missiles après le lancement…Vu ces capacités, Israël doit expliquer pourquoi ces morts de civils ont eu lieu. »

Israël est tellement avancé dans la technologie des drones et donc testée sur le terrain à Gaza que beaucoup de pays préfèrent des drones fabriqués en Israël.

La Turquie les veut. Le journal israélien Haaretz signalait en juin 2010 que la Turquie utilisait encore des drones fabriqués en Israël contre le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) interdit. Au début de 2010, la Turquie a conclu une affaire d’une valeur de $186 millions avec Israël pour la fourniture de 10 drone Heron et l’assassinat de neuf militants turcs dans l’incident de la flottille n’a pas semblé bouleverser l’affaire.

D’autres pays qui frappe à la porte d’Israël pour de l’armement comprennent le Brésil qui a signé un accord d’achat de drones de $350 millions avec Israël pour accroître la protection des frontière et le travail de la police. L’Inde utilise des drones israéliens pour contrôler le Cachemire. La Géorgie a utilisé des drones Hermes contre la Russie en 2008, et la Russie impressionnée par la performance du drone géorgien s’est procuré pour une valeur de $53 millions des drones israéliens pour elle-même. Les Britanniques, les Allemands et les Canadiens utilisent tous des drones israéliens Heron au dessus de l’Afghanistan. Même les Etats-Unis achètent des drones israéliens pour patrouiller ses frontières avec le Mexique. Et le Pentagone utilise des drones israéliens Skylark en Irak. Pour mieux honorer ses contrats, Israël a monté des fabriques de drones à Starkville, Mississipi et Columbus, Ohio. Depuis 2005, il a entraîné beaucoup d’opérateurs de drone de ces pays et les équipes d’entretien, dont certains ont été déployées en Irak et en Afghanistan.

…et le reste

Aujourd’hui, les frappes de drones US sur l’Afghanistan et le Pakistan et les attaques israéliennes contre Gaza ne sont qu’une partie du tableau.

Les révélations WikiLeaks montrent que les US utilisaient des drones contre des cibles islamistes au Yémen et que le Président yéménite Ali Abdullah Saleh avait dit au Général David Petraeus, alors commandant des forces US au Moyen-Orient, que «  nous continuerons à dire que ce sont nos bombes et pas les vôtres ». Les drones sont aussi utilisés pour fournir une surveillance de cibles iraniennes, avec Ali Fadavi, commandant des forces navales des Gardes révolutionnaires, prétendant avoir abattu «  beaucoup » de drones occidentaux. Les drones US protègent aussi les bateaux des pirates somaliens, et surveillent la portion Manitoba de la frontière canadienne avec les Etats-Unis pour empêcher le transit de migrants, de terroristes et contrebandiers de drogues.

Mais comme le prouvent les cartels de la drogue, eux peuvent jouer le jeu des drones. En septembre 2010, le Secrétariat de services publics (SSP) du Mexique a rapporté que les cartels de la drogue utilisaient des drones ultra-légers sans équipage pesant +/- 100 livres pour envoyer 220 livres de cocaïne aux Etats-Unis, chaque vol rapportant aux trafiquants de drogues près de $2 millions. Donc, il faut poser la question : combien de temps faudra-t-il avant que les terroristes ne viennent avec leurs propres drones ultra-légers ?

Aujourd’hui les Etats-Unis sont de loin la nation impériale la plus réussie – un rôle qu’ils ont repris au Japon et les puissances européennes. L’ambition impériale peut bien sûr est poursuivie de beaucoup de manières, mais le drone moderne est un outil de plus en plus efficace pour aider les US à remplir ce rôle.

D’autres pays perçoivent cet état des choses et œuvrent de manières variées pour les rattraper en acquérant la technologie du drone. Même le Général Pervez Musharraf du Pakistan, précédemment un dictateur ami de Washington a suggéré dans une interview à Fox News en septembre 2009 que le Pakistan aujourd’hui victime d’attaques de drones, pourrait utilement avoir quelques drones pour son usage personnel contre les terroristes. Au début de 2011, le Pakistan a négocié un accord avec les US pour acquérir un système de drone, le Shadow-III, utilisé actuellement par la Marine US et le corps des Marines.

La Royal Air Force de Grande Bretagne, un allié des US, est fortement impliqué dans les opérations Prédateur et Reaper, la plupart lancées contre des cibles en Afghanistan à partir d’une base à Kandahar mais contrôlée à partir de la base de la force aérienne US à Creech, Nevada. En décembre 2010, le Ministre de la Défense du RU a refusé de répondre à une question parlementaire demandant si les drones utilisés par le RU tiraient le missile Hellfire AGM 114N. C’est une arme thermobaric ( ???) capable de destructions considérables et indiscriminées et une arme condamnée par des groupes de droits humains et jugée par beaucoup d’observateurs comme contraire au droit international. En 2011, il y a eu des spéculations croissantes comme quoi la Grande Bretagne et la France allaient coopérer dans la production de drone.

En avril 2010, la Northrop Grumman Corp., productrice du drone de surveillance RQ-4 Global Hawk était heureuse de déclarer que la Corée du Sud, l’Australie, Singapour, la Grande Bretagne, l’Espagne, la Nouvelle Zélande et le Canada envisageaient d’ajouter des versions du Global Hawk, déjà utilisées par la force aérienne US en Irak et en Afghanistan, à leurs forces aériennes. Le Japon a déjà agi pour abandonner l’interdit d’usines d’armes qu’il s’était imposé lui-même, et d’entrer dans l’industrie globale d’armes. Cela impliquerait une conversion de l’industrie robotique du Japon du civil vers le militaire pour produire du matériel contrôlé de loin, comme un drone pour contrer les développements militaires d’autres pays asiatiques. En novembre 2010, pas moins de 25 modèles de drone différents étaient exposés à la foire aérienne de Zhuhair en Chine, un nombre record pour un pays qui avait révélé son premier concept d’UAV à la même foire seulement quatre ans plus tôt. Jeremy Page, écrivant dans le Wall Street Journal commentait : « Le progrès apparent en UAVs est un signe sûr que l’ambition de la Chine de mettre à jour son armée massive ainsi que son clout ( ???) global politique et économique croît. »

En août 2010, on a détecté un drone Nord-Coréen près de la frontière maritime sensible avec le Corée du Sud, peut-être une réponse au Global Hawks US utilisé pour espionner le nord. On savait que depuis quelques années la Corée du Nord essayait d’obtenir des UAVs pilotés de loin de l’Europe pour installer son propre programme de production de drone.

En mars 2009, l’armée américaine confirmait qu’elle avait descendu un drone iranien, un Ababil-3 à l’intérieur de l’espace aérien irakien. L’Iran a déjà une flotte en augmentation d’avions sans équipage, avec certains ayant des caractéristiques furtives pour éviter le radar ennemi, et a fourni au Hezbollah des drones de surveillance Misrad et Ababil. Au moins l’un d’entre eux a été descendu par des avions de combat israéliens. En août 2010, le Président Ahmadinejad, lors d’une cérémonie d’inauguration pour le premier bombardier sans équipage d’Iran , le Karrar (le combattant) a dit : «  Le jet, » a dit le Président, « tout en étant un ambassadeur de mort pour les ennemis de l’humanité, a surtout un message de paix et d’amitié ».

Ce qui nous mène aux deux dernières questions.

Les drones ont-ils une éthique ? Ou même une efficacité ?

D’après les nouvelles de l’information, Faisal Shahzad, le Pakistano-américain qui échoua dans sa tentative de bombarder Times Square le 1er mai 2010, a raconté aux enquêteurs qu’il agissait en représailles aux attaques de drones US au Pakistan. Ceci a conduit David Sanger, correspondant en chef de Washington pour le New York Times a demander : « Les attaques accélérées au Pakistan – notamment les frappes par Prédateur – ont-elles rendu la vie des Américains plus sûre ? Ont-elles eu l’effet pervers de pousser moins d’insurgés à penser à viser Times Square et les lignes aériennes américaines, pas simplement Kaboul et Islamabad ? Bref, incitent-elles plus d’attaques en Amérique qu’elles en préviennent ? »

C’est certainement le cas au Pakistan, d’après David Kilcullen, un expert en contre insurrection qui travaille pour le Général Petraeus. Dans un article du 17 mai 2009 du New York Times, il a écrit que les attaques par drones qui sont «  extrêmement impopulaires » et entraînaient la perte de contrôle du gouvernement pakistanais sur son propre peuple. « Nous devons retirer les drones, » a-t-il conseillé. «  Ils créent plus d’ennemis qu’ils n’en éliminent ». Chaque mort non combattant « représente une famille aliénée, un nouveau désir de vengeance et plus de recrues pour un mouvement militant qui s’accroît exponentiellement même quand les frappes de drones ont augmenté. »

Ceci est aussi l’évaluation de Hamid Mir un journaliste pakistanais de longue date, un présentateur de l’information et un analyste de la sécurité. Parlant à l’Université de Californie, Berkeley le 9 avril 2009, il a insisté que les morts civiles attribuées à des attaques de drones américains, contribuaient à un processus de radicalisation. « On réalise –le Pakistan, l’Amérique et toute la Communauté internationale – tout le monde veut défaire Al-Qaeda et les Talibans. Mais les gaffes dans notre traitement des régions tribales ne font que le renforcer. »

Les fabricants de drones aux US et en Israël affirment que les drones sauvent des vies, c-à-d qu’il n’y a pas de pilotes perdus au combat. Pourtant, comme on l’a vu, pour chaque pilote sauvé, beaucoup d’innocents civils sont tués ou mutilés.

Les partisans des drones prétendent que les missiles de drones guidés par laser sont des tueurs plus précis que les avions sans équipages. Pourtant, comme l’a constaté Human Right Watch dans son rapport du 30 juin 2009 sur l’attaque d’Israël contre Gaza : «  Les drones, tout comme les snipers à fusil ne servent à préserver les civils que pour autant que les gens qui les manient s’en soucient. La précision et le rayon d’explosion concentré des missiles peuvent réduire les victimes civiles, mais à Gaza, les choix de cibles israéliennes ont entraîné la perte de beaucoup d vies civiles. »

Si l’objectif militaire est d’exterminer et/ou d’isoler les extrémistes des communautés dans lesquels ils vivent, bombarder des civils à des milliers de miles de distance à partir de la base de force aérienne de Creech au Nevada semblent un moyen peu vraisemblable de conquérir les cœurs et les esprits.

Quand aux « pilotes » militaires derrière leur console de haute technologie, il apparaît qu’ils souffrent de désordres post-traumatiques a des niveaux plus élevés que des soldats au combat parce que, pense-t-on, ils sont confrontés directement avec les macabres résultats bruts de leur poussage de bouton. Ce n’est pas l’incertitude de la guerre sur le champ de bataille, où la survie et la victoire dépendent d’une variété de facteurs de risque. Ceci est faire sauter un poisson dans une caque, et aller ensuite chez soi pour souper.

Des moralistes commencent à contester la moralité de la guerre par drone. Un éditorial du numéro du 18 mai 2010 du magazine protestant The Christian Century a conclu que alors que des drones avaient tué des dirigeants ennemis, « ils posent de terribles questions à ceux qui sont attachés au principe de la guerre juste que des civils ne devraient jamais être visés ». Même l’argument «  d’absence de risques » que les drones évitent des pertes US, est mis en question parce que, dit le Century, la théorie de la guerre juste soutient qu’il vaut mieux risquer la vie de ses propres combattants que la vie d’ennemis non-combattants.

Les drones sont-ils légaux ?

Il y a à présent un débat grandissant sur la légalité de l’usage de drones pour attaquer des cibles étrangères, avec David Glazier, un professeur de droit américain, suggérant que des pilotes de drone pourraient être accusés d’avoir commis des crimes de guerre.

En mai 2010, Philip Alston, le représentant spécial de l’ONU pour les exécutions extra-judiciaires, a soulevé un certain nombre de préoccupations dont la moindre n’est pas la vogue d’une mentalité de jeux vidéos ( ??? "Playstation") parmi les opérateurs de drones. N’étaient-ils pas simplement en train de jouer des jeux videos avec des cibles dépersonnalisées et distantes qui néanmoins résultaient en un massacre indiscriminé d’êtres humains ? Alston, un professeur de droit de l’Université de New York écrit :
Je suis particulièrement inquiet que les Etats-Unis s’attribue un droit qui s’étend constamment de viser des individus partout sur le globe. Mais cette licence de tuer sans responsabilité fortement revendiquée mais mal définie n’est pas une attribution que les Etats-Unis ou d’autres états peuvent avoir sans violer gravement les règles désignées pour protéger le droit à la vie et empêcher les exécutions extra-judiciaires.

Les Conventions de Genève de 1949, qui fournissent la base du droit humanitaire international, ont été élargies en 1977 par les Protocoles additionnels I et II.

Le premier, censé représenter le droit international coutumier, traite spécifiquement de la « Protection de victimes de conflits armés internationaux ». Il a servi de document clé dans les poursuites par le Tribunal pénal international de criminels de guerre en rapport avec les conflits au Sierra Leone, l’ex-Yougoslavie et la République démocratique du Congo. Les Etats-Unis sont signataires des Protocoles additionnels mais ne les ont pas encore ratifiés, contrairement à 168 états, y compris chaque état européen.

Néanmoins, l’absence de ratification n’immunise pas les US du droit international. Lors du 20e anniversaire de l’établissement des Protocoles additionnels, le Comité international de la Croix Rouge a clairement exprimé la vision légale générale que les amendements de 1977 «  constituent une série de règles de droit coutumier qui vaut pour tous les états, qu’ils fassent partie ou non des Protocoles ». Bref, aucun état ne peut se soustraire au droit international simplement en l’ignorant.

Il suffit de mentionner ici quelques articles du Protocole I : Article 17 (rôle de la population civile et de sociétés d’assistance), Article 15 (protection de la population civile), Article 52 (protection générale des objets des civils), Article 53 (protection des objets culturels et des lieux de culte), et l’Article 57 (précautions lors d’attaques). En particulier, l’Article 6 du Protocole additionnel II, la Quatrième Convention de Genève et l’Article 6 de la Convention internationale des droits civils et politiques sont directement pertinents pour une estimation légale de la politique de drone. Les cas d’étude de véritables attaques par drones au Pakistan et à Gaza démontrent de manière détaillée et sans ambiguïté des violations du droit international par les US et Israël.

Rien dans cette analyse n’est surprenant. Ces dernières années, les Etats-Unis se sont montrés fréquemment indifférents au droit international. Interviewée dans les 60 Minutes sur CBS le 12 mai 1996 sur des sanctions économiques, Madeleine Albright avait essayé de justifier la mort de 500.000 enfants en Irak en conséquence des objectifs politiques des US : «  Nous croyons que le prix en vaut la peine ». Elle n’avait montré aucune conscience des copieuses violations légales que cette politique impliquait. De même, l’invasion de l’Irak en 2003 par le Président Bush et ses tentatives pour justifier la torture comme faisant partie de la politique américaine indiquait le mépris à la fois pour le droit national que le droit international. Cette attitude, partagée par certains alliés US, est bien communiquée par Tzipi Livni, qui pendant des années a été un membre important du gouvernement israélien : « J’étais Ministre de la Justice. Mais je suis contre le droit – le droit international en particulier. »

Le 18 février 2011, les Etats-Unis ont opposé leur veto à une résolution de l’ONU condamnant les colonies israéliennes illégales sur les terres palestiniennes. Donc, de nouveau, les US ont démontré leur mépris criminel pour le droit international.

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Vos commentaires

  • Le 28 août 2012 à 12:26, par Marcus En réponse à : La diplomatie du drone

    Le drone existe donc depuis bien longtemps ! Aujourd’hui ils sont de plus en perfectionné et il est même possible de les contrôler via des satellites, autant dire que cela en fait des armes puissantes pour éviter toute perte humaine...

    Ces systèmes ont besoin d’un refroidissement si celui de l’air n’est pas suffisant. J’ai déjà vu des modèles utilisant une clim pour être en entière autonomie et supporter tout type de climat.

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